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Cadernos de Pesquisa

versión impresa ISSN 0100-1574versión On-line ISSN 1980-5314

Cad. Pesqui. vol.51  São Paulo  2021  Epub 08-Jul-2021

https://doi.org/10.1590/198053147516 

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, PROFESSIONS, TRAVAIL

LE PHÉNOMÈNE REINE DES ABEILLES : QUELLES PARTICULARITÉS À L’UNIVERSITÉ?

Rebeca da Rocha GrangeiroI 
http://orcid.org/0000-0002-9292-2648

Catherine EsnardII 
http://orcid.org/0000-0003-4637-799X

IUniversidade Federal do Cariri, Juazeiro do Norte (CE), Brésil; rebeca.grangeiro@ufca.edu.br

IIUniversidade de Poitiers, Poitiers, France; catherine.esnard@univ-poitiers.fr


Résumé

Cette recherche a pour objectif d’explorer l’occurrence des caractéristiques de l’effet reine des abeilles dans une université française en observant notamment s’il se manifeste sous des formes différentes entre les enseignant.e.s-chercheu.r.seuse.s et les personnels non enseignants de différentes catégories statutaires. Vingt-deux entretiens semi-directifs individuels, conduits auprès de personnels masculins et féminins, mettent en évidence une prévalence des traits caractéristiques de l’attitude de la reine des abeilles chez les femmes universitaires de statut élevé, bien plus que chez les femmes non enseignantes. Les résultats de cette étude exploratoire sont discutés dans le cadre des discriminations sexistes susceptibles d’impacter les carrières des femmes à l’université.

Key words: RELATIONS DE GENRE; FEMMES; UNIVERSITÉ; PROFESSION

Resumo

O objetivo desta pesquisa é explorar a ocorrência das características do fenômeno abelha-rainha em uma universidade francesa, observando, em particular, se esse efeito se manifesta de diferentes formas entre docentes-pesquisadores(as) e não docentes de diferentes categorias estatutárias. Vinte e duas entrevistas semidiretivas, realizadas com funcionários e funcionárias, destacam a prevalência de traços característicos da abelha-rainha entre docentes-pesquisadoras de status elevado, muito mais do que entre mulheres não docentes. Os resultados deste estudo exploratório são discutidos no contexto de discriminação baseada em gênero, suscetível de afetar as carreiras das mulheres na universidade.

Palavras-Chave: RELAÇÕES DE GENERO; MULHERES; UNIVERSIDADE; PROFISSÃO

Abstract

The objective of this research is to explore the occurrence of the queen bee phenomenon characteristics in a French university by observing in particular whether this effect manifests itself in different forms between the professors-researchers and non-professors staff of different statutory categories. Twenty-two individual semi-structured interviews, conducted with male and female personnel, highlight the prevalence of queen bee characteristic traits among high status female professors, much more than among non-professors women. The results of this exploratory study are discussed in the context of gender-based discrimination likely to impact the women careers in university.

Key words: GENDER RELATIONS; WOMEN; UNIVERSITY; PROFESSION

Resumen

El objetivo de esta investigación es explorar la ocurrencia de las características del fenómeno abeja reina en una universidad francesa, observando, sobre todo, si ese efecto se manifiesta de distintas formas entre docentes-investigadores(as) y no docentes de diferentes categorías estatutarias. Veintidós entrevistas semiestructuradas individuales realizadas con empleados y empleadas destacan la prevalencia de rasgos característicos de la abeja reina entre docentes-investigadoras de alto status, mucho más que entre mujeres no docentes. Los resultados de este estudio exploratorio se discuten en el marco de la discriminación en base al género, capaz de afectar las carreras de las mujeres en la universidad.

Palabras-clave: RELACIONES DE GENERO; MUJER; UNIVERSIDAD; PROFESIÓN

L’égalité femmes-hommes dans les universités françaises : un bilan mitigé

L’égalité entre les femmes et les hommes dans la sphère professionnelle est une problématique sociétale désormais considérée comme majeure. De nombreuses initiatives ont été entreprises ces dernières années, notamment en Europe, pour permettre de limiter les prédominances masculines au sein des emplois. La charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale (2006)1 comporte trente thématiques d’engagements dont l’emploi. Ce volet met en avant des dispositions concernant la mise en place d’actions positives, les rémunérations, les promotions, les développements de carrière, la diversité des emplois et des mesures de recrutement équitable que chaque signataire devra concrétiser. Le décret Scapin (2012)2 renforce le dispositif déjà présent quant aux pénalités liées au non- respect de l’obligation d’égalité professionnelle. Des dispositifs plus spécifiques sont conçus pour cibler des domaines d’actions précis. En France, dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, en 2009, une charte d’égalité entre les femmes et les hommes engage une lutte contre les stéréotypes et discriminations, œuvre pour un équilibrage des sexes dans les différentes filières, et invite à nommer un référent dans l’établissement chargé de la mise en œuvre de la charte. Pour autant, les recensements statistiques conduits dans les universités françaises montrent une réalité qui n’atteint pas encore les espérances escomptées dans la mise en place des engagements d’égalité pour les femmes et les hommes. Un rapport produit par le Ministère de L’enseignement Supérieur et de la Recherche en 20183 relève que les femmes représentent 24% des professeurs d’université et 44% des maîtres de conférences en 2017. Seulement 12% de femmes occupent une poste de présidente d’université et 6% de femmes assurent la présidence des organismes publics de recherche. Cependant, eu égard à l’histoire, la place de la femme dans le monde du travail est en progression, nous pouvons parler de vent dans le ciel de plomb (Schweitzer, 2009). Si ce progrès perdure, une répartition égale des hommes et des femmes s’établira en 2027 pour les maitre.sse.s de conférences. Du côté du corps des professeur.e.s des universités, la progression étant moins élevée, l’égalité entre les hommes et les femmes devrait advenir en 2068.

