SciELO - Scientific Electronic Library Online

 
vol.37Na escuta de estudantes-professoras: entre memórias e miudezas, retratos de formação estéticaA abordagem “Histórias de vida em formação” como superação da dupla armadilha do conceito sem vida e da vida sem conceito índice de autoresíndice de materiabúsqueda de artículos
Home Pagelista alfabética de revistas  

Servicios Personalizados

Revista

Articulo

Compartir


Educar em Revista

versión impresa ISSN 0104-4060versión On-line ISSN 1984-0411

Educ. Rev. vol.37  Curitiba  2021  Epub 09-Abr-2021

https://doi.org/10.1590/0104-4060.77147 

DOSSIER - The biographical dimension as formation process, self comprehension and world understanding

De la condition à la société biographique Da condição à sociedade biográfica

Christine Delory-Momberger* 
http://orcid.org/0000-0001-5734-2771

*Universidade Sorbonne Paris Nord. Villetaneuse, França. E-mail: delory@univ-paris13.fr - Elle est présidente du Centre international de recherche biographique en éducation (CIRBE) et directrice scientifique de la revue Le sujet dans la Cité. Revue internationale de recherche biographique.


RÉSUMÉ

Interrogeant les inflexions de la « condition biographique » et les transformations affectant en retour les processus de biographisation à l’heure de la « société biographique », cet article montre comment le récit de soi connaît aujourd’hui une révolution de son statut parallèle à celle qui touche la relation de l’individu et du social. Les usages sociaux qui sont faits du récit biographique dans les sociétés de la modernité avancée contribuent en effet à le constituer en un acte public et à en développer une pratique institutionnelle extériorisée et objectivante. Ces transformations du récit de soi doivent être réinscrites dans le cadre plus large des évolutions sociétales des quarante dernières années. C’est dans cette perspective élargie que s’éclaireront les enjeux paradoxaux de l’injonction à se dire, qui semble être une des caractéristiques de notre société contemporaine.

Mots clés: Condition biographique; Processus de biographisation; Société biographique; Récit de soi; Capital biographique

RESUMO

Ao questionar as inflexões da “condição biográfica” e as transformações que afetam, por sua vez, os processos de biografização à luz da “sociedade biográfica”, este artigo mostra como a narrativa do eu experimenta atualmente uma revolução em seu status que ocorre em paralelo àquela que afeta a relação entre o indivíduo e o social. Os usos sociais feitos da narrativa biográfica nas sociedades da modernidade avançada contribuem para sua constituição como ato público e para o desenvolvimento de uma prática institucional externalizada e objetivante. Essas transformações da narrativa de si devem ser reinscritas dentro da estrutura mais ampla das evoluções sociais dos últimos quarenta anos. É nessa perspectiva mais ampla que se iluminarão os desafios paradoxais da injunção que parece ser uma das características da sociedade contemporânea.

Palavras-chave: Condição biográfica; Processo de biografização; Sociedade biográfica; Narrativa de si; Capital biográfico

ABSTRACT

Questioning the inflections of the "biographical condition" and the transformations affecting in return the processes of biography at the time of the "biographical society", this article shows how the narrative of the self is today experiencing a revolution in its status parallel to that affecting the relationship between the individual and the social. The social uses that are made of the biographical narrative in the societies of advanced modernity contribute in fact to constituting it into a public act and to developing an externalized and objectivizing institutional practice. These transformations of the narrative of the self must be rewritten within the broader framework of the societal evolutions of the last forty years. It is in this broader perspective that the paradoxical stakes of the injunction to tell oneself, which seems to be one of the characteristics of our contemporary society, will be illuminated.

Keywords: Biographical condition; Biography process; Biographical society; Self-tale; Biographical capital

Introduction

Interrogeant les inflexions de la « condition biographique » et les transformations affectant en retour les processus de biographisation à l’heure de la « société biographique », cet article montre comment le récit de soi connaît aujourd’hui une révolution de son statut parallèle à celle qui touche la relation de l’individu et du social. Les usages sociaux qui sont faits du récit biographique dans les sociétés de la modernité avancée contribuent en effet à le constituer en un acte public et à en développer une pratique institutionnelle extériorisée et objectivante. Ces transformations du récit de soi doivent être réinscrites dans le cadre plus large des évolutions sociétales des quarante dernières années. C’est dans cette perspective élargie que s’éclaireront les enjeux paradoxaux de l’injonction à se dire, qui semble être une des caractéristiques de notre société contemporaine.

La « condition biographique » : perspectives anthropologiques

La recherche biographique a pour fondement la capacité anthropologique de l’individu humain à biographier son expérience singulière du monde historique et social. Elle s’inscrit dans le cadre général d’une recherche sur le rôle et le fonctionnement des processus de biographisation dans la constitution de l’être individuel. On entend ici par processus de biographisation l’ensemble des opérations et des comportements par lesquels les individus travaillent à se produire comme individus pour eux-mêmes et pour les autres, en donnant à leurs expériences la forme propre dans laquelle ils se reconnaissent et se font reconnaître par autrui.

Nous n’avons pas un accès direct à notre vécu, nous n'y atteignons qu'à travers la médiation des mots et des représentations que nous posons sur lui, et ces mots et ces représentations prennent forme dans des « histoires ». Dès que nous voulons nous saisir de notre vie, nous la racontons : en quelque sorte nous ne vivons notre vie qu'autant que nous la biographions, que nous lui donnons, au sens étymologique du terme, la forme d’une écriture.

