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Revista da FAEEBA: Educação e Contemporaneidade

versión impresa ISSN 0104-7043versión On-line ISSN 2358-0194

Revista da FAEEBA: Educação e Contemporaneidade vol.29 no.60 Salvador oct./dic 2020  Epub 24-Ago-2021

https://doi.org/10.21879/faeeba2358-0194.2020.v29.n60.p259-266 

DOSSIÊ TEMÁTICO

TROIS OCCURRENCES D’AMOUR PATHOLOGIQUE PARENTAL?

TRÊS OCORRÊNCIAS DE AMOR PATOLÓGICO DOS PAIS?

THREE INSTANCES OF PATHOLOGICAL PARENTAL LOVE?

TRES OCORRÊNCIAS DE AMOR PATOLÓGICO DE LOS PADRES?

Robert Levy*  (Analyse Freudienne)
http://orcid.org/0000-0002-2736-4096

*Docteur des Universités Aix Marseille. Psychanalyste, co fondateur de l’association Analyse Freudienne et Président actuel. E-mail: robertlevy607@gmail.com


RÉSUMÉ

Doit-on aimer les enfants pour les éduquer et a fortiori pour les soigner ? Comment penser la pratique de la pédagogie et de la thérapie avec les enfants autrement qu’en les aimant ? Quelques occurrences de clinique psychanalytique éclaireront cette question en reprenant ce que Lacan et Winnicott peuvent théoriser. Nous examinerons l’impact que peut avoir le désir dans le fantasme d’enfant et ses effets sur la fabrication du symptôme. Nous envisagerons comment un enfant peut sortir de la place du fantasme, comment il peut vivre autrement que dans l’excès d’amour, enfin comment il est bon d’ accepter la ‘hainamoration’ d’une mère. Autant de questions nécessitant un développement que nous essayerons d’envisager à travers notre clinique.

Mots-clé: Clinique psychanalytique; Éducation; Amour parental

RESUMO

Devemos amar as crianças para educá-las e, a fortiori, para cuidar delas? Como pensar a prática da pedagogia e da terapia com as crianças de outro modo que não seja as amando? Algumas ocorrências da clínica psicanalítica vão lançar luz sobre essa questão, retomando o que Lacan e Winnicott podem teorizar sobre como pode haver ou não adaptação no que diz respeito à relação dos pais ou educadores com o amor que têm pelos filhos. Examinaremos o impacto que o desejo pode ter na fantasia infantil e seus efeitos na construção do sintoma. Vamos considerar como uma criança pode sair do lugar da fantasia, como ela pode viver de outro modo que não seja no excesso de amor, finalmente, como aceitar o “amoródio” de uma mãe. Tantas questões requerem desenvolvimento e tentaremos considerá-las por meio de nossa clínica.

Palavras-chave: Clínica psicanalítica; Educação; Amor parental

ABSTRACT

Should we love children to educate them and, a fortiori, to take care of them? How to think about the practice of pedagogy and therapy with children in a way other than loving them? Some occurrences of the psychoanalytic clinic will shed light on this issue, returning to what Lacan and Winnicott can theorize about how it can be adapted or not with regard to the relationship of parents or educators with the love they have for their children. We will examine the impact that desire can have on children's fantasy and its effects on symptom construction. Let us consider how a child can leave the place of fantasy, how he can live in a way other than having too much love, finally how to accept a mother's "love and hate". So many issues require development and we will try to consider them through our clinic.

Keywords: Psychoanalytic clinic; Education; Parental love

RESUMEN

¿Debemos amar a los niños para educarlos y, a fortiori, para cuidarlos? ¿Cómo pensar la práctica de la pedagogía y la terapia com los niños de otra forma que no sea por el amor? Algunas ocurrencias de la clínica psicoanalítica arrojarán luz sobre este tema, volviendo a lo que Lacan y Winnicott pueden teorizar sobre cómo se puede adaptar o no em lo que respecta a la relación de los padres o educadores com el amor que tienen por sus hijos. Examinaremos el impacto que el deseo puede tener em la fantasía de los niños y sus efectos en la construcción de síntomas. Consideremos como um niño puede dejar el lugar de la fantasía, como puede vivir de outro modo que no sea el del demasiado amor, finalmente como aceptar el “amorodio” de una madre. Tantos problemas requieren desarrollo y trataremos de abordarlos a través de nuestra clínica.

Palavras clave: Clinica psicoanalítica; Educación; Amor de los padres

Evidemment les parents font ce qu’ils peuvent et surtout aiment leurs enfants comme ils peuvent.

