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Práxis Educativa

Print version ISSN 1809-4031On-line version ISSN 1809-4309

Práxis Educativa vol.18  Ponta Grossa  2023  Epub Jan 20, 2023

https://doi.org/10.5212/praxeduc.v.18.20926.003 

Seção Temática: Perspectivas psicossociais sobre a educação no período pandêmico

Apprendre en situation d’incertitude: de l’expérience aux savoirs

Aprendizagem em situações de incerteza: da experiência aos saberes

Learning in situations of uncertainty: from experience to knowledge

*Maître de conférences HDR. EA7505, EES, Université de Tours.


Résumé:

Penser la formation à partir de l’expérience de l’incertain conduit à reconnaître les dimensions plurielles, transverses et longitudinales des dynamiques de formation. Si l’incertitude est une donnée structurelle des existences humaines, aux échelles individuelles et collectives, la force de la crise pandémique associée à la Covid-19 constitue un événement, du fait de la durée du phénomène, de sa puissance d’irruption et de son caractère à la fois global et mondial. Cet article interroge les dimensions formatrices de cette crise sanitaire inédite pour les sociétés contemporaines, à partir d’une étude réalisée selon une démarche narrative, conduite auprès de vingt-huit chercheurs répartis dans 15 pays et cinq continents.

Mots clés: Expérience; Formation; Incertitude; Situation; Savoirs.

Resumo

Pensar a formação a partir da experiência da incerteza leva a reconhecer as dimensões plurais, transversais e longitudinais da dinâmica da formação. Se a incerteza é um fato estrutural da existência humana, à escala individual e coletiva, a força da crise pandémica associada à Covid-19 constitui um acontecimento, pela duração do fenómeno, pelo seu poder de irrupção e pela sua dimensão global e global. personagem. Este artigo questiona as dimensões formativas dessa crise sanitária sem precedentes para as sociedades contemporâneas, a partir de um estudo realizado segundo uma abordagem narrativa, realizado com vinte e oito pesquisadores espalhados por 15 países e cinco continentes.

Palavras-chave: Experiência; Formação; Incerteza; Situação; Conhecimento.

Abstract

Thinking about training from the experience of uncertainty leads to recognizing the plural, transverse and longitudinal dimensions of training dynamics. If uncertainty is a structural fact of human existence, at the individual and collective scales, the force of the pandemic crisis associated with Covid-19 constitutes an event, due to the duration of the phenomenon, its power of irruption and its both global and global character. This article questions the formative dimensions of this unprecedented health crisis for contemporary societies, based on a study carried out according to a narrative approach, conducted with twenty-eight researchers spread over 15 countries and five continents.

Keywords: Expérience; Formation; Uncertainty; Situation; Knowledge.

Introduction

L’incertitude semble être devenue, durant la crise pandémique, la règle plus que l’exception. En réalité, la vie humaine est structurellement incertaine. Penser l’éducation à partir de l’expérience de l’incertain conduit à s’orienter vers des conceptions qui pensent les processus d’apprentissage en intégrant la diversité des contextes et en appréhendant la diversité des lieux d’apprentissage: cette idée est dorénavant diffusée et acceptée au sein des sciences de l’éducation et de la formation.

Les travaux provenant de l’apprentissage expérientiel (Balleux, 2000), de la formation expérientielle (Pineau, 1991), de la formation des adultes (Dominicé, 2000) ont contribué à documenter différents types de processus, en inscrivant les dynamiques d’éducation et d’apprentissage au sein d’un paradigme, celui de la formation tout au long de la vie. Cette approche par les contextes, consacrée en Europe par la recommandation du Conseil de l’Europe du 20 décembre 20121 relative à la validation de l’apprentissage non formel et informel, semble de nature à défixer les représentations dominantes provenant du paradigme de l’éducation formelle qui tend, comme l’a souligné Illich (1980), à faire des lieux scolaires l’épicentre de la circulation et de la constitution des savoirs. Elle présente l’avantage de promouvoir l’idée d’une parité des voies d’apprentissage en reconnaissant le principe de modulation entre théorie et pratique, entre étude et action, pour penser les processus d’acquisition des savoirs, des connaissances et des compétences.