Le récit apparaît comme la forme la plus familière de cette écriture du vécu : « histoires de vie » orales, autobiographies écrites, et bien plus fréquentes que ces formes finalement assez exceptionnelles ou provoquées de notre activité narrative, les multiples et incessantes interventions narratives qui constituent, sous forme de fragments ou d’ébauches de récit, le fond de nos échanges quotidiens avec autrui. Cependant la parole biographique, écrite ou parlée, suivie ou fragmentaire, n’est que le territoire émergent et spectaculaire d’un continent plus vaste, qui s’enracine dans une attitude plus fondamentale de l’être humain : celle qui consiste à se représenter son existence dans le temps et à configurer narrativement la succession temporelle de son expérience. L’« écriture de la vie », à laquelle renvoient l'étymologie et le sens commun du mot biographie, doit être ici entendue comme une attitude première et spécifique du vécu humain : avant même de laisser de notre vie une quelconque trace écrite, avant tout discours, oral ou écrit, tenu sur nous-même, nous écrivons mentalement notre vie.

Cette capacité anthropologique selon laquelle les hommes perçoivent leur vie et ordonne leur expérience dans les termes d’une raison narrative constitue le fait biographique premier. Sur lui se construisent tous les espaces des histoires humaines : celui de la rétrospection de la vie passée, celui de l’anticipation de l’heure ou du jour à venir, celui de la projection de la vie future, ceux des aventures les plus rares et singulières comme des faits les plus quotidiens et routiniers. Nous ne cessons de fait de nous biographier, c’est-à-dire d’inscrire notre expérience dans des schémas temporels orientés qui organisent mentalement nos gestes, nos comportements, nos actions, selon une logique de configuration narrative. Dans le quotidien de notre vie, un grand nombre de ces opérations de biographisation sont douées d’une relative automaticité et peuvent ne pas solliciter notre conscience active, parce qu’elles correspondent aux scripts répétitifs des cadres sociaux et culturels qui régulent notre existence. Elles sont cependant constamment présentes et assurent le sentiment que nous avons de nous-mêmes à travers le temps : elles nous relient à notre passé, celui de notre enfance comme celui du jour précédent, contribuant ainsi à construire la conscience de notre identité à travers le temps ; elles nous permettent de structurer et d’interpréter ce que nous sommes en train de vivre, en le constituant précisément comme relevant de notre expérience propre et en nous donnant le sentiment de notre forme propre ; elles jouent enfin un rôle de régulation, d’organisation, de projection du futur proche et lointain, en anticipant sur les heures, les années, la vie à venir.

Les formes auxquelles les individus recourent pour biographier leur vie ne sont pas de leur seul fait, elles ne leur appartiennent pas en propre et ils ne peuvent pas entièrement en décider par eux-mêmes : ce sont des formes collectives qui appartiennent à l’histoire, à la culture, au social. Les modèles, les schémas, les scripts, les figures auxquels les individus empruntent relèvent de constructions sociales et culturelles variables selon les époques et les sociétés. En particulier les modèles narratifs qui constituent en quelque sorte les patrons de nos constructions biographiques varient avec les types et les modes de relation que les individus entretiennent avec la collectivité selon les époques et les cultures : il revient à l’anthropologie historique de décrire les types de récit et de dégager les modes de construction biographique en vigueur dans telle période de l’histoire et dans telle ère culturelle1.

Qu’en est-il aujourd’hui ? À quels modèles de construction narrative les individus des sociétés postmodernes recourent-ils pour biographier leur expérience ? Assistons-nous à une transformation, à un renouvellement de la narrativité biographique dans ses formes, ses structures, mais aussi dans son fonctionnement et dans ses modes d’action ?

La « société biographique », un changement de régime dans le rapport de l’individu au social

La prégnance du récit de soi et, à travers lui, du biographique dans les sociétés de la modernité avancée est liée au large mouvement d’individualisation et de subjectivation que connaissent ces sociétés depuis les années 1970 et au « changement de régime » qui en résulte dans le rapport de l’individu et du social. Cette décennie inaugure en effet le développement de formes jusqu’ici jamais atteintes d’« individualisation du social », pour reprendre une expression de Pierre Rosanvallon (1995), dont le trait fondamental est celui de la massification ou si l’on préfère de la démocratisation des processus qu’il engage. Ce sont en effet des populations entières, et non pas seulement quelques privilégiés, qui accèdent à ces formes d’individualisation sociale, même si à l’évidence cet accès est variable et « inégal » selon les positions occupées dans la société. On pourrait parler ici d’« individualisme sociétal » pour signifier que cette forme du rapport des individus au social concerne les membres d’une société tout entière et qu’elle est le produit d’une genèse sociale particulière liée aux conditions même de la vie dans une société où les grandes institutions régulatrices (la famille, l’école, l’entreprise, les syndicats et les partis, etc.) sont moins prégnantes, où les assignations sociales et professionnelles s’assouplissent, où les existences et les parcours individuels sont moins strictement et moins directement déterminés de l’extérieur et acquièrent une dimension de singularité. Cette individualisation des parcours personnels et cette diversification des itinéraires biographiques peuvent d’ailleurs être retenues comme un des traits les plus marquants de cette période et commencent alors à recevoir des formes de reconnaissance institutionnelle (mise en place de la formation professionnelle en 1971, disposition du congé individuel de formation en 1978) qui préfigurent le mouvement de biographisation de la société qui va marquer les décennies à venir.