Ce qui depuis toujours se présente comme une sorte de garantie envers le bon développement des enfants à savoir qu’ils soient aimés peut, peut-être, être interrogé surtout si l’on considère qu’il ne peut y avoir de norme d’un ‘bon amour’.

En revanche il peut y avoir cliniquement quelque bémol à prendre pour évidence: qu’ ‘être aimé est bon pour les enfants’.

C’est une ritournelle qui traine un peu partout voire même dans le champ éducatif et parfois thérapeutique puisque certains de nos collègues, à leur insu, ne peuvent pas s’empêcher ‘d’aimer’ les enfants qu’ils traitent ou qu’ils éduquent.

Serait ce un simple effet transférentiel, et/ou l’enfant se prêterait il à recevoir cet amour tout azimut?

Disons que le champ ‘éducatif’ au sens large du terme, puisque j’y inclue les parents, se prête parfaitement à toutes les projections, les réparations, que les adultes fabriquent et qui préside bien souvent au choix d’un travail avec les enfants ou encore à la procréation elle même.

En première ligne, bien sûr les parents mais pas que…

Il serait bon déjà de distinguer le désir de l’amour et il est évident que le fait d’avoir été désiré pour un enfant se distingue déjà forcément d’avoir été aimé…

Lacan insiste beaucoup sur cette distinction dans le champ psychanalytique et ceci dès le premier séminaire: «l’amour se distingue du désir, considéré comme la relation-limite qui s’établit de tout organisme à l’objet qui le satisfait. Car sa visée n’est pas de satisfaction, mais d’être. C’est pourquoi on ne peut parler d’amour que là où la relation symbolique existe comme telle.» (LACAN, 1975, p. 420).

La visée de l’amour est d’être... mais plus que cela l’amour vise l’être de l’autre: «le don actif de l’amour vise l’autre non pas dans sa spécificité mais dans son être.» (LACAN, 1975, p. 420); alors que le désir lui vise la satisfaction.

Nous recevons dans nos cabinets bon nombre de ces enfants qui, avec leurs parents, confondent ces deux registres, ce qui n’est certainement pas sans conséquence.

La fabrication du symptôme le plus typique est sans doute celui qui consiste à produire des symptômes somatiques lorsqu’un enfant a compris qu’il n’a d’amour auprès de ses parents que lorsqu’il est malade. Quelque chose dis -fonctionne alors dans ce ‘bel objet ‘que les parents nous amènent, il est donc imparfait et par conséquent il manque quelquechose à sa perfection.

Ceci aura bien sûr des conséquences très importantes à l’âge adulte si personne dans son entourage médical ne repère le rapport entre les symptômes de l’enfant et l’intérêt que lui portent dans cette mesure ses parents et/ou ses éducateurs.

Mais ici le désir n’est pas encore de mise et bien souvent l’enfant considère l’intérêt que ses parents portent à ses symptômes pour de l’amour alors qu’il n’en est rien ou plutôt qu’il s’agit d’une sorte d’indication inconsciente d’une destinée selon laquelle un sujet, en l’occurrence un enfant, n’a d’intérêt que pour autant qu’il est malade.

Bien entendu on déclinera également toutes les figures identificatoires obligées dans lesquelles un enfant ne sera ‘aimé’ que pour autant qu’il s’identifiera à son père ou à sa mère et également l’inverse, c’est à dire qu’il ne pourra être aimé si justement il présente quelques caractéristiques de l’un de ses parents; ce que l’on entend si souvent sous la forme: ‘ah quand tu fais ça on dirait ton père’.

C’est dans les cas de séparation des parents que l’on rencontre le plus fréquemment ces injonctions négatives.

Autant dire qu’avec ces premiers repères d’une grande banalité somme toute on peut déjà pourtant soutenir que l’amour des parents est bien souvent réduit à ce que l’enfant n’en soit que le vecteur à savoir, que cet amour ne lui est pas adressé, il ne fait que passer par lui…

D’ailleurs faut-il aimer un enfant: un peu, beaucoup, passionnément ou encore à la folie? Bien malin celui qui apporterait une réponse précise à cette question d’autant que l’amour porté à un enfant est toujours lié à la façon dont les parents ont été ou pas aimés eux mêmes par leurs propres parents et il est bien difficile de faire entendre dans nos consultations combien il est compliqué pour un enfant de devoir assurer la réparation de l’amour dont les parents eux-mêmes ont manqué de la part de leurs propres parents; thème que l’on retrouve également dans le champ éducatif.