La modélisation qui en résulte, efficace pour la structuration de discours audibles à l’échelle politique, notamment dans le cadre des discussions avec ou entre les certificateurs, réduit de manière abusive la complexité des processus de formation par l’expérience. Il est en effet possible de penser la formation expérientielle sans s’aliéner à ces trois catégories, en pensant l’expérience de manière transverse, celle-ci pouvant intégrer l’alternance entre des vécus relevant de l’éducation formelle, informelle et non formelle. Il en résulte une conception de la formation marquée par la pluralité des temporalités en formation et sujette à des variations d’ordre qualitatif, situationnel et ambiantiel, qui ne peuvent être appréhendées à partir des catégories relevant du formel, de l’informel et du non-formel (Ardouin, 2011), apparaissant alors à la fois massives et grossières.

D’un point de vue expérientiel (Zahavi, 2010), et selon les théories de la formation par l’épreuve (Fabre, 2003), l’apprentissage est un processus transversal et transmodal: transversal car les dynamiques d’apprentissage et de formation doivent être pensées selon une perspective longitudinale qui participe de la transformation qualitative de l’expérience; transmodal car cette dynamique de transformation s’opère du sensible au logique, du corps vers la perception et la cognition. Cette notion d’épreuve est interrogée de manière singulière durant les périodes d’incertitude qui jalonnent le cours de la vie adulte.

L’expérience incertaine peut survenir dans une pluralité de contextes, ceux-ci pouvant relever du formel, de l’informel et du non-formel. L’incertain peut être éprouvé lors d’une transition professionnelle, d’une nouvelle prise de fonction, de la nécessité de se former à une technologie non connue, de l’intégration dans une nouvelle équipe de travail… Toutes ces situations ont en commun de comporter, selon des niveaux variables, des formes d’incertitude qui fragilisent le sol existentiel du monde de la vie.

L’incertain semble même être, comme l’a fait remarquer Boutinet dès 1998, un phénomène persistant de la vie adulte contemporaine, du fait de l’étiolement des repères et de la rapidité des évolutions technologiques associées à l’exercice des métiers, du fait de la désinstitutionnalisation du cours de la vie (Boutinet & Dominicé, 2007).

Pour penser les dimensions éprouvantes, apprenantes et transformatrices générées par l’expérience de l’incertain, une recherche est présentée dans cet article. Conduite en 2020, son enjeu principal a été d’examiner de manière qualitative les formes d’incertitude éprouvées durant la période pandémique qui a frappé le monde en 2020. L’étude proposée comporte trois phases: celle de la caractérisation de l’incertitude selon une approche phénoménologique, pragmatiste et expérientielle ; celle de l’examen des types de rupture d’agentivité générés par cette crise ; celle de la formalisation et de la construction de repères pour penser une éducation aux risques inscrits dans un paradigme relevant de la formation expérientielle et de l’autoformation.

L’expérience de l’incertain: de l’ambiance aux temporalités

L’expérience de l’incertain peut être caractérisée selon différents aspects: il peut s’agir d’une rupture dans les anticipations, une perception diffuse teintée d’étrangeté ou d’opacité. Une première manière de l’appréhender est d’ordre phénoménologique. De ce point de vue, les travaux de Bégout (2005) sur la quotidienneté permettent de spécifier l’irruption de l’incertitude à partir d’une notion: celle du chez-soi. Le foyer est en effet le point nodal d’un processus d’auto-organisation par lequel le quotidien se donne à vivre, selon une alternance qui constitue une quasi-respiration, marquée par le départ du chez-soi et le retour vers le chez-soi, à l’échelle de la journée. Pour Bégout, c’est l’habitude qui fonde le quotidien, ses routines et ses rythmes d’activité, qui tisse la trame temporelle à partir de laquelle le monde est habité, et qui concourt ainsi à domestiquer l’inconnu et l’étrange. L’incertain, selon cette perspective, se caractérise alors par une rupture des rythmes, une fragilisation du sol existentiel, une irruption de l’étrangeté, qui font poindre une inquiétude tonale venant rompre le sentiment d’évidence naturelle à partir duquel se donne le monde de la vie.