De tels phénomènes sociétaux ne sont évidemment pas sans conséquence sur les représentations que les individus se font d’eux-mêmes, sur la manière dont ils considèrent le déroulement de leur existence, sur le degré d’initiative et d’autonomie qu’ils se reconnaissent dans l’exercice de leurs activités sociales, sur le sentiment qu’ils ont de pouvoir agir sur eux-mêmes et sur leur vie. C’est là le deuxième sens que l’on peut donner à la notion d’« individualisme », celui d’un retour que les individus accomplissent sur eux-mêmes et qui les constitue en sujets capables, par leur activité réflexive et interprétative, de donner une forme personnelle à leurs inscriptions sociales et au cours de leur existence. Cet individualisme « réflexif » (GIDDENS, 1991) se traduit par une aspiration à la réalisation personnelle et par un regard autre porté sur le déroulement et sur le sens de l’existence : les individus considèrent de moins en moins leur propre parcours comme le développement linéaire d’une identité prédéterminée ; ils envisagent au contraire les multiples possibles identitaires que leur ouvre leur ancrage dans des milieux sociaux pluriels et variés comme le matériau d’une découverte expérimentale de soi-même.

Sans qu’il y ait de corrélation systématique entre individualisme « sociétal » et individualisme « réflexif », on peut dire cependant qu’il y a une conjonction favorable entre l’accroissement des traits individuels de l’activité sociale et l’intensification de l’activité propre au sujet. On peut affirmer d’une manière générale que la conscience sociale individuelle, c’est-à-dire la conscience que les individus ont de leur propre rôle dans l’exercice de leur activité sociale et dans la conduite de leur existence publique et privée, s’est accrue collectivement. On observe dès ces années 1970 et depuis lors l’avènement et la forte extension de formes diversifiées de « culture de soi » : initiations et itinéraires spirituels ou religieux (sous la forme d’approfondissement personnel des croyances traditionnelles ou d’« emprunts » à des courants philosophiques ou religieux), démarches et techniques de développement personnel, formations et thérapies d’obédiences diverses. Ce qu’il faut remarquer ici encore, c’est le mouvement de relative « démocratisation » que connaissent ces formes d’exploration et de travail sur soi-même, c’est leur caractère public et souvent collectif qui contraste fortement avec les formes cultivées et aristocratiques de la culture de soi traditionnelle, réservées à quelques individus privilégiés appartenant à des strates supérieures étroites de la société. La décennie 1970 marque l’entrée dans ce que certains ont pu désigner et décrire comme une « société du travail sur soi » (VRANCKEN ; MACQUET, 2006).

Le récit de vie en tant qu’expérience de (re)connaissance et de ré(appropriation) de soi-même et de son histoire est une composante essentielle de ces « démarches d’exploration personnelle » : méthodes de développement personnel et pratiques de formation professionnelle, sous des modalités variées et avec des objectifs qui leur sont propres, font appel au récit de soi, les premières pour explorer l’histoire intime du sujet, rechercher ses antécédents psychiques et affectifs, libérer ses potentialités, les secondes pour saisir un profil d’apprentissage, établir un bilan de compétence, définir un projet de formation. Sans être toujours verbalisés ou explicités, les thèmes de l’identité personnelle, de l’épanouissement individuel, de la réalisation de soi sont présents dans la conscience individuelle et agissent dans le sens d’une singularisation des trajectoires et d’une appropriation de l’histoire individuelle. Le récit que chacun se fait de sa vie doit pouvoir faire de lui « le sujet » et « l’acteur » de sa propre histoire.

Or c’est ce même récit que les décennies suivantes vont constituer en un véritable enjeu social et situer au centre névralgique de ce qu’il faut maintenant appeler avec certains sociologues la « société biographique » (ASTIER ; DUVOUX, 2006). Un simple regard sur la période immédiatement contemporaine fait découvrir l’ampleur des transformations intervenues. Les tendances individualistes que nous avons reconnues dans la période antérieure se sont accusées et ont envahi toutes les couches de population, y compris les moins aisées, y compris celles qui sont atteintes par la précarité et l’exclusion. Mais le véritable renversement auquel on assiste consiste dans la récupération par les institutions, par les instances et les organisations qui encadrent la vie sociale et économique, du principe d’autoréalisation de l’individualisme « réflexif ». Il existe désormais une injonction sociale à la réalisation individuelle véhiculée par toutes les instances porteuses de discours collectifs, qu’il s’agisse de l’école, de l’entreprise, des médias. Chacun est sommé d’affirmer sa subjectivité et sa singularité, d’être l’auteur et l’acteur de sa vie, de développer un projet de vie, en se fixant à soi-même ses principes d'action et d'évaluation. La culture de soi, analyse Axel Honneth, a pris le chemin d’un individualisme normatif et s’est muée en idéologie de l’autoréalisation : ce qui était aspirations individuelles s’est transformé en schémas et en modèles institués que les individus rencontrent désormais comme des exigences venues de l’extérieur (HONNETH, 2006).