Malgré ces progrès dans l’instauration de l’égalité des femmes et des hommes dans le monde du travail, une métaphore vient rendre compte des entraves que rencontrent les femmes dès lors qu’elles souhaitent progresser dans la hiérarchie en termes de statut professionnel, tant dans le secteur public que privé (Marry & Pochic, 2017) : le phénomène du plafond de verre, illustrant les barrières invisibles issues de préjugés comportementaux et processus organisationnels entravant les femmes dans leurs tentatives d’accéder à des fonctions à responsabilité, non pas du fait de leurs compétences mais uniquement de leur genre. Ces préjugés comportementaux sont le manque d’ambition des femmes et la trop forte implication dans leur vie privée. Les processus organisationnels sont, quant à eux, une division du travail qui relègue les femmes aux tâches les moins favorisantes, une promotion des pairs entre eux, et une insertion minime des femmes dans les réseaux clefs qui facilitent l’ascension aux postes à responsabilité (Latour, 2008). Ce phénomène est encore bien présent dans le domaine de l’enseignement supérieur et la recherche (Marry & Jonas, 2005; Drucker-Godard et al., 2017). Une métaphore propre lui a été attribuée, celle du « tuyau percé » (Alper & Gibbons, 1993; Berryman, 1983). Ce fait dénonce l’évaporation progressive des femmes au sortir des études et de manière continue et renforcée plus on avance dans la carrière académique (Faniko et al., 2018) et cela alors qu’il y a une majorité d’étudiantes en licence et en master et qu’elles ont un meilleur parcours universitaire (Drucker-Godard et al., 2017). Cette métaphore du tuyau percé renvoie également à un « effet ciseau » (Boutillier & Laperche, 2007) qui représente l’action selon laquelle deux phénomènes évolueront de manière opposée. Ainsi, les femmes ressentent le plafonnement hiérarchique qui, par définition, représente la fin des possibilités de promotion dans une carrière, plus fortement que les hommes (Drucker-Godard et al., 2017). Enfin, si la présence de femmes dans les fonctions hiérarchiques à responsabilité est plus élevée dans la fonction publique que dans le privé (Alber, 2013), parvenir à obtenir une Habilitation à Diriger des Recherches, dans le cas de l’enseignement supérieur français, n’est pas pour autant une promesse de ne plus subir les inégalités à ce même poste de catégorie plus élevée. Rossiter (1995) parle de « l’effet Matilda » pour désigner une sous-représentation des contributions scientifiques des femmes à la faveur des hommes. C’est ainsi que 784 prix Nobel ont été attribués de 1901 à 2006, et seulement 34 à des femmes (Boutillier & Laperche, 2007). Les femmes ont également tendance à recevoir moins d’espaces de recherche (e.g. bureaux) et de financement pour leurs travaux que les hommes (Ellemers et al., 2004).

Le rôle des femmes dans la construction des inégalités professionnelles

Tout semble montrer que l’homme est un acteur direct dans l’inégalité entre les hommes et les femmes dans le monde professionnel à forte domination masculine (Brenner et al., 1989). Néanmoins, de récents travaux (Derks et al., 2011; Ellemers et al., 2004; Faniko et al., 2016; Faniko et al., 2017b) mettent en évidence la part de responsabilité qu’occuperait la femme dans la construction de ces inégalités professionnelles. Ces auteurs empruntent à Staines et al. (1974) le terme « reine des abeilles » (RdA) pour décrire trois caractéristiques attitudinales qu’une femme, ayant obtenu une position à responsabilité, peut adopter, impactant de ce fait, l’avancement hiérarchique de ses subordonnées femmes (Faniko et al., 2018).

L’une de ces caractéristiques est l’assimilation de traits masculins. Cet effet procède de la nécessité, pour les femmes en position de pouvoir, de s’inscrire dans le modèle dominant basé sur les stéréotypes de genre masculins, à savoir des traits dit agentiques (e.g. dominant, indépendant) afin d’être qualifiées et évaluées plus positivement (Derks et al., 2011). Il est résulte une autre nécessité, celle de se distancier des femmes (i.e. les femmes en début de carrière ou dans des postes subalternes) qui seraient susceptibles de continuer à confirmer les stéréotypes de genre féminin que les femmes de pouvoir ont mis tant d’ardeur à combattre : par exemple, le succès pour la femme serait dû à la chance alors que celui de l’homme est dû à sa compétence, la femme serait moins engagée que l’homme et moins compétente et plus encore quand elle doit concilier vie professionnelle et familiale (Ellemers et al., 2004; Faniko et al., 2017b). En parallèle, elles continueraient à s’identifier aux femmes de même rang statutaire car celles-ci ont réussi à infirmer les stéréotypes négatifs en accédant aux postes en position statutaire élevée (Faniko et al., 2016). Cette autre caractéristique, la distanciation des femmes en responsabilité envers les femmes subordonnée, s’observera via une perception de leur engagement, de leur ambition et des sacrifices réalisés dans leur carrière comme supérieurs à ceux de leurs collègues subordonnées (Faniko et al., 2016, 2017a).

La légitimation de la hiérarchie de genre, troisième caractéristique de l’effet reine des abeilles, souligne que les attitudes des reines des abeilles peuvent servir à légitimer l’inégalité entre les sexes. Cette légitimation est mise en place de différentes façons, par exemple en niant la discrimination de genre subie par les femmes et le désavantage structurel du fait de leur genre; en ne soutenant pas (ou même étant contre) des politiques de discrimination positives qui sont mises en place pour favoriser l’avancement des femmes dans leur carrière, notamment pour les femmes juniors en position de subordonnée; et en renforçant le discours de la méritocratie selon lequel ceux/celles que font plus d’efforts, que sont plus ambitieux (ambitieuse), que ont moins de contraint familiale et que travaille dure réussissent à avoir des meilleurs postes. Gisbon et Cordova (1999) pensent que les femmes en responsabilité veulent maintenir les organisations comme telles (i.e. organisations dans lesquelles dominent les stéréotypes du genre masculin) car elles ont réussi à s’y immiscer alors que les barrières étaient difficilement franchissables ; les détruire, maintenant, reviendrait à annihiler leurs efforts passés pour y parvenir. Au demeurant, les femmes qui ont réussi anciennement dans des conditions d’accès encore plus hermétiques qu’à ce jour, sont celles qui refusent le plus catégoriquement la mise en place de politiques discriminatives pour les femmes juniors (Derks et al., 2011; Ellemers et al., 2004).