Il y a donc, selon la perspective phénoménologique, irruption avec le vécu d’incertitude d’une perception diffuse relevant de l’inquiétude et de l’étrange, du fait de la perte du sentiment d’évidence et de l’érosion des allants de soi. Cette perception discrète doit, pour être saisie, faire l’objet d’une attention particulière. Discrète, car l’ambiance vécue lors de la vie quotidienne se donne sur le mode de l’immédiateté, sans que celle-ci soit notée ou thématisée. Selon Schütz (1943/1987), l’ambiance est « seen, but unoticed » : elle est vécue sans être remarquée, appréhendée sans être thématisée. De ce fait, la modification, la dégradation ou le délitement de l’ambiance s’opèrent également sur le plan du vécu sensible, soit sur le mode antéprédicatif (Begout, 2000). Cette modification s’opère selon un mode diffus, générant un fond tonal marqué par l’appréhension et la menace sur le devenir, faisant obstacle aux processus d’anticipation et venant rompre avec les structures temporelles qui organisent la quotidienneté.

Cette déstructuration des rythmes de la vie quotidienne ne peut être considérée comme une simple désorganisation de l’agenda. Comme l’a montré Pineau, il existe une corrélation entre le développement des capacités d’autoformation et ceux qui relèvent d’une conquête de son temps (Pineau, 2000), soit d’une capacité à synchroniser les rythmes qui régissent les sphères de la vie. Les temporalités de la vie quotidienne sont en effet régies par des dynamiques tensionnelles potentiellement antagoniques. La synchronisation des rythmes sociaux, écologiques, biologiques… n’est pas une option. Elle est une condition du maintien de l’agentivité et de la formation de soi. Vivre la désynchronisation, c’est entrer dans un régime de dépendance particulier: celui de l’aliénation à des rythmes hétéronomes, potentiellement aliénants.

La crise et l’incertitude qui en résulte peuvent donc être pensées selon une perspective temporelle, marquée par la désynchronisation et l’entrée dans un régime de dépendance du fait de l’imposition de rythmes hétéronomes. Cette dynamique de rupture, de déstructuration de l’organisation temporelle personnelle (Grossin, 1996), s’est concrétisée dans la vie quotidienne, à l’échelle mondiale, dans le cadre de la crise pandémique qui a fait irruption en décembre 2019, d’abord en Chine, puis qui s’est déployée sur l’ensemble du globe lors du premier semestre de l’année 2020. C’est ce qui est examiné plus avant dans cet article, à partir de la fragilisation du sol référentiel du monde vécu, et des ruptures d’agentivité qui en résultent.

Ruptures d’agentivité: du problème à l’épreuve

Plus qu’un concept ou une notion, l’incertitude est avant tout, dans le cadre de cette étude, une expérience qui se donne à vivre sur le mode de la fragilité, de la vulnérabilité, de la désorientation. Cette perspective peut cependant trouver son exact opposé, soit un renforcement des croyances confinant au déni, comme cela va être montré lors de l’examen des formes de réactions survenues lors de la période pandémique associée au Covid-19. Avant cela, une seconde perspective peut être mobilisée pour penser l’expérience de l’incertitude, la première étant empruntée des théories phénoménologiques et ayant été exposée dans la section précédente. L’incertitude peut également être pensée selon une perspective pragmatiste, à partir de l’examen des formes d’actions qu’elle rend nécessaires, promeut ou à l’inverse empêche. Plus que sur des ambiances perçues, l’accent est alors mis sur la notion de situation, en relation avec la maxime pragmatiste de Charles Sanders Peirce (1878/1879, p. 248): « Considérer quels sont les effets pratiques que nous pensons pouvoir être produits par l’objet de notre conception. La conception de tous ces effets est la conception complète de l’objet. » Selon cette perspective, l’incertitude se manifeste par une mise en suspens, voire une incapacité momentanée ou durable de percevoir de manière logique et intelligible la configuration des situations.