Cette mutation qui affecte les sociétés modernes a fait l’objet d’analyses qui sont maintenant largement répandues, dont il ressort que l’individu est devenu l’institution centrale de la société2 et que c’est à lui qu’il revient, pour reprendre la formule d’Ulrich Beck, d’être « l’unité de reproduction de la sphère sociale » (BECK, 2003, p. 280). A la socialisation conçue comme intégration des normes sociales et accomplissement des rôles sociaux succèdent des formes nouvelles de sociétisation, faisant une part de plus en plus grande à l’expérience individuelle et conduisant les individus à se placer eux-mêmes au centre de leur propre plan d’existence3. J’ai pour ma part désigné sous le terme de condition biographique (DELORY-MOMBERGER, 2009) cette inflexion du rapport historique entre l’individu et le social, dans lequel les conséquences sur les existences individuelles des contraintes sociales et économiques et des dépendances institutionnelles sont perçues comme relevant d’une responsabilité individuelle et d’un « destin personnel ». Les dysfonctionnements de l’organisation économique et sociale, comme les ruptures de travail, les périodes de chômage, et jusqu’aux épisodes d’exclusion professionnelle, sont vécus par ceux qui en sont les victimes comme des situations individuelles qu’ils ont à s’imputer à eux-mêmes. Dès lors, chacun est enjoint à trouver en soi-même les ressorts de sa conduite et de son action, chacun est renvoyé à la construction réflexive de sa propre existence, à sa biographie - entendue ici non pas comme le cours réel, effectif de la vie, mais comme la représentation construite que s’en font les acteurs - et à sa capacité de biographisation4 des environnements sociaux.

Le paradoxe de la condition postmoderne est d'avoir remis à l'individu le soin de produire en lui-même le lien social que l'extrême différenciation et la complexité de la société semblent avoir dénoué. L’« individu socialisé » de l’ère industrielle est devenu l’« individu sociétisé » (GEULEN, 1977) de la modernité avancée, à qui il incombe de « faire société » en lui-même : « ce qui est institutionnalisé, écrit le sociologue allemand Martin Kohli, n’est plus une structure de comportement mais une structure de réflexion sur soi-même » (KOHLI, 1989). Le « cours de la vie » tend ainsi à s’instituer comme le lieu de processus de sélection, d’organisation, d’intégration par lesquels les individus s’inscrivent dans le monde social et travaillent à leur propre socialisation. Le discours sur soi, en particulier sous la forme narrative, trouve ainsi sa fonction et ses usages dans le processus conjoint de biographisation de la société et de sociétisation des biographies caractéristique de la modernité avancée. A ce titre, selon la formule de Michael Rustin, « les biographies font la société et ne sont pas simplement faites par elle » (RUSTIN, 2006).

Le récit de soi comme objet public et instrument de reconnaissance sociale

Dès lors, les formes biographiques selon lesquelles les individus travaillent à leur socialisation et participent à la production des espaces et des rapports sociaux se chargent d’une signification sociale nouvelle. Les constructions biographiques n’apparaissent plus seulement comme un enjeu de réalisation personnelle, elles constituent en même temps un enjeu social et politique.

Dans le monde du travail et de l’entreprise, cette intimation collective à être « l’acteur de sa vie » se transforme en injonction au management de soi: il revient désormais à chacun de trouver en soi-même les ressources de son intégration sociale, de son employabilité, de sa réussite professionnelle ; il revient à chacun d’être le meilleur et le plus performant, de se faire « l’entrepreneur de soi-même », selon l’expression d’Alain Ehrenberg (1991), ou, comme le dit encore Ulrich Beck développant la formule allemande du « Ich-AG » (littéralement et significativement : « Entreprise-Moi »), d’être « le bureau d’étude de sa propre existence » (BECK, 2003, p. 291). Ce discours du management de soi trouve son point d’accroche dans la notion d’employabilité, entendue comme capacité de l’individu à mobiliser ses ressources et ses compétences pour convaincre de son adéquation aux conditions d’emploi qui lui sont proposées ou pour susciter l’offre à laquelle il postulerait de façon idéale. La figure du manager des années 1990, que Luc Boltanski et Eve Chiapello (1999) caractérisaient par son aptitude à donner des réponses personnelles au changement et à trouver en lui-même les ressources de son employabilité, s’est en quelque sorte démocratisée pour devenir une norme générale d’existence.

Ce management de soi n’épargne pas ceux qui, à la marge du monde du travail, grossissent les cohortes des demandeurs d’emploi (jeunes en recherche de premier emploi, chômeurs de plus ou moins longue durée, seniors victimes de « restructuration économique », etc.), tous ceux qui souffrent de précarité sociale et économique et qui forment la cible des politiques sociales d’insertion. À ceux-là qui quelquefois ne peuvent se prévaloir d’aucune expérience ou d’aucune compétence professionnelle, qui connaissent pour certains l’échec de l’intégration sociale après avoir subi l’échec scolaire, l’on demande d’apporter la preuve personnelle - non de leur capacité effective et immédiate d’insertion, non de leur employabilité, puisque précisément celle-ci leur fait défaut - mais de leur volonté d’entrer dans une démarche d’élaboration d’un projet d’insertion, de leur capacité à engager sur eux-mêmes un travail de (re)construction, en un mot de leur disposition à agir sur eux-mêmes et à se transformer personnellement pour s’adapter et s’ajuster aux contraintes du système économique et du marché du travail.