Mais pour continuer ma proposition sur ce repérage d’amour pathologique je vais me servir de trois occurrences proposées par Lacan pour les deux premières et par winnicott pour la dernière.

La première à laquelle je vous convie c’est celle qui se trouve dans les deux notes de Lacan à Jenny Aubry: ces deux notes, remises manuscrites par Jacques Lacan à Mme Jenny Aubry en octobre 1969, ont été publiées pour la première fois par cette dernière, dans son livre paru en 1986.

1.- Dans la conception qu’en élabore Jacques Lacan, le symptôme de l’enfant se trouve en place de répondre à ce qu’il y a de symptomatique dans la structure familiale.

Le symptôme, c’est là le fait fondamental de l’expérience analytique, se définit dans ce contexte comme représentant de la vérité.

Le symptôme peut représenter la vérité du couple familial. C’est là le cas le plus complexe, mais aussi le plus ouvert à nos interventions.

L’articulation se réduit de beaucoup quand le symptôme qui vient à dominer ressortit à la subjectivité de la mère. Ici, c’est directement comme corrélatif d’un fantasme que l’enfant est intéressé.

La distance entre l’identification à l’idéal du moi et la part prise du désir de la mère, si elle n’a pas de médiation (celle qu’assure normalement la fonction du père) laisse l’enfant ouvert à toutes les prises fantasmatiques. Il devient l’ «objet» de la mère, et n’a plus de fonction que de révéler la vérité de cet objet.

L’enfant réalise la présence de ce que Jacques Lacan désigne comme l’objet a dans le fantasme.

Il sature en se substituant à cet objet le mode de manque où se spécifie le désir (de la mère), quelle qu’en soit la structure spéciale: névrotique, perverse ou psychotique.

Il aliène en lui tout accès possible de la mère à sa propre vérité, en lui donnant corps, existence, et même exigence d’être protégé.

Le symptôme somatique1 donne le maximum de garantie à cette méconnaissance; il est la ressource intarissable selon les cas à témoigner de la culpabilité, à servir de fétiche, à incarner un primordial refus.

Bref, l’enfant dans le rapport duel à la mère lui donne, immédiatement accessible, ce qui manque au sujet masculin: l’objet même de son existence, apparaissant dans le réel. Il en résulte qu’à mesure de ce qu’il présente de réel, il est offert à un plus grand subornement dans le fantasme.

2.- Semble-t-il à voir l’échec des utopies communautaires la position de Lacan nous rappelle la dimension de ce qui suit.

La fonction de résidu que soutient (et du même coup maintient) la famille conjugale dans l’évolution des sociétés, met en valeur l’irréductible d’une transmission - qui est d’un autre ordre que celle de la vie selon les satisfactions des besoins - mais qui est d’une constitution subjective, impliquant la relation à un désir qui ne soit pas anonyme.

C’est d’après une telle nécessité que se jugent les fonctions de la mère et du père. De la mère: en tant que ses soins portent la marque d’un intérêt particularisé, le fût-il par la voie de ses propres manques.

Du père: en tant que son nom est le vecteur d’une incarnation de la Loi dans le désir. (LACAN, 1986, p. 13-14).

Voila donc ce que je voudrais souligner tout particulièrement: c’est l’ambiguïté de cette question du fantasme de la mère car c’est à cette ambiguïté que nous sommes toujours confrontés en consultation c’est à dire que, certes, l’enfant ne peut pas rester en place d’objet dans le fantasme de sa mère mais que s’il n’y a jamais eu de place c’est peut-être encore plus grave puisqu’alors il n’aura pas de place du tout comme sujet.

C’est très exactement ce que l’on rencontre souvent dans les psychoses infantiles à savoir que certaines mères aiment leur enfant en tant qu’objet techniquement performant et elles sont les meilleures mères pour s’occuper de lui au sens des besoins sans pourtant pouvoir accéder à un amour pour lui au delà de ses besoins, c’est à dire dans le désir.

Ce sont donc des mères qui ne parviennent pas à ‘particulariser’ les soins qu’elles prodiguent à leur enfant elles sont donc parfaites et sans manques pour reprendre la remarque de Lacan.