En d’autres termes, l’épreuve de l’incertitude transforme les configurations situationnelles et génère des ruptures d’agentivité. Il en résulte une déstructuration des pratiques et des modes d’agir qui d’ordinaire se déploient dans le quotidien et qui permettent d’ordonner le monde vécu. Du point de vue pragmatiste, l’incertitude se pense en termes d’actions, sous la forme d’interruptions, pouvant provoquer selon les cas une réduction de l’agentivité, conduisant à transformer les pratiques qui résultent des habitudes d’actions pratiques (Frega, 2011). Cette perspective pragmatiste n’est pas antagonique des thèses promues par Schütz (1943/1987) qui, du point de vue de la phénoménologie sociale, mobilisent la notion de pertinence pour caractériser les structures à partir desquelles le monde de la vie se donne au sujet, qu’il soit pensé à l’échelle individuelle ou collective. La pertinence, à la différence de l’exactitude, relève du jugement en contexte, soit d’une capacité à agir au gré, en fonction du circonstanciel et du contingent. Ce que provoque l’expérience d’incertitude, c’est de ce point de vue une rupture quant aux évidences organisant la perception et les anticipations, cette rupture ayant pour conséquence une entrée dans un monde problématique.

Aussi longtemps que fonctionne le cadre de référence établi, c’est-à-dire le système de nos expériences assurées et celles des autres, aussi longtemps que les actions et opérations effectuées sous sa gouverne donnent des résultats escomptés, nous faisons confiance à ces expériences. Nous ne nous intéressons pas à savoir si ce monde existe réellement ou s’il est simplement un système cohérent d’apparences connaissantes. Nous n’avons aucune raison de jeter un doute sur nos expériences confirmées qui, croyons-nous, nous livrent les choses telles qu’elles sont réellement. Il faut une motivation spéciale pour nous obliger à réviser nos croyances antérieures comme lorsqu’il y a irruption d’une expérience « étrange » que l’on peut subsumer sous la réserve de connaissance disponible ou qui est inconsistante avec elle (Schütz, 1943/1987: 127).

Cette longue citation provenant de la phénoménologie sociale de Schütz (1943/1987) résume les aspects convoqués au cours de l’expérience régie par l’incertitude: rupture des habitudes, irruption de l’étrangeté, remise en cause des allants de soi, impossibilité d’interpréter et de projeter, ambiances teintées de menace et marquées par le risque… Ce sont ces données expérientielles qui se constituent en épreuve dans le cours de la vie, la rupture en résultant pouvant comprendre des durées et des niveaux d’intensité potentiellement formateurs et initiatiques. Cette notion d’intensité est décisive car elle permet de différencier le caractère structurel de l’incertain et du hasard dans le cours des vies avec ce qui fait événement (les crises et catastrophes, par exemple). L’incertitude constitue une dimension structurelle et anthropologique du cours des vies. Il est cependant des configurations biographiques dont l’intensité dépasse le stade du problème à résoudre, et qui se constituent en tant que moments initiatiques pour le sujet.

Certes il arrive parfois que nous rencontrions, dans l’attitude naturelle des échecs, des déceptions qui sont autant de heurts avec la réalité primordiale, de résistance que nous oppose la vie quotidienne. Mais les problèmes pratiques que nous rencontrons au quotidien, s’ils brisent parfois la « chaîne de l’évidence » (selbstverständdlichkeitskette) qui s’y développe en permanence, ne font pas du monde de la vie une réalité problématique en elle-même (Perreau, 2010: 87).