La métaphore de la RdA qui décrit une discrimination directe par certaines femmes en position de pouvoir à l’encontre de leurs subordonnées est en réalité une conséquence indirecte de premières discriminations et inégalités subies par les femmes (Derks et al., 2016). Le phénomène RdA n’est pas considéré comme une compétition entre femmes, mais plutôt comme un moyen pour certaines femmes en responsabilité de montrer leur ambition dans des organisations jugées sexistes (Derks et al., 2011) où pour réussir, il faut calquer son attitude et son comportement aux normes présentes, celles des hommes. Néanmoins, toutes les femmes en position de pouvoir ne développent pas les caractéristiques d’une RdA, certaines contribuant, au contraire à augmenter la part des femmes dans les postes de position statutaire élevée dès leur arrivée à un poste à responsabilité (Arvate et al., 2018). La littérature identifie deux catégories de déterminants à l’origine de cet effet. L’un est contextuel : le phénomène RdA (i.e. les caractéristiques vues précédemment) apparait dans la majorité des cas dans des organisations où les hommes détiennent majoritairement les postes à responsabilité (Derks et al., 2016). L’autre est lié au parcours personnel de la femme : le choix de cette stratégie va dépendre de la perception qu’à la femme de la complexité à monter dans la hiérarchie et du degré d’identification qu’elle a avec le groupe social des femmes (Derks et al., 2016). Une étude réalisée auprès de femmes en position de pouvoir dans différents secteurs publics et privés aux Pays-Bas montre une corrélation significative entre identification de genre et expérience de discrimination. Les femmes qui s’identifient le moins aux autres femmes sont celles qui expriment un taux de déni de la discrimination au travail dans le passé le plus élevé. A contrario, les femmes qui sont le plus identifiées à leur genre témoignent plus fréquemment avoir été victimes de discrimination dans leur carrière professionnelle. De plus, les femmes qui ont été le plus discriminées et qui ont une identification masculine forte exposent un niveau d’engagement plus élevé (Derks et al., 2011).

L’effet reine des abeilles à l’université

Si l’effet reine des abeilles a été largement analysé depuis ces deux dernières décennies, son observation dans le champ académique de l’enseignement supérieur et de la recherche reste peu documenté. Pour autant, les travaux existants tendent à montrer que cet effet est tout aussi présent dans les universités : l’assimilation des caractéristiques masculine et la distanciation envers les femmes subordonnées (doctorantes) sont relevées chez les femmes séniores (professeures) à l’université en Italie et aux Pays-Bas (Ellemers et al., 2004) montrant, qu’alors même que les doctorants et doctorantes se percevaient égaux dans leur carrière et leur engagement, les femmes professeures percevaient les doctorantes, plus que les doctorants, comme moins engagées dans leur carrière qu’elles-mêmes avaient pu l’être à leurs débuts.

La présente étude a pour objectif d’explorer l’occurrence des caractéristiques de ce phénomène dans une université Française en observant notamment si cet effet se manifeste sous des formes différentes selon l’appartenance à l’un des deux corps professionnel constituant la communauté universitaire : les enseignant.e.s.-chercheu.r.seuse.s dont les deux catégories statutaires sont les maitre.sse.s de conférences (MCF) et les professeur.e.s des universités (PR) et les personnels non enseignants, à savoir les personnels ingénieurs, administratifs, techniques, sociaux et de santé et des bibliothèques (i.e. les BIATSS4) relevant de trois catégories statutaires (A, B et C).

Plus spécifiquement, il est attendu plus d’assimilation de traits masculins chez les femmes de statut élevée (PR et BIATSS catégorie A) que chez les femmes MCF et BIATSS catégories B et C. Il est également attendu une distanciation des femmes de statuts élevés envers leurs collègues subordonnées incluant les dimensions d’engagement, de sacrifices personnels et d’ambition ainsi qu’un déni de la discrimination et des attitudes défavorables à l’égard des politiques de discrimination positive. Ces caractéristiques de l’effet reine des abeilles sont plus attendues chez les femmes que chez les hommes, quelle que soit la catégorie professionnelle d’appartenance.

Méthode

Contexte de l’étude

Bien que de taille moyenne (environ 28 000 étudiant.e.s pour 3000 personnels toutes catégories confondues), cette université, fondée en 1431, réputée pour son rayonnement culturel, scientifique et économique, pour son offre de formation omnidisciplinaire, ainsi que pour son taux de réussite étudiante et la qualité de l’accueil. L’université de Poitiers, membre de la charte, dirige depuis 2014 des actions en faveur de l’égalité et de la mixité tant chez les personnels que chez les étudiant.e.s (e.g. état des lieux statistiques annuel, campagnes de sensibilisation). Elle est également membre de la Conférence Permanente des chargées de missions Egalité et Diversité (CPED), une association qui poursuit plus en profondeur la lutte pour l’égalité au sein des universités (voir Texier-Picard, 2011). Les personnels titulaires enseignants sont au total 909, toutes disciplines confondues, et 36.5% sont des femmes. Une unique composante détient une part majoritaire et significative de femmes, l’UFR Lettres et Langues avec plus de 57.8% de femmes. Il est à noter que, comparativement à l’année 2015, certaines disciplines ont vu leurs pourcentages de femmes EC baisser; à contrario les effectifs de femmes ont augmenté dans des filières telles que la médecine, les sciences informatiques et humaines. Les femmes représentent 42.9% des MCF et 20.3% des PR, ce qui est au-dessus de la moyenne nationale.

Échantillons

Vingt-deux entretiens semi-directifs ont été réalisés par trois enquêtrices auprès de personnels de l’université de Poitiers. Les interviewé.es étaient des enseignant.e.s-chercheur.seuse.s (EC, n= 9) et des personnel non enseignant (BIATSS, n= 13). Ils/elles ont été sollicité.e.s par courriel pour un entretien présenté comme une recherche sur les conditions de travail des hommes et des femmes à l’université. Dans le cas d’un retour positif de leur part, ils/elles ont été rencontré.e.s individuellement dans les locaux de l’université pour un entretien dont la durée moyenne a été de 40 minutes. Tous les participants ont eu à remplir au préalable un formulaire de consentement libre et éclairé leur décrivant le cadre de l’étude, leur garantissant anonymat et confidentialité et sollicitant leur accord pour l’enregistrement de l’entretien. Les caractéristiques socioprofessionnelles des interviewé.e.s sont présente dans le Tableau 1.