C’est bien ce qu’ il indique sous la forme suivante:

c’est directement comme corrélatif d’un fantasme que l’enfant est intéressé. La distance entre l’identification à l’idéal du moi et la part prise du désir de la mère, si elle n’a pas de médiation (celle qu’assure normalement la fonction du père) laisse l’enfant ouvert à toutes les prises fantasmatiques. Il devient l’ ‘objet’ de la mère, et n’a plus de fonction que de révéler la vérité de cet objet. L’enfant réalise la présence de ce que Jacques Lacan désigne comme l’objet a dans le fantasme. Il sature en se substituant à cet objet le mode de manque où se spécifie le désir (de la mère), quelle qu’en soit la structure spéciale: névrotique, perverse ou psychotique. (LACAN, 1986, p. 13-14).

Il aliène en lui tout accès possible de la mère à sa propre vérité, en lui donnant corps, existence, et même exigence d’être protégé.

Et c’est là que l’on rencontre l’investissement du symptôme somatique chez certains enfants tel que: «le symptôme somatique donne le maximum de garantie à cette méconnaissance; il est la ressource intarissable selon les cas à témoigner de la culpabilité, à servir de fétiche, à incarner un primordial refus.» (LACAN, 1986, p. 13-14).

Bref, l’enfant dans le rapport duel à la mère lui donne, immédiatement accessible, ce qui manque au sujet masculin: l’objet même de son existence, apparaissant dans le réel. Il en résulte qu’à mesure de ce qu’il présente de réel, il est offert à un plus grand subornement dans le fantasme.

Ainsi Nous percevons également la difficulté puisqu’il faut bien que l’enfant ait eu une place dans le fantasme de sa mère mais qu’il puisse en sortir.

Comment donc peut-il en sortir?

C’est ce que propose Lacan grâce à ‘la médiation du père’ qui permettrait de ne pas laisser l’enfant «ouvert à toutes les prises fantasmatiques».

Il faut donc que «la distance entre l’identification à l’idéal du moi et la part prise du désir de la mère» ait une médiation qui s’appelle la fonction paternelle.

Comment travailler cette question dans notre clinique ? Lacan nous en donne une indication puisque: «le symptôme peut représenter la vérité du couple familial. C’est là le cas le plus complexe, mais aussi le plus ouvert à nos interventions.»

C’est dire si il s’agit clairement de l’invitation à un travail avec les parents puisque le «symptôme de l’enfant se trouve en place de répondre à ce qu’il y a de symptomatique dans la structure familiale».

Il s’agira alors de pouvoir travailler à ‘repérer’ cet ‘objet ‘a’ enfant pour la mère pour en faire différencier où plus exactement ressortir l’accès possible de la mère à sa propre vérité, vérité qui lui était cachée par la prise dans le corps du symptôme somatique de l’enfant…

La conséquence en sera forcément la sortie possible de l’enfant comme objet si et seulement si l’analyste lui permet d’entrer dans « une constitution subjective, impliquant la relation à un désir qui ne soit pas anonyme. »

C’est à dire d’entrer avec un nom qui fasse «incarnation de la loi dans le désir».

C’est, en d’autres termes, ce qui peut être attendu d’une fonction d’autorité qui assume d’être à la fois un Auteur et en même temps le référent d’une loi à laquelle nous sommes tous soumis.

En sachant que cette place d’Autorité n’a de sens que si elle est transmise à partir de l’expérience de castration (manque) de celui qui la soutient (qui l’énonce).

Une Place donc qui au moment de la production d’un acte d’autorité puisse risquer la perte de l’amour (qui est toujours le fantasme qui retient de ‘faire’ autorité), en l’occurrence de l’enfant. C’est me semble-t-il une définition que l’on pourrait appliquer à tout intervenant éducateur.

Souvent nous rencontrons dans nos consultations les difficultés, en particulier des pères (il faut bien le dire) à assumer cette place puisqu’ils imaginent qu’être Auteur d’autorité c’est risquer de perdre l’amour de leur enfant, voire même de la mère de leur enfant dans certains cas lorsque celle-ci ‘fait corps’ avec son enfant.

Ils ne se rendent pas compte qu’à ne pas assumer cette place de ‘transmettre un nom qui fasse incarnation de la loi dans le désir’ ils laissent l’enfant seul face à des angoisses qui peuvent devenir parfois très envahissantes…

On rencontre cela dans les questions de difficultés à s’endormir des enfants qui reviennent sans cesse le soir au moment de se coucher pour ‘avoir un verre d’eau’, encore une histoire, un dernier bisou; bref , des enfants qui ne rencontrent pas cette limite que seul celui ou celle qui assume cette place de nom qui fasse incarnation dans le désir peut leur donner.