À cette individualisation du social, qui tend à considérer non des individus anonymes, mais des individualités singulières, correspond une profonde transformation de l’action sociale et des principes qui la guident (ASTIER, 1997; 2007). À l’inverse du système traditionnel de la protection sociale qui repose sur la mise en oeuvre de dispositions générales s’adressant à de grandes catégories d’ayants droit définis par leur positionnement structurel dans l’espace social, les politiques sociales actuelles multiplient les dispositifs s’adressant à des publics de plus en plus étroits et spécifiques, définis par leurs caractéristiques individuelles. D’autre part, elles mettent en oeuvre un principe d’insertion active: les bénéficiaires de l’action publique - devenus significativement des usagers - sont expressément enjoints à exprimer leur individualité, à dire leurs besoins et leurs difficultés, et à participer de manière contractuelle au processus de leur insertion.

Dans ce contexte de traitement individuel du social - qui embrasse tout l’espace social mais qui vaut plus particulièrement pour les plus précaires et les plus démunis -, les organismes collectifs et les institutions vont fortement appuyer leur intervention sur la connaissance des parcours individuels et soumettre l’aide apportée (dispositif d’accompagnement, formation, stages), la prestation allouée (hier le RMI, aujourd’hui le RSA) à l’examen détaillée des biographies individuelles. La biographie est ainsi devenue un des instruments et un des critères de l’action sociale. Alors que le modèle républicain traditionnel postulait l’égalité de droit de tous les citoyens et avait pour principe de ne rien vouloir savoir des particularités individuelles, la société biographique veut tout savoir des singularités de l’existence et du parcours de chaque individu : non seulement, elle reconnaît ces singularités individuelles, mais elle incite à leur publicité en développant une très forte demande biographique et en faisant du récit de la vie un matériau institutionnel et un outil de la décision publique. La fin de l’époque des « grands récits», où chacun pouvait rapporter son existence à la matrice narrative collective que lui procuraient ses attaches politiques et sociales (récit républicain de l’égalité et du mérite, récit marxiste ou communiste de l’ascension de la classe ouvrière, etc.), se résout en une multiplication indéfinie de récits individuels où l’existence de chacun ne se rapporte plus qu’à lui-même. La société biographique se conçoit ainsi comme addition et accumulation de biographies individuelles : « la société est productrice autant qu’elle a tendance à devenir le produit des biographies individuelles. » (ASTIER ; DUVOUX, 2006, p. 15).

Devenu public et institutionnalisé, le récit de soi entre dans un système contractuel où il acquiert un statut de contrepartie et de monnaie d’échange (ASTIER, 1997, p. 239) : donne-moi ton récit et je te donnerai de la formation, des stages, une allocation d’aide à l’insertion, un emploi-jeune, une reconnaissance de niveau ou de diplôme, etc. Donne-moi ton récit et je te donnerai de la solidarité et de la reconnaissance sociale. Cette contractualisation du récit biographique est bien sûr assortie de contraintes explicites et beaucoup plus encore implicites qui en codifient et en fixent de manière rigide la forme et le contenu. Le récit de la vie, du cursus de formation, du parcours professionnel, doit s’ajuster à des exigences et à une cohérence qui lui sont extérieures (économiques, administratives, comptables), il doit répondre aux attentes codées, aux projections formatées d’un éventuel employeur. Le succès d’un entretien de recrutement, au-delà de l’appréciation des compétences purement techniques et professionnelles, est largement lié à la capacité d’auto-présention et d’auto-promotion du candidat, à sa capacité à se « mettre en scène » et à « se vendre », à se faire reconnaître comme « employable » sur le marché du travail et de l’entreprise.

« Capital biographique » et nouvelles inégalités

Cette biographisation du social est génératrice de nouvelles inégalités. Non plus seulement celles que provoque l’inégale distribution des ressources économiques et des biens matériels, ni même celles qui résultent des différences de position dans la société, mais celles qui sont directement liées à la capacité des individus d’élaborer et de faire entendre sur eux-mêmes un langage recevable, d’accéder aux moyens d’expression et d’affirmation qui les feront socialement reconnaître5. Le pouvoir de tenir un discours sur soi, de donner de soi-même et de son existence une représentation conforme à la requête sociale et institutionnelle, relève d’un capital biographique très inégalement réparti. La maîtrise des codes du récit public, la distance que suppose le maniement de topiques narratives empruntées, la capacité à ajuster la mise en intrigue de son existence sur la base de critères extérieurs ne sont pas partagées de la même façon par tous : elles supposent une connaissance au moins implicite, un usage relativement maîtrisé des « cassettes prêtes-à-dire »6 du récit public, qui n’ont plus guère à voir avec les valeurs de sincérité, d’authenticité, voire de vérité que la représentation spontanée prête au récit de soi. Et bien souvent elles font défaut à ceux qui en auraient précisément le plus besoin, ceux que Robert Castel, reprenant un terme de Hannah Arendt, appelle les « travailleurs sans travail », les « surnuméraires », dont le récit de la vie est la seule monnaie qu’ils peuvent encore échanger, parce qu’ils sont dans la situation de ne plus pouvoir faire autre chose que de payer de leur personne, autrement dit de livrer l’histoire de leurs échecs et de leurs manques (CASTEL, 1999, p. 767).