TABLEAU 1 CARACTÉRISATION DES PARTICIPANT.E.S 

Genre Tranche d’âge Poste Statut Niveau d’étude Temps à l’UP Heures travaillées/sem Situation de famille Enfants
E01 F 46-50 Biatts C Bac +2 3 ans 38h Mariée 2
E02 F 46-50 E-C PR Doctorat 20 ans 45h-55h Mariée 1
Genre Tranche d’âge Poste Statut Niveau d’étude Temps à l’UP Heures travaillées/sem Situation de famille Enfants
E03 F 31-35 Biatts A Master 6 ans 40h-45h Mariée 2
E04 F 36-40 E-C PR Doctorat 8 ans 60h Célibataire 0
E05 F 36-40 E-C PR Doctorat 9 ans 45h-50h Mariée 2
E06 F > 55 Biatts C BEP 38 ans 38h Mariée 2
E07 F > 55 Biatts B BEP 35 ans 38h05 Mariée 2
E08 F 36-40 E-C MCF Doctorat 2 ans 40-50h Mariée 2
E09 F 36-40 Biatts B Bac+4 14 ans 38h30 Divorcée 3
E10 F 41-45 Biatts C Licence 6 ans 38h30 Mariée 3
E11 F 31-35 Biatts C Master 4 ans 38h05 Célibataire 0
E12 F 36-40 Biatts C BEP 7 ans 45h En couple 2
E13 F > 55 E-C PR Doctorat 16 ans 50h Mariée 2
E14 F > 55 E-C MCF Doctorat 20 ans 40h En couple 2
E15 F 46-50 Biatts A Bac+2 21 ans 38h05 Célibataire 0
E16 M 31-35 Biatts B Bac+2 11 ans 38h05 Pacsé 0
E17 M 51-55 Biatts A Master 6 ans 40-50h Marié 3
E18 M 51-55 Biatts C Bac 21 ans 38h En couple 3
E19 M 36-40 Biatts A Master 13 ans 40h-50h Pacsé 2
E20 M 51-55 E-C PR Doctorat 8 ans 40h-50h Divorcé 4
E21 M 41-45 E-C PR Doctorat 8 ans 50h En couple 3
E22 M 36-40 E-C MCF Doctorat 3 ans 40h Pacsé 2

Fonte : Élaboré par les auteurs.

L’échantillon d’enseignant.e.s-chercheur.seuse.s était composé de 6 femmes et 3 hommes (âge : M= 46.1 ans, ET= 8.2; années d’expérience en enseignement et recherche : M=10.4, ET=6.7) dont 3 MCF (2 femmes, 1 homme) et 6 PR (4 femmes, 2 hommes). L’échantillon de personnels non enseignant (BIATSS) était composé de 9 femmes et 4 hommes (âge : M= 43.8 ans, ET= 8.8; années d’expérience : M=14.5, ET=11.5) dont 6 relevant de la catégorie C (5 femmes, 1 homme), 3 relevant de la catégorie B (2 femmes, 1 homme) et 4 relevant de la catégorie A (2 femmes, 2 hommes). Un seul de ces participants avait également une expérience professionnelle dans le domaine privé.

Guide d’entretien

Le recueil des données a été réalisé sous forme d’entretiens semi-directifs afin de permettre l’expression d’un discours spontané sur des thèmes néanmoins dirigés par les objectifs de l’étude. Les participant.e.s ont tou.te.s répondu aux mêmes questions à des fins de comparaisons des données mais suivant leur groupe professionnel leur sexe, des mots et/ou l’ordre des questions étaient modifiés. Une première étape consistait à accéder aux données sociodémographiques (situation de famille, âge, niveau d’étude) et d’ordre professionnel (statut, poste de travail occupé, ancienneté dans ce poste, ancienneté professionnelle à l’université, temps de travail hebdomadaire) des participant.e.s., ainsi que leur évaluation de leur niveau dans la carrière sur une échelle de 1 (très débutant) à 5 (très sénior). Dans une seconde partie de l’entretien, des questions issues des thèmes de l’étude étaient posées. Une première grille d’entretien a été soumise à 4 personnels non participants à l’étude principale, 2 enseignant.e.s - chercheu.se.s et 2 personnels non enseignant. Les révisions et ajustements avaient pour visée d’aboutir à des formulations précises mais suffisamment larges et compréhensibles pour interpeller de façon identique nos 2 groupes cibles. Ces formulations ne devaient également pas orienter les réponses. En définitive, la grille d’entretien a porté sur seulement 7 questions afin de rester dans le cadre d’un entretien semi- -directif favorisant la fluidité du discours : 4 questions sur l’engagement dans la carrière (« Comment décrivez-vous votre engagement professionnel? », « C’est quoi pour vous réussir professionnellement à l’université? », « Quel serait votre projet professionnel? », « Avez-vous déjà fait des choix personnels pour répondre à des attentes professionnelles? »; 1 question sur la perception des qualités nécessaires pour réussir à l’université (« Selon vous, que faut-il pour réussir professionnellement à l’université? », et 2 questions sur l’identification professionnelle (« Vous identifiez-vous avec les femmes ou les hommes qui sont dans le même niveau statutaire que vous ? et ceux d’un niveau statutaire différent? »).

Analyse de contenu des entretiens

Chaque entretien enregistré a été intégralement retranscrit par écrit. Un double codage manuel réalisé sur l’ensemble du corpus issu des 22 entretiens a permis de réaliser une analyse de contenu thématique et fréquentielle (Bardin, 2013), méthode choisie afin de repérer, via la structure du discours, la manière dont les propos sont organisés autour de l’objet d’étude et afin de comparer les quatre groupes de femmes considérés (EC vs BIATSS x statuts supérieurs vs statuts inférieurs) sur les mêmes critères. Pour cela, il s’agit d’extraire des catégories thématiques puis des sous-thèmes (ou sous catégories), sur la base de la fréquence et de la similitude d’unités de sens (occurrences thématiques) repérées dans l’ensemble du corpus, c’est-à-dire tous entretiens confondus. Sur ces éléments, plusieurs comparaisons ont été opérées : entre les discours des femmes selon leurs catégories professionnelles (EC vs BIATSS) et à l’intérieur de ces catégories professionnelles, entre les personnels de statut différents (PR vs MCF chez les EC et catégories A vs catégories B/C chez les personnels BIATSS). Les discours des hommes ont été restitués selon les mêmes grilles d’analyse.

Résultats

L’analyse de contenu thématique et fréquentielle a permis d’identifier des occurrences thématiques, classées en 6 catégories, comprenant chacune 2 à 6 sous catégories (voir Tableau 2).