Les moments et périodes de vie marqués par l’épreuve se donnent dans le cours de la vie selon un niveau d’intensité qui dépasse le seuil des problèmes ordinaires à résoudre pour la gestion de la vie quotidienne. Resitués dans une perspective éducative et formatrice, deux types de processus peuvent être différenciés, selon que l’apprentissage est pensé à partir de ce qui est désigné comme une pédagogie du problème (Fabre, 2015) ou d’une formation par l’épreuve (Fabre, 2003 ; Foucault, 1981-1982/2001 ; Pariat, 2015). Si l’apprentissage par le problème réside dans une dynamique de résolution, de résorption et de franchissement, la formation par l’épreuve procède d’une dynamique métamorphique, soit d’une transformation du sujet.

En d’autres termes, se former par l’épreuve, c’est changer d’état, transformer son rapport au monde, advenir différent, voire renaître, du fait de l’expérience du pâtir, parfois du souffrir, aux limites du subir, du fait du maintien et de la transformation de l’agentivité. L’expérience de l’incertain peut ainsi être appréhendée selon différents types d’événements, ceux-ci pouvant relever de l’incident, de l’étonnement, de la surprise, de la sidération, ou à l’inverse de la saturation, du débordement, de l’errance… Il y a donc à appréhender l’expérience de l’incertain en croisant le phénoménologique, le pragmatisme et le biographique, en la pensant de manière temporelle (dans la durée), processuelle (dans son déroulement), et expérientielle (dans sa résonnance tonale). C’est ce qui est réalisé dans la suite de cette étude, qui interroge les dynamiques de formation résultant de la mutation des régimes d’activités et parfois du cours de la vie, du fait de l’irruption soudaine de la pandémie Covid, dans le cadre d’une recherche à l’international mobilisant l’enquête narrative (Breton, 2022a).

L’année 2020: la pandémie Covid-19 comme moment d’entrée dans une incertitude massive et mondiale

C’est au début de l’année 2020, voire durant les tout derniers jours de l’année 2019 à Wuhan, en Chine, que la pandémie Covid s’est déployée, d’abord en Asie, puis sur l’ensemble du globe. Elle a débuté le 30 décembre en Chine lorsque le directeur général du centre chinois de contrôle et de prévention des maladies de la province de Wuhan, nommé Gao Fu, identifie dans des forums internes aux hôpitaux la présence de trois cas de pneumonie d’origine inconnue. La détection des cas va alors se poursuivre, avec au 31 décembre plus de 66 cas repérés. C’est ce qui conduira au confinement de Wuhan (Miguet, 2021), décrété le 23 janvier 2020.

Du point de vue européen, ce confinement chinois apparaît alors à la fois impensable et lointain, ne pouvant être décidé que par un régime autoritaire, capable d’imposer par la force des décisions publiques prises par des autorités non référées à des instances démocratiques. Cependant, lorsque la même mesure est prise pour la première fois en Europe le 27 février, dans le nord de l’Italie, dans le village de Codogno, une bascule se produit et la présence d’une menace concrète se matérialise. En quelques semaines, la connaissance abstraite d’une maladie survenant de nouveau en Asie (Keck, 2020) s’est matérialisée concrètement dans les esprits et sur le sol européen, d’abord sous la forme d’annonces bruyantes dans les médias, puis de décisions inédites enjoignant les voyageurs à rester chez eux en quarantaine au moment du retour, jusqu’à l’assignation au chez-soi sous des formes strictes allant jusqu’à empêcher les déplacements et à fermer l’ensemble des commerces, centres culturels, gymnases, entreprises et administrations… La propagation se poursuivra ensuite en Amérique du Nord et du Sud, par vagues successives, conduisant le monde à vivre aux rythmes de l’expansion, de la contraction et de la propagation pandémique, celle-ci se déployant et se redéployant ensuite au gré des variants: Sars-CoV-2, puis B.1.1.1.7, B.1.357… devenus ensuite Alpha, Bêta, Gamma, Delta