Les inégalités des conditions de la vie, matérielles et sociales, se tissent ainsi des inégalités des ressources du langage et des représentations du moi et, avec elles, de l’inégale répartition des manières de se construire soi-même. Il n’y va pas du seul positionnement dans la société, mais du complexe de rapports qui lient ressources économiques, ressources sociales, ressources culturelles avec les possibilités de construction et d’expression de soi. Le capital biographique et ses réserves de soi possibles grandissent en quantité et en variété avec la multiplication et la diversification des expériences, il se réduit à quelques figures lorsque les conditions socio-économiques et l’environnement culturel ne permettent pas cette pluralité et cette diversité de l’expérience. S’ouvre ainsi, selon Jean-Claude Kaufmann, « un nouvel espace d’inégalités : celui de la représentation de soi, des images et des émotions qu’il véhicule » (KAUFMANN, 2004, p. 201). Il y va également du retentissement personnel qu’entraîne la réception publique du récit biographique. Le récit de soi, quels que soient les formatages et les réifications qu’il ait à subir dans la sphère sociale, n’est pas un objet que son narrateur (qui en est en même temps l’acteur) peut facilement tenir à distance : pour celui-ci, et d’autant plus s’il en a un usage premier et naïf, il ne fait qu’un avec sa vie et avec lui-même. Beaucoup plus peut-être que les ressources matérielles ou la position sociale, qui peuvent jusqu’à un certain point être dissociées de la personne, le récit de la vie se confond avec le sentiment de soi ; au moment où je le tiens, il est ce que je suis pour moi-même et ce que je fais paraître de moi aux autres. L’instrumentalisation sociale du récit biographique soumet au regard et au jugement public (et donc potentiellement à la méfiance et à la suspicion) cette dimension de la personne dans son rapport à elle-même et aux autres. Aussi la manière dont est reçu le récit, à travers les effets à la fois personnels et publics qu’il entraîne, met-il directement en jeu l’ensemble des modalités de la reconnaissance telles que les a reconnues Axel Honneth : celle de la confiance en soi à travers l’amour que les hommes attendent de ceux qui leur sont les plus proches, celles du respect de soi à travers leur appartenance à une communauté de membres égaux en droit, celle de l’estime de soi en tant que sujets capables par leurs pratiques de contribuer à la vie commune (HONNETH, 2000). Parce qu’il est à la fois la mise en intrigue d’une identité personnelle singulière, le lieu où se formulent des appartenances socialement identifiables et l’instrument inégalement partagé d’un positionnement dans la société, le récit de soi relève toujours et indissociablement de cette triple quête - affective, juridique, sociale - par lequel un sujet revendique d’être reconnu. Mais c’est aussi au titre de tout ce qu’il cristallise et dont il est lui-même l’enjeu que le récit de soi est exposé à toutes les blessures de la dignité et de la reconnaissance.

Centralité sociale du récit de soi et injonction du sens: le « grand récit » de l’individu

Dans ce contexte, le récit de soi acquiert une centralité sociale qu’il n’avait sans doute jamais eue jusqu’ici : il n’est plus seulement une forme de l’expression personnelle, un lieu d’exploration de l’intimité et de l’intériorité, un support de connaissance ou de découverte de soi-même ; il passe résolument dans la sphère publique, il devient un instrument essentiel de la médiation, de la reconnaissance, de la contrepartie sociale ; mais il aussi le lieu où s’élabore cette « reproduction de la sphère sociale » dont l’individu est devenu lui-même l’unité, pour reprendre la formulation de Beck.

Le récit de soi porte ainsi les marques forcément ambivalentes des usages dont il est l’objet, des fonctions qu’il est amené à investir : tantôt support de construction personnelle, tantôt objet public formaté et réifié ; tantôt lieu d’élaboration de l’expérience singulière, tantôt lieu de conformation ; tantôt acte de résistance, tantôt acte d’allégeance ; tantôt récit qui fait advenir un « sujet », tantôt récit qui assujettit. Le récit de soi semble toujours pris dans une tension entre assujettissement et subjectivation, entre bio-politique comme gouvernement des corps et de la vie, comme pouvoir de « conduire les conduites » (FOUCAULT, 2001, p. 1056), et auto-bio-graphie comme effort du sujet de se constituer lui-même et de donner une forme à son expérience.

Mais au-delà de ces polarités, ce qu’il convient de retenir ici, c’est cette centralité sociale ou sociétale du récit biographique, lorsque - pour le dire d’une formule - l’homo socius est constitué en homo narrans. Dans une société de « rapports sociaux de production de soi » (FRANSSEN, 2006, p. 75), où les individus sont enjoints de produire le monde social à partir de leurs expériences singulières, les constructions narratives selon lesquelles ils travaillent à donner forme à leurs expériences et participent ce faisant à la production de l’espace social se chargent d’une signification nouvelle et acquièrent une dimension sociétale.