TABLEAU 2 CATEGORIES, SOUS-CATEGORIES ET OCCURRENCES THEMATIQUES ISSUES DE L’ANALYSE DES ENTRETIENS 

Catégories Sous catégories Occurrences thématiques
Engagement professionnel Important Investissement au-delà du nécessaire
Prendre du plaisir à la réalisation de la tâche
Modéré Réaliser juste ce qui est attendu
Réduction de l’engagement
En fonction de la nature de la tâche Pédagogie/ recherche
Perception de la réussite à l’université Réussite personnelle S’épanouir / aimer son travail
Entretenir de bonnes relations
Engagement pour le collectif Remplir ses missions
Aider la collectivité / faire avancer les choses
Réussite professionnelle Promotion / progression de la carrière
Avoir des responsabilités
Reconnaissance professionnelle
Catégories Sous catégories Occurrences thématiques
Qualités requises pour la réussite à l’université Engagement S’impliquer / la volonté
Compétences Connaissance/ capacités
Légitimité Préjugés
Contexte de vie Mobilité
Contraintes familiales
Sacrifice
Chance
Agentivité Assertivité / S’imposer
Projet professionnel En interne à l’université Responsabilités collectives
Progression hiérarchique
Progression scientifique
En externe à l’université Projet de mobilité externe
Équilibre vie personnelle et professionnelle
Identification professionnelle Présente Même parcours
Mêmes responsabilités
Même travail à faire
Mêmes obstacles
Absente Différence en termes de choix de vie privée
Différence en termes de sacrifices
Différence en termes de choix de vie professionnelle
Différence en termes d’opportunités professionnelles
Facteurs d’amélioration des carrières Egalité home/femme à l’université Correcte par rapport aux services privés
en progression
Rôle de l’université Crèche / garde des enfants
Prise en considération des qualités de la femme
Accompagnement des femmes
Rôle sociétal Changement des mœurs
Politique des quotas
Rôle de la femme Choix, compromis entre vie famille et professionnelle
Avoir des compétences et dossiers équivalents à ceux des hommes

Fonte : Élaboré par les auteurs.

Discours des femmes enseignantes-chercheuses

Lorsqu’il s’agit de définir leur engagement professionnel, les professeures des universités (PR, n = 4) évoquent un investissement important sur l’ensemble des composantes du métier (« c’est un engagement complet, à la fois sur le versant pédagogique, de recherche et de faire marcher l’établissement » E4). Les maîtresses de conférences (MCF, n = 2) parlent, quant à elles, d’un fort engagement sur le versant pédagogique (« ça me préoccupe pas mal, en fait, de faire des cours qui ont du sens, avec une réflexion pédagogique, qui permet aux étudiants d’apprendre mieux » E8). D’un autre côté, elles expriment investir plus difficilement le versant de la recherche pour cause de manque d’autonomie à ce niveau statutaire (« se sentir légitime comme porteur des projets et ne plus être investi seulement par des projets qui sont portés par d’autres » E8). Pour les PR, la réussite à l’université passe par des fonctions de responsabilités collectives (« si on peut faire avancer les choses pour le collectif je pense que c’est effectivement réussir » E4) mais aussi par une réussite personnelle (« avant réussir c’était réussir à gravir les échelons, maintenant ça veut dire que tu réussis à travailler comme tu l’entends et que tu aimes ce que tu fais » E2). Pour les MCF, il s’agit plus de remplir correctement les missions d’enseignement qui leurs sont confiées, même au détriment d’une progression dans leur carrière (« le plus utile pour l’avancement de la carrière c’est sans doute d’investir à la recherche, je l’ai investi aussi mais je ne voudrais pas investir la recherche au détriment de la qualité de l’enseignement » E8). Pour les PR comme pour les MCF, les qualités nécessaires à une femme pour réussir à l’université sont la compétence et l’engagement (« un peu opiniâtre et travailler beaucoup, ça c’est indispensable » E13), ces qualités étant en partie dictées par un certain nombre de préjugés à l’égard des femmes (« je pense qu’il faut montrer qu’on est capable plus qu’un homme et je pense que c’est valable à l’université comme ailleurs » E4). Elles évoquent également un contexte familial qui peut entraver et/ou influencer la réussite des femmes (« c’est vrai que c’est compliqué quand tu es une femme parce que souvent la maman prend plus en charge les enfants » E2) ainsi que les contraindre à faire des sacrifices (« nos collègues hommes sourient si on dit par exemple, le mercredi je préfère rester chez moi » E5). Elles s’interrogent sur la légitimité de leur place (« je me sens très mal à l’aise quand on me contacte pour faire partie d’un jury, quand on me dit oui il faut de la parité, dans ce cas-là je me dis, est-ce qu’on me prend parce que suis une femme, ou parce que je suis compétente ? » E13). Les qualités nécessaires à l’homme pour réussir à l’université sont aussi, pour la majorité de ces enseignantes-chercheuses, de l’ordre de l’engagement mais d’après elles, le contexte culturel est plus favorable pour l’homme, d’une part en termes de légitimité (« je pense que les hommes vont avoir moins de scrupules, ils se sentent plus légitimes dans beaucoup de situations, on doute moins de leur capacité en fait peut être ou d’obtenir tel ou tel poste » E8) et d’autres part concernant les préjugés (« on n’imagine pas que c’est à cause des enfants qu’ils viennent pas les mercredis, quand ils viennent pas, on se dit : bon, ils travaillent de chez eux et point quoi » E5). Leurs projets professionnels peuvent être dirigés soit vers des responsabilités collectives (« avoir des responsabilités du type être responsable de la commission scientifique ou pédagogique » E5), soit vers une réalisation scientifique (« continuer de trouver des choses en recherche, de trouver de jolis résultats » E4). Néanmoins, la majorité des PR ont choisi de privilégier leur carrière professionnelle au détriment de leur vie personnelle (« je m’adapte vraiment au planning universitaire » E5), alors que les MCF soulignent le besoin de garder un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. En termes d’identification professionnelle, les PR - et non les MCF - s’identifient aux hommes de même position statutaire qu’elles, même si elles pointent des différences dans le processus d’acquisition de ce poste (« les collègues masculins sont devenus professeurs beaucoup plus tôt dans leurs carrières que moi, ça c’est évident, après, une fois qu’on y est, je ne vois pas d’inégalités ni quoi que ce soit » E13). La majorité des enseignantes-chercheuses s’identifient aux autres femmes de même position statutaire (« Je me dis qu’elles aussi ont dû se sacrifier et se battre » E2) mais les PR, contrairement aux MCF, ne s’identifient pas forcement aux femmes de statuts inférieurs (« non, on a pas du tout la même vie, je me rappelle comment c’était, mais actuellement si vous me demandez si je m’identifie, non. Je m’identifie davantage aux femmes qui ont le même niveau que moi » E5). Enfin, les PR estiment que la femme a le rôle central dans l’amélioration de sa carrière à l’université (« pour moi quand les femmes n’obtiennent pas les postes qu’elles veulent à l’université, c’est plus parce qu’elles ont fait un choix » E5), que l’égalité entre les hommes est les femmes est respectée à l’université (« on est quand même globalement mieux loti que dans le secteur privé; si on parle de gestion de l’université telle quel est, je ne sais pas très bien ce qu’on peut réellement changer » E13) et ne sont pas favorables aux politiques de quotas. Pour les MCF, l’université a le rôle principal dans l’amélioration des carrières des femmes à l’université (« mettre en place des crèches, qui permettraient par exemple d’avoir un contact avec l’enfant quand on des grosses journées » E8).