C’est une première définition que je retiendrai donc pour ce qui concerne en quoi consiste l’amour des parents pour un enfant; à savoir ce qui peut se transmettre d’un nom qui fasse incarnation de la loi dans le désir .

Une deuxième occurrence, encore lacanienne est la suivante qui concerne non plus le manque d’amour mais plutôt ses formes d’excès:

Ce qu’il y a de plus angoissant pour l’enfant, c’est justement quand le rapport sur lequel il s’institue, du manque qui le fait désir, est perturbé, et il est le plus perturbé quand il n’y a pas de possibilité de manque, quand la mère est tout le temps sur son dos, et spécialement à lui torcher le cul, modèle de la demande, de la demande qui ne saurait défaillir. (LACAN, 1963, p. 67).

Déja Lacan précise que c’est ‘le manque qui le fait désir’ qui différencie de la question de l’amour qui est plutôt dans le plein que dans le manque et qu’ensuite il y a bien des effets dévastateurs pour un enfant dans l’excès ou encore la saturation de l’amour des parents qui empêche qu’il y ait du manque.

Par conséquent cette saturation amoureuse des parents empêche que ‘du désir propre’ se produise chez un enfant puisque nous sommes bien avertis que c’est ‘le manque qui fait désir ‘.

Il s’agit ici de mères en ‘excès d’amour’ qui peuvent aller jusqu’à très tardivement essuyer les fesses de leurs enfants, les habiller chaque matin et bien sûr les déshabiller le soir, les laver en plus, bref, ne leur laisser aucune autonomie et ce jusque très tardivement. L’enfant devient ‘la chose à aimer’ sans écart possible. La cause du don d’amour ne serait-elle pas alors le fait de se consacrer à la capture de l’amant, en l’occurrence la place à laquelle se situe alors son enfant ?

A cet endroit nous observons des enfants très angoissés qui souvent dorment dans le lit de leur mère, mère qui en fait ne supporte aucune distance, aucune coupure qui permettrait à leur enfant d’acquérir une quelconque forme d’indépendance. On peut soutenir ici que ce sont des enfants qui n’ont pas pu sortir du fantasme de leur mère.

Corrélativement ce sont des enfants qui ne peuvent pas jouer seuls au plus grand bénéfice de leur mère et qui restent ‘branchés’ psychiquement avec cette dernière en permanence. Ce sont des enfants chez lesquels on rencontre fréquemment des troubles du sommeil et en particulier de l’endormissement d’une façon constante.

Une de ces figures de mère s’était présentée en consultation pour son fils de quatre ans qui n’avait jamais pu dormir plus de deux heures de suite et ne pouvait pas supporter d’être à plus de quelques centimètres de sa mère pendant le jour sans la laisser téléphoner ni même aller aux toilettes seule car si c’était le cas il se mettait à hurler.

Il s’agira donc en consultation de permettre à cette mère d’exprimer pourquoi elle ne peut pas faire autrement que de rester ‘branchée’ avec son enfant dans cet excès d’amour si caractéristique de l’angoisse des enfants que l’on reçoit.

En fait les quelques consultations dédiées plus spécialement à cette mère révèleront que l’origine de sa propre angoisse d’enfant se situait dans l’attente de parents commerçants qui n’arrivaient jamais à rentrer à la maison et la laissaient seule désemparée proche d’une certaine forme d’effondrement. C’est la confusion entre le manque et l’absence qui crée alors le symptôme anxieux de son enfant dans la tentative d’une réparation qui permettrait alors que sa mère soit TOUJOURS LA…

Je retiendrai donc comme seconde définition d’un amour parental: celui qui introduit un manque pour faire désir.

Enfin une troisième et dernière occurrence que je retiendrai, c’est celle de Winnicott qui prolonge cette subtile recherche d’équilibre d’amour parental, ‘ni trop ni trop peu’, avec ces mots: «Il faut qu'une mère puisse haïr son enfant sans rien pouvoir y faire.» Cette capacité à haïr sans détruire est ainsi pour le psychanalyste considérée comme normale chez la mère.

En gros une bonne mère c’est celle qui peut haïr son enfant sans le détruire.