On peut penser que cette injonction adressée à chacun et intériorisée par chacun de « faire histoire de sa vie », que cette mutation du récit de soi en impératif à la fois moral et social marquent un tournant dont nous n’avons pas encore complètement pris la mesure. Car ce qui s’impose avec cet impératif du récit, c’est aussi l’injonction du sens, l’injonction d’avoir à trouver et à formuler le sens de sa propre existence dans une prise de forme de son histoire et de son expérience. Il s’agit là d’un fait inédit dans l’histoire des sociétés : jamais aucune société n’a demandé à ce point à l’ensemble de ses membres de « produire » (au sens à la fois de fabriquer et de rendre visible) individuellement le sens de leur existence. La charge de sens qui pèse aujourd’hui sur les individus est considérable : on demande à l’écolier, à l’étudiant, à l’ouvrier, à l’employé, etc. de faire état du sens qu’il donne à sa situation, à son travail, à son parcours, à son avenir ; aussi bien, la même exigence réflexive est adressée à l’homme » et à la femme », au père, à la mère, aux grands-parents, etc., et encore à l’électeur, au parent d’élève, au consommateur, au citoyen.

La même charge de sens pèse sur la collectivité. Les sociétés réflexives produisent un savoir régulateur sur elles-mêmes mais aussi des questionnements sur leur propre sens et sur la dimension du sens dans leur fonctionnement. Une telle mise en réflexivité ne semble pas avoir été possible dans des formes de sociétés antérieures, qu’il s’agisse des sociétés premières, des sociétés antiques ou même des sociétés de la première modernité. Le questionnement sur le sens et la requête de production de sens que les sociétés de la modernité avancée s’adressent à elles-mêmes est symptomatique de la même révolution dont témoignent l’injonction biographique et la charge de sens adressés aux individus.

Alors que le sujet moderne trouvait dans les « grands récits » (LYOTARD, 1979) des références de sens et des modèles de conduite en fonction de ses inscriptions, de ses affiliations, de ses appartenances, l’individu de la modernité avancée est renvoyé à lui-même et à son propre récit pour produire le sens de son expérience. Il lui revient de trouver par lui-même son lieu, en reliant et en faisant signifier les espaces sociaux auxquels il participe. Or, cette façon de faire sens et de faire lieu en lui-même, il ne peut la trouver que dans un rapport réflexif à sa propre existence. La construction biographique de l’expérience - c’est-à-dire la capacité à intégrer dans le continuum d’une histoire les événements et les situations de l’existence - apparaît ainsi comme la médiation nécessaire d’un monde dont les repères et les métadiscours sont brouillés ou décrédibilisés, d’un monde qui ne peut être relié que dans la réflexivité et l’historicisation de l’expérience qu’en font les individus.

C’est dans ce sens que l’on peut parler aujourd’hui d’un « grand récit » qui ne serait plus un « récit du monde » ou un « récit de la société », mais un « récit de l’individu » en tant qu’il fait société et en tant qu’il fait monde, en tant qu’il lui incombe de reproduire la sphère sociale et de médier le monde. C’est sans doute à cette redéfinition du sujet sociétal que le récit de formation doit sa pérennité jusque dans nos représentations et constructions contemporaines : il y retrouve même une exemplarité et une vigueur renouvelées, puisque la figure qu’il met en scène d’un individu qui forme le monde en se formant lui-même rejoint en un sens l’intuition originelle des Lumières et de la Bildung romantique. Ce qui l’en différencie cependant de manière décisive, c’est que ce récit vaut pour lui-même et en lui-même, qu’il n’est plus soutenu par les grands discours de légitimation (la raison, le progrès, l’émancipation) qui l’ont longtemps accompagné, en lui fournissant valeurs et justifications. Dans ce nouveau grand récit, l’individu est enjoint de tirer de lui-même les ressorts de son action et les principes de sa conduite, de construire les motifs et les valeurs qui donnent sens à son action, de nouer les « associations » qui le lient aux autres et qui lui donnent une place dans le tissu des collectivités. Récit tout aussi « mythique », mais aux effets tout aussi réels que ceux qui l’ont précédé, ce « grand récit de l’existence individuelle » est une construction socio-historique, une des formes selon lesquelles la société se représente elle-même et assigne à ses membres leur tâche et la manière de la remplir. Relayant les grands récits historiques de la modernité, c’est cette mise en intrigue d’une individualité puisant en elle-même ses ressources et ses valeurs qui structure et oriente aujourd’hui les modes de représentation et de construction des existences, c’est dans cette figure d’un sujet capable de faire monde par lui-même que prend effet la société biographique.

1La première partie de mon ouvrage Les Histoires de vie. De l’invention de soi au projet de formation (2004) développe cette perspective d’une anthropologie historique du récit de soi.

2« L’individualité est une tâche confiée à ses membres par la société des individus. » Zygmunt Bauman (2006, p. 29).

3« La socialisation, peut écrire Michel Wieviorka, … est aujourd’hui avant tout le processus dans lequel un individu acquiert et développe sa capacité à maîtriser son expérience, à être sujet de son existence. » Michel Wieviorka (2008, p. 319).

4« Ce néologisme signifie que progressivement les parcours de vie sont interprétés culturellement comme résultant de projets biographiques personnels et de leur mise en œuvre. Ils sont attribués à l'action des individus sur le déroulement social de leur propre vie. Cette évolution correspond à une véritable invention sociale de la responsabilité individuelle en matière biographique. On n'est plus intégré à la société en tant que membre d'une famille, d'une localité, d'une catégorie professionnelle, mais en tant que personne individuelle.» René Lévy (2001, p. 4-5).