Discours des femmes BIATSS

Les femmes BIATSS de catégorie A (n = 2) expriment un engagement professionnel conséquent au bénéfice des étudiants et enseignants (« Je reste le soir s’il faut rester, il m’est arrivé d’amener le travail à la maison » E7). Pour celles de catégories inférieures (B : n = 2 et C : n = 5), il s’agit essentiellement de rester dans le cadre du travail et de remplir les missions inhérentes au poste. Pour les femmes de catégorie A, la réussite à l’université est strictement liée à l’épanouissement personnel (« être sur un poste de travail qu’on apprécie avec des missions dans lequel on se retrouve » E3). Pour celles de catégories B/C, cette réussite passe par essentiellement par la qualité du service rendu au collectif (« apporter toute son expérience à l’université » E9) et de façon plus minoritaire, la réussite passe par promotion (« c’est passer des concours de catégorie supérieur pour accéder à un salaire plus convenable pour moi » E11). Les qualités indispensables pour les femmes relèvent, selon elles, de compétences identiques à celles des hommes au vu, notamment, de l’égalité des critères s’appliquant lors des concours. Cependant, la plupart évoquent le contexte familial qui peut freiner la réussite professionnelle des femmes. A quelques exceptions près, les femmes BIATSS de catégories C/B n’ont pas de projet professionnel et se satisfont de leur position actuelle, notamment en termes de sécurité de l’emploi et de la possibilité de concilier vie professionnelle et vie privée. Seule une minorité envisage une évolution de grade via la passation de concours. Sur le plan des identifications, les femmes BIATSS quelle que soit leur catégorie statutaire, s’identifient à leurs collègues femmes subordonnées ou de statut supérieurs (pour les catégorie C/B) de par la similitudes de leurs missions et activités. Enfin, la majorité de ces femmes estime qu’il incombe à l’université de faire avancer la carrière des femmes.

Discours des hommes enseignants-chercheurs

Les professeurs (PR, n= 2) décrivent un important engagement professionnel (« j’ai un engagement résolu, motivé, impliqué » E21). La réussite à l’université se traduit avant tout, pour eux, par la promotion statutaire (« réussir à l’université c›est gravir les échelons » E21) puis par la reconnaissance de leurs qualités professionnelles (« être reconnu comme un bon enseignant par ses étudiants et être reconnu comme un bon chercheur par ses pairs et puis être reconnu comme quelqu’un d’engagé dans son institution » E20). Ce point de vue est partagé par le Maitre de conférence (MCF, n= 1) mais réussir c’est également, pour lui, un épanouissement personnel (« c’est aussi s’épanouir dans l’ensemble de son activité » E20, « être motivé par son travail » E21). Pour ces 3 hommes, les qualités requises pour la réussite à l’université sont similaires pour les hommes et les femmes d’après ces enseignants-chercheurs, mais les PR reconnaissent que pour les femmes ces qualités doivent vraisemblablement être décuplées pour que leur réussite soit effective (« il faut sans doute une motivation plus grande, plus importante, une détermination plus importante. » E20). En ce qui concerne l’identification professionnelle, les PR relativisent en fonction de l’investissement professionnel (« on peut s’identifier, se sentir proche des gens qui n’ont pas le même statut professionnel que vous, mais qui ont la même énergie dans le travail, la même volonté, de joindre la passion avec le travail » E21). Les PR estiment que pour améliorer leur carrière, les femmes détiennent le rôle central et que les politiques de quotas ne sont pas à leur avantage alors que le MCF estime la société détient un rôle indéniable pour faire avancer la carrière des femmes (« il faudrait vraiment faire changer les mentalités » E22).

Discours des hommes BIATSS

Les hommes BIATSS de catégorie A (n = 2) comme celles de catégorie inférieure (B : n = 1) expriment un engagement professionnel important (« c’est assez noble de se mettre au service des étudiants, enseignants et chercheurs pour mettre à disposition les ressources nécessaires pour faire avancer la science » E17) Pour eux, la réussite à l’université passe avant tout par la reconnaissance professionnelle et la promotion dans la carrière (« progresser, gravir les échelons au fur et à mesure de ma carrière à l’université » E16, « avoir un retour positif dans la mesure du possible des différents partenaires et usagers qui sont concernés par les services qu’on propose » E19) et aucun d’entre eux n’évoque de sacrifice personnel ou professionnels inhérent à leur cursus (« pour l’instant ma carrière n’a jamais influencé mes choix » E16). Tous ces agents s’identifient professionnellement aux hommes d’un statut inférieur ou supérieur par la similarité des missions. Tous estiment qu’un changement sociétal profond est nécessaire afin d’améliorer les carrières des femmes même s’ils estiment qu’un certaine équité de traitement est présente à l’université (« la fonction publique garantit dans le recrutement l’égalité de traitement » E16).