Les données résultant de l’enquête conduite pour cette recherche ont été collectées le 20 juin 2020, lors d’une conférence en ligne dont le déroulement était le suivant: vingt-huit récits d’universitaires d’une durée de vingt minutes ont été enregistrés et filmés. Les questions et consignes adressées à cette occasion aux universitaires résidant dans plus de quinze pays répartis sur cinq continents étaient de réfléchir à la manière dont la pandémie s’était imposée dans leur vie quotidienne (1), de décrire leur vécu du confinement (2), d’examiner les apprentissages générés par cette période (3), de penser ce que la pandémie révélait à l’échelle des domaines socioéconomique et sociopolitique (4). Les textes collectés à la suite du séminaire comportent entre 15 000 et 20 000 signes. Ils sont configurés de manière narrative, tout en comportant des passages thématiques présentés sous la forme d’observations en lien avec l’organisation du système de santé publique, les aspects politiques et sociaux mis au jour, mais surtout des descriptions sur les effets vécus résultant de l’irruption graduelle de la pandémie dans le quotidien.

La singularité de l’enquête conduite réside dans sa dimension synchrone (vingt-huit récits collectés durant une journée unique, le 20 juin 2020) et internationale. L’itinéraire suivi lors de la conférence en ligne est décrit in Tableau 1.

Tableau 1 Itinéraire de la conférence en ligne du samedi 20 juin 2020 (Breton et Lafitte, 2022, à paraître) 

Pays Institution des chercheurs Discipline Horaire
Japon Institut universitaire de Minatogawa
Université de Ritsumeikan (Kobe)
Université de Tohoku (Sendai)
Sciences de l’éducation
Sciences sociales
Psychologie
4 h 30
5 h 00
5 h 30
Hong Kong Université de Hong Kong Linguistique et sciences cognitives 6 h 00
Thaïlande Université de Chulalongkorn, Bangkok Sciences de l’éducation 6 h 30
Inde Université de Madras
Institut français de Pondichéry
Anthropologie
Géographie
7 h 00
7 h 30
Italie Université de Milano, Biccoca
Université catholique du Sacré-Cœur, Milan
Université de Padoue
Sciences de l’éducation 9 h 30
10 h 00

10 h 30
Suisse Université de Genève Sciences de l’éducation 11 h 00
France Université de Tours Sciences de l’éducation 11 h 30
Angleterre Université Christ Church de Canterbury Sciences de l’éducation 12 h 00
Espagne Université de Séville Sciences de l’éducation 12 h 30
Portugal Université de Porto
Université de Lisbonne
Sciences de l’éducation 13 h 00
13 h 30
Maroc Université Ibn Zohr, Agadir Sciences de l’éducation 14 h 00
Brésil Université de Rio
Université fédérale du Minas Gerais (Belo Horizonte)
Université de Brasilia
Université fédérale du Rio Grande do Norte (Natal)
Université d’État de Bahia
Sociologie
Sciences de l’éducation
15 h 00
15 h 30

16 h 00
16 h 30

17 h 00
Argentine Université de Buenos Aires Sciences de l’éducation 17 h 30
Mexique Université de Guadalajara Médecine 20 h 00
Canada Université de Montréa
Université Laval
Sciences de l’éducation 20 h 30
21 h 00

La source: l’auteur (2022).

L’échantillonnage résultant de cette phase d’enquête peut donc être résumé et synthétisé de la manière suivante: vingt-huit textes permettant d’accéder au vécu de vingt-huit universitaires répartis dans quinze pays et sur cinq continents. Chacun des récits porte sur le vécu de la pandémie associé à la période du premier semestre de l’année 2020. L’ensemble de ces textes narratifs a été rassemblé dans un ouvrage intitulé Chronique du vécu d’une pandémie planétaire. Récits d’universitaires, d’Est en Ouest, premier semestre 2020 (Breton, 2020).