5De ce point de vue, les analyses que fait Pierre Bourdieu (1982) de « la langue légitime » sont aisément transposables à la compétence sociale de récit.

6Le terme est emprunté à Danilo Martuccelli (2002, p. 359).

REFERENCES

ASTIER, Isabelle. Revenu minimum et souci d’insertion. Paris: Desclée de Brouwer, 1997. [ Links ]

ASTIER, Isabelle. Les nouvelles règles du social. Paris: Presses Universitaires de France, 2007 [ Links ]

ASTIER, Isabelle; DUVOUX, Nicolas (dir.) La société biographique: une injonction à vivre dignement. Paris: L’Harmattan, 2006. [ Links ]

ASTIER, Isabelle; DUVOUX, Nicolas. L’institution de la dignité dans la société contemporaine ; réflexions à partir du cas français. In: ASTIER, Isabelle; DUVOUX, Nicolas (dir.). La Société biographique: une injonction à vivre dignement. Paris: L’Harmattan, 2006. p. 15-31. [ Links ]

BAUMAN, Zygmunt. La Vie liquide. Arles: Le Rouergue/Chambon, 2006. [ Links ]

BECK, Ulrich. La Société du risque. Sur la voie d’une autre modernité. Paris: Champs Flammarion, 2003. [ Links ]

BOLTANSKI, Luc; CHIAPELLO, Éve. Le Nouvel esprit du capitalisme. Paris: Gallimard, 1999. [ Links ]

BOURDIEU, Pierre. Ce que parler veut dire. L’économie des échanges linguistiques. Paris: Fayard, 1982. [ Links ]

CASTEL, Robert. Les Métamorphoses de la question sociale. Paris: Gallimard Folio Essais, 1999. [ Links ]

DELORY-MOMBERGER, Christine. Les Histoires de vie. De l’invention de soi au projet de formation. Paris : Anthropos, 2004. [ Links ]

DELORY-MOMBERGER, Christine. La condition biographique. Essais sur le récit de soi dans la modernité avancée. Paris: Téraèdre, 2009. [ Links ]

EHRENBERG, Alain. Le Culte de la performance. Paris: Hachette Littérature, 1991. [ Links ]

FOUCAULT, Michel. Le sujet et le pouvoir. In: Dits et écrits II. 1976-1988. Paris: Quarto Gallimard, 2001. p. 1041-1062. [ Links ]

FRANSSEN, Abraham. L’État social actif et la nouvelle fabrique du sujet. In: ASTIER, Isabelle; DUVOUX, Nicolas (dir.). La société biographique. Une injonction à vivre dignement. Paris: L’Harmattan, 2006. p. 75-104. [ Links ]

GEULEN, Dieter. Das vergesellschaftene Subjekt [Le sujet sociétisé]. Frankfurt: Suhrkamp Verlag, 1997. [ Links ]

GIDDENS, Anthony. Modernity and Self-Identity. Cambridge: Polity Press, 1991. [ Links ]

HONNETH, Axel. La Lutte pour la reconnaissance. Paris: Editions du Cerf, 2000. [ Links ]

HONNETH, Axel. Capitalisme et réalisation de soi : les paradoxes de l’individuation. In: HONNETH, Axel. La Société du mépris. Paris: La Découverte, 2006. p. 305-323. [ Links ]

KAUFMANN, Jean-Claude. L’Invention de soi. Une théorie de l’identité. Paris: Armand Colin, 2004. [ Links ]

KOHLI, Martin. Le cours de vie comme institution sociale. Enquête, [s.l.], n. 5, p. 37-43, 1989. (Biographie et cycle de vie). [ Links ]

LÉVY, René. Regards sociologiques sur les parcours de vie. Cahiers de la section des sciences de l'éducation, Genève, n. 95, p. 1-20, 2001. [ Links ]

LYOTARD, Jean-François. La Condition postmoderne. Paris: Minuit, 1979. [ Links ]

MARTUCCELLI, Danilo. Grammaires de l’individu. Paris: Gallimard Folio Essais, 2002. [ Links ]

ROSANVALLON, Pierre. La Nouvelle question sociale. Repenser l’État providence. Paris: Seuil, 1995 [ Links ]

RUSTIN, Michael. Réflexions sur le tournant biographique dans les sciences sociales. In. ASTIER, Isabelle; DUVOUX, Nicolas (dir.). La Société biographique: une injonction à vivre dignement. Paris: L’Harmattan, 2006. p. 33-53. [ Links ]

VRANCKEN, Didier; MACQUET, Claude. Le Travail sur soi. Vers une psychologisation de la société? Paris: Belin, 2006. [ Links ]

WIEVIORKA, Michel. Neuf leçons de sociologie. Paris: Robert Laffont, 2008. [ Links ]

Received: August 29, 2020; Accepted: October 01, 2020

Creative Commons License Este é um artigo publicado em acesso aberto (Open Access) sob a licença Creative Commons Attribution, que permite uso, distribuição e reprodução em qualquer meio, sem restrições desde que o trabalho original seja corretamente citado.