Discussion

Le phénomène de reine des abeilles est-il observable à l’université sous ses trois caractéristiques, telles que décrites dans la littérature récente (Faniko et al., 2016, 2017b)? Pour répondre à cette question, cette étude qualitative a consisté à repérer dans les discours de femmes représentatives d’une communauté universitaire française des attitudes consistant à adopter des caractéristiques stéréotypées masculines (adhésion aux traits agentiques de type engagement élevé dans la carrière et sacrifices personnels afin de promouvoir l’avancement professionnel), à s’identifier peu aux femmes qui occupent des postes au bas de la hiérarchie et en début de carrière, et à légitimer la hiérarchie de genre (déni de la discrimination, la valorisation de la méritocratie, hostilité aux politiques de quotas). Les résultats sont discutés en fonction des caractéristiques mentionnées.

Concernant l’assimilation des caractéristiques stéréotypées masculines, des traits agentiques, tels que l’assertivité et la capacité de s’imposer ont été relevés dans les discours des femmes comme des caractéristiques nécessaires pour réussir à l’université. En ce qui concerne l’engagement, lorsque l’on compare les réponses des professeures et des maitresses de conférence, les premières ont indiqué un engagement plus large impliquant l’enseignement, la recherche et les activités administratives à l’université. Alors que pour les maitresses de conférence, l’engagement, bien qu’il soit indiqué tout autant comme fort (temps consacré au travail considéré comme important), est dirigé avant tout vers le domaine de l’enseignement. Pour la plupart des répondantes BIATSS, le temps de travail comprend la période formellement et légalement allouée et l’engagement est lié à l’accomplissement des missions qui leur sont missions confiées. Par ailleurs, les femmes universitaires ont souligné les sacrifices personnels consentis pour faire face aux exigences professionnelles, telles que les déplacements, le report de la maternité, le temps consacré au travail pendant les vacances. Les femmes BIATSS de catégorie A déclarent avoir fait des sacrifices ponctuels, pour réussir un concours par exemple et celles des catégories B et C ont seulement souligné la nécessité d’ajustements quotidiens pour contraintes familiales.

Pour résumer, seules les femmes universitaires et parmi elles, les professeures plus que les maitresses de conférence, adhèrent à des caractéristiques stéréotypées masculines basées sur l’ambition professionnelle en termes de recherche et de responsabilités collectives. Ces attitudes sont garantes, selon elles, de leur autonomie, de leur légitimé, du développement de leur carrière et donc de leur réussite à l’université. Pour autant, ces femmes constatent que de contexte professionnelle leur reste défavorable au regard des avancés de carrière de leurs collègues hommes.

Comme attendu, les femmes universitaires professeures s’identifient aux femmes, ainsi qu’aux hommes du même niveau statutaires qu’elles, mais ne s’identifient pas ou peu aux femmes des niveaux inférieurs ou juniors. Soutenant un discours méritocratique, elles mettent en avant leur propre détermination et responsabilité dans leur réussite universitaire et minimisent la détermination socio-professionnelle favorable à leurs homologues masculins. Ces attitudes ne sont pas relevées chez les femmes BIATSS, y compris chez celles de catégorie A.

Dans la même perspective, les propos des femmes universitaires professeures vont dans le sens de la légitimation de la hiérarchie de genre : elles sont réticentes aux politiques de quotas qui risquent de nier leurs compétences professionnelles et elles minimisent l’existence d’une organisation fondée sur les appartenance sexuée à l’université, contrairement à ce qui pourrait se passer dans le secteur privé. Deux ambiguïtés sont toutefois relevées. D’une part, la méritocratie est une valeur forte portée par les femmes universitaires mais pour autant, elles reconnaissent qu’au vu des données statistiques de l’université elles sont minoritaires dans certains domaines, tels que les STEM (science, technologie, ingénierie et mathématiques), et dans la catégorie des professeurs, ce que les empêche de participer à des espaces stratégiques où ont lieu la prise de décision à l’université. D’autre part, si les femmes universitaires, dans leur ensemble, défendent les valeurs d’égalité portées par leur université, certaines signalent peu après des expériences vécues de cette discrimination. Les femmes BIATTS décrivent un contexte de travail moins hostile que celui des femmes universitaires, car le leur est composé majoritairement de femmes qui, à de rares exceptions, ne manifestent pas la volonté d’évolution professionnelle. Leur contexte de travail est par conséquent moins compétitif et donc moins discriminant.

Comme attendu, pour les hommes universitaires comme pour les BIATSS, les caractéristiques agentiques (fort engagement professionnel, valeur professionnelle passant par la promotion statutaire et la reconnaissance par ses pairs) sont des garanties de réussite professionnelle. L’ensemble des discours des hommes, universitaires comme BIATSS, traduit un soutien à une politique prônant l’égalité entre les hommes et les femmes au travail, égalité mise en œuvre, selon eux, dans leur communauté universitaire (recrutements et promotions sur critères objectifs de compétences). Ils reconnaissent toutefois les difficultés que peuvent rencontrer leurs homologues féminines.

En résumé, conformément à notre hypothèse, les attitudes caractéristiques du phénomène reine des abeilles sont davantage observées chez les femmes de statut élevée, mais ceci uniquement chez les femmes universitaires, à savoir chez les femmes professeures des universités. Ces résultats, issus d’une université française, vont dans le sens de ceux observés dans d’autres université européennes, en Italie et aux Pays bas (Ellemers et al., 2004). Ils soulignent également un clivage au sein de la communauté des femmes exerçant à l’université : si l’effet reine des abeilles est décelable chez les femmes universitaires, il ne l’est pas chez les femmes BIATSS. Cette différence catégorielle observée peut être interprétée de différentes manières. Comme le décrivent Jacquemart et Sarfati (2016) sur la base d’une large enquête conduite en 2014 auprès de personnels enseignants-chercheurs, techniciens et administratifs de l’enseignement supérieur et de la recherche, dans le monde académique, les catégories d’emploi et d’activité professionnelle relevant de l’administration sont moins valorisées que celles de l’enseignement et de la recherche et cette moindre valorisation induit des rapports subjectifs au travail différenciés.