Et comme l’écrit encore Winnicott (2000, p. 194):

Ce qui devient très clair, c’est la très grande différence entre ce qui est en cause : la haine de la mère ou la haine inconsciente et refoulée de la mère. Autrement dit les enfants paraissent capables de faire face à la haine à leur égard et cela n’est, bien sûr, qu’une façon de dire qu’ils peuvent affronter et utiliser l’ambivalence que ressent et manifeste la mère. Ce qu’ils ne peuvent pas utiliser de façon satisfaisante dans leur développement affectif, c’est la haine inconsciente refoulée de la mère qu’ils ne rencontrent dans leurs expériences vécues qu’à l’état de formations réactionnelles. Au moment où la mère hait, elle manifeste une tendresse particulière. Il n’y a aucun moyen pour un enfant de faire face à ce phénomène.

C’est en effet ce que nous pouvons accueillir de plus extrême dans ce que l’amour au sens propre de la ‘hainamoration’ peut produire par rapport à un enfant.

C’est également ce qu’il y a de plus tabou car comment une mère pourrait-elle avouer à quiconque qu’elle pourrait haïr son enfant, avoir l’envie de s’en débarrasser quand toute la société judéo chrétienne n’a de cesse de rappeler combien une mère se doit d’être ‘tout amour’.

Mais ce sur quoi insiste le plus Winnicott c’est sur le fait que certaines formes d’amour sont en fait des formations réactionnelles qui masquent la haine alors qu’elles se présentent sous la forme de la plus grande tendresse; et c’est ce qu’il y a de plus grave à quoi un enfant ne peut pas faire face.

Ajoutons à cela que bien souvent ces mères ignorent même leur désir inconscient, comme tout un chacun.

Pourtant c’est, je crois, un des éléments majeurs de ce que la psychanalyse peut apporter à une mère, à savoir la rassurer sur cette idée qu’elle peut aussi avoir envie de ne pas s’occuper de son enfant voir même à certains moments où il ne fait que pleurer, le haïr.

Il faut entendre tout de même que cette haine est le résultat bien souvent d’un échec du narcissisme que l’enfant est supposé apporter à sa mère.

En effet, l’attente d’un enfant suppose toujours une certaine forme d’espoir de complétude, en tout cas fantasmatique.

Évidemment, et c’est tant mieux pour lui, l’enfant n’est pas seulement un ‘faire valoir’ narcissique de sa mère, il peut aussi produire une sorte de ‘désillusion’ qui se révèle génératrice alors de haine.

La dépression dite du post partum en est une des figures les plus évidentes lorsque cet enfant idéal de l’imaginaire n’est pas au rendez-vous de l’expérience réelle de sa naissance.

C’est la déception et le deuil qui prennent alors le dessus pour la mère et à ce moment il n’est pas rare de constater des poussées de haine chez les mères, haine de la différence entre l’enfant idéal attendu et l’enfant réel accueilli ; et pour certaines mères redouter des passages à l‘acte violents. Ce que certains obstétriciens connaissent bien puisqu’il n’est pas rare que dans certains services hospitaliers d’accouchement les médecins ferment très vite les fenêtres lorsqu’ils perçoivent que la ‘dépression post partum’ se révèle plus sévère qu’à l’habitude.

Mais ce n’est pas forcément un inconvénient voir même ce peut être une expérience nécessaire pour un enfant de pouvoir sortir à ce moment-là de la place du fantasme d’enfant idéal attendu; pour autant bien sûr qu’il n’en soit pas détruit.

Tout dépend en effet de la capacité de la mère à pouvoir supporter la ‘hainamoration’ en conséquence et ainsi permettre à son enfant d’entrer dans la sphère de l’enfant réel qui peut en effet être très insatisfaisant par ses pleurs, ses exigences énigmatiques et son écart par rapport à l’enfant idéal espéré…

En conclusion Je retiendrai pour finir une troisième forme d’amour parental:

  • C’est celui qui permet de haïr sans détruire (3)

  • En rappelant les deux premières celui qui introduit un manque pour faire désir (2)

  • Celui qui donne un nom qui fasse incarnation de la loi dans le désir (1).

Referências

LACAN, J. L’Angoisse, Le séminaire, Livre X. Paris: Le Seuil, 1963. [ Links ]

LACAN, J. Deux notes sur l'enfant. Ornicar? Revue du Champ freudien, n. 37, p. 13-14, 1986. [ Links ]

LACAN, J. Les écrits techniques de Freud, Le séminaire, Livre I. Paris: Le Seuil, 1975. [ Links ]

WINNICOTT, D. W. La Crainte de l’effondrement et autres situations cliniques. Paris: Gallimard, 2000. [ Links ]

1Souligné par moi.

Received: August 30, 2020; Accepted: December 10, 2020

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