Plus précisément dans le champs de l’enseignement supérieur et de la recherche, nous disposons d’analyses sociologiques et socioéconomiques des politiques publiques récentes particulièrement éclairantes. En 2015, le gouvernement français a décidé d’imposer un quota de femmes dans les comités de recrutement et de promotion universitaires. Or, il s’avère que ce type de politique de parité basée sur une vision purement arithmétique ne produit pas les résultats escomptés en matière d’égalités de carrière entre les hommes et les femmes : la présence de femmes dans des commissions de recrutement ou de promotion professionnelle ne favorise pas forcément le recrutement effectif des femmes et peut même nuire à leur carrière, comme l’a montré l’article récent d’un économiste à propos d’universités françaises (Deschamps, 2018). Constatant que cet effet délétère s’observe spécifiquement dans des comités dirigés par des hommes, ce chercheur fait l’hypothèse que cette situation serait en partie la résultante d’une attitude défavorable des hommes envers cette réforme. Il souligne également une corrélation étonnante pouvant évoquer un effet Reine des Abeilles : plus la proportion de femmes dans un comité est élevée, moins les femmes candidates sont classées, et ceci indépendamment de la qualité de leurs dossiers. Enfin, il observe que cette réforme n’a pas encouragé davantage de femmes à postuler à des postes de professeurs.

Dans cette perspective, Revillard (2014) soutient l’hypothèse que la moindre propension des femmes à postuler sur des postes de professeur e des université à l’université (inférieure de 30 à 40% à celle des hommes, à caractéristiques académiques et scientifiques identiques ) s’explique d’une part par une moindre confiance et/ou un moindre goût pour la compétition, et d’autre part par l’anticipation de discriminations (Bosquet et al., 2019). Cette attitude d’auto-censure de la part des femmes serait en lien avec un manque de « confiance relative au rôle professionnel » anticipé (professional role confidence) comme observé dans les domaines STEM (Cech et al., 2011). Ce concept met notamment l’accent sur les attentes de rôle, de compétences et des traits identitaires caractéristiques d’une profession auxquelles les femmes peuvent se trouver confrontées. Dans le cas d’attentes genrées masculines, les femmes peuvent choisir la voie de l’évitement, ou alors l’assimilation des caractéristiques et attitudes masculines comme observée dans le phénomène de la Reine des Abeilles.

Certes, en France, les accès aux métiers de la fonction publique, comme les évolutions et opportunité de carrière, sont régulés par des concours nationaux tant pour les métiers administratifs et techniques (postes BIATSS) que pour ceux de l’enseignement et de la recherche. Pour autant, il est fort probable que les carrières universitaires favorisent des attitudes et par conséquent des discours prônant l’individualisme et la responsabilisation de l’individu au détriment de la mise en cause du contexte de travail, satisfaisant par là-même à une norme sociale bien identifiée en psychologie sociale, la norme d’internalité qui valorise socialement les explications impliquant l’acteur comme facteur causal en matière de comportements et renforcements (Beauvois, 2005; Dubois, 1994). Cette perspective théorique socionormative met l’accent sur les enjeux idéologiques que recouvre la problématique de l’effet reine des abeilles et invite à envisager de nouveaux travaux empiriques. Ces derniers permettraient d’éclairer une question relevée par la présente étude : la contradiction entre un discours méritocratique portée par les femmes universitaires professeures et leur vécu de leur sous-représentation dans les postes à responsabilité ainsi que des discriminations indirectes qu’elles reconnaissent subir.

Limitations et études futures

Cette étude est la première à explorer les manifestations de l’effet reine des abeilles dans une université française. En ce sens, elle présente un caractère exploratoire et présente un certain nombre de limites liées notamment à sa nature qualitative. Il est fort probable que ces données issues de propos auto- -rapportés soient emprunts de désirabilité sociale conduisant à estomper des difficultés personnelles et professionnels vécues. Par ailleurs, certaines catégories professionnelles sont faiblement représentées sur le plan numérique. Il en est ainsi des répondants hommes, mais également des maîtresses de conférences. Augmenter notre échantillon dans une prochaine étude pourrait faciliter l’émergence d’effets qui ne ressortent pas dans la présente recherche et donc d’étayer les pistes d’analyse. De surcroit, cela pourrait apporter une nuance aux dualismes des réponses parfois observé pour les groupes constitués de deux participant.e.s. Le recueil de données complémentaires devra être effectué au sein d’une autre université, présentant des caractéristiques différentes de celle de Poitiers, notamment en termes de rayonnement national et de taille (par exemple un université parisienne). Il conviendra également de répliquer ces patterns de réponses via des données quantitatives soutenant nos premières observations qualitatives. Dans cette perspective, l’élaboration d’un outil type questionnaire construit à partir des échelles disponibles dans la littérature récente sur l’effet reine de abeilles et adapté à la communauté universitaire permettra également de conduire des études comparatives entre femmes--hommes de différentes catégories et statut professionnels dans des universités de différents pays. Ces études à venir permettront d’analyser les éventuels déterminants culturels de l’effet reine des abeilles.

Conclusions

Le thème des rapports pouvoir entre femmes est peu étudié dans la littérature sur les inégalités sexuées de carrières, tout particulièrement dans le milieu académique. Qui plus est, comparer les femmes enseignantes-chercheuses et celles qui travaillent dans l’administration n’a, à notre connaissance, jamais été envisagé dans le champs des recherches en psychologie sociale Cette double approche permet de souligner l’hétérogénéité des postures des femmes par rapport aux questions d’inégalités de carrière, de discriminations, mais aussi elle permet d’analyser le rôle de l’institution dans la production ou la limitation de ces inégalités.

Dans le milieux académique comme dans d’autres secteurs publics ou privés, les inégalités de genre, sont de toute évidence multifactorielles. En précisant les conditions d’émergence et de développement du Phénomène Reine des Abeilles, facteur de discrimination parmi d’autres, cette étude et les développements ultérieurs qu’elle permet d’envisager contribueront à prévenir les effets délétères des stéréotypes de genre et de toutes les formes de sexisme pouvant entraver les développements de carrière des femmes à l’université ainsi que leur bien être au travail.

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4 Cet acronyme renvoie à un ensemble de fonctions et de personnels de la Fonction publique exerçant dans différentes filières : Bibliothèques (B), ingénieurs (I), Administratifs (A), personnels techniques (T), services Sociaux et de Santé (SS)

Disponibilité des données Le contenu sous-jacent du texte de recherche est dans le manuscrit.

Received: June 17, 2020; Accepted: September 04, 2020

Information sur l’auteur

Cet article a été élaboré conjointement par les auteurs. Les deux auteurs ont conçu le projet, collecté et analysé les données, et se sont consacrés à l’élaboration et à la révision du manuscrit. Les activités de recherche réalisées faisaient partie du plan de travail lié à la bourse du Coimbra Group Latin America Scholarship Programme, dont la première auteur a bénéficié.

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