Périodisation du phénomène pandémique et régimes de l’incertain

Les données générées par la collecte des récits à la suite de la conférence en ligne du 20 juin 2020 présentent un relief particulier: une partie de ces données est narrative et comporte une dimension temporalisée, une autre est thématique et permet d’éclairer la manière dont le phénomène pandémique a été vécu à l’échelle collective, globale, voire mondiale. Cette forme d’enquête narrative qui appréhende le vécu pandémique de manière narrative, en croisant les échelles individuelles et collectives, permet d’appréhender selon différentes temporalités l’irruption de l’incertitude dans le quotidien par cercles concentriques, en fonction des retentissements générés à l’échelle locale, régionale et mondiale. Cet article étant rédigé en janvier 2022, il est dorénavant possible de temporaliser le phénomène pandémique en procédant de manière rétrospective, la durée appréhendable étant de presque dix-huit mois. C’est ce qui est proposé dans le Tableau 2 ci-dessous.

Tableau 2 Temporalisation et temporalités du phénomène pandémique 

Temporalités du phénomène pandémique Temporalités du vécu quotidien
Période 1
(janvier-juin 2020)
Irruption du phénomène
Principe de propagation du virus et de l’incertitude
Perception d’urgence
Syncope temporelle
Processus de saturation
Période 2
(juillet 2020-juillet 2021)
Circulation du phénomène
Principe d’oscillation entre intensification et réduction de la circulation virale
Oscillation entre l’urgence et la détente
Restauration des structures d’anticipation
Période 3
(juillet-décembre 2021)
Résorption relative du phénomène
Principe d’atténuation
Reconstruction des rythmes
Intégration biographique de l’événement

La source: l’auteur (2022).

La temporalisation proposée comporte trois périodes distinctes. Celle de l’irruption (période 1), celle de la propagation (période 2), et celle de la résorption (période 3). Cette dernière, qui pouvait sembler possible, voire probable en octobre 2021, est de nouveau mise en cause en janvier 2022 du fait de l’irruption du variant Omicron dont la contagiosité semble inédite. Il semble dorénavant nécessaire d’ouvrir une quatrième période dont l’étendue ne peut être définie à ce stade. Pour cet article, le périmètre temporel est donc maintenu à l’échelle de ces trois périodes, trois formes temporelles y étant alors associées: l’irruption et les dynamiques de propagation (période 1) ; la circulation et le principe d’oscillation (période 2) ; la résorption et le principe d’atténuation (période 3). La description du contenu de ces trois périodes est présentée ci-dessous.

L’irruption constitue un type d’événement qui fait effraction dans la trame de la quotidienneté. Concernant la pandémie Covid, cette forme irruptive a pris des aspects variables selon les pays du globe, l’intensité de l’effraction apparaissant corrélée aux réserves d’expériences (Perreau, 2010) déjà disponibles pour appréhender ce type d’événement, aux échelles individuelles et collectives, et spécialement à la culture du risque qui a pu être développée du fait de vécus pandémiques précédemment éprouvés au sein des populations.

Ainsi, plusieurs récits de chercheurs situés en Asie, et notamment ceux ayant participé à l’enquête et résidant au Japon et à Hong Kong, décrivent un phénomène d’irruption qui se déploie sur un fond de connaissances déjà disponibles, ce qui permet un réglage des conduites qui intègrent et conjuguent graduellement les prescriptions provenant des autorités sanitaires avec les modes d’agir singuliers régis par les contingences de contextes dans le vécu du quotidien. Ce fonds de connaissances trouve son origine dans les crises pandémiques déjà traversées par nombre de pays asiatiques (Keck, 2020): Sars-CoV en 2003, H5N1 en 2005, Mers-CoV en 2021… Dans les récits provenant de chercheurs en Europe, l’irruption de la pandémie trouve à se dire sur le mode de la surprise, de la stupeur, voire du fracas. Le rappel de l’événement originel qui marque l’irruption de la Covid en Europe, soit l’identification d’un cluster le 27 février dans le village de Codogno, dans le nord de l’Italie, n’est pas signalé, même dans les récits des chercheurs italiens (Cadei, 2020 ; Galimberti, 2020 ; Pacquola, 2020).

La pandémie est narrée dans ces récits à partir de ce qui, graduellement, advient dans les discours véhiculés par les médias, la progressive saturation des informations se distribuant entre le langage technique des experts en santé publique et les commentaires alarmants des journalistes égrenant les statistiques permettant de mesurer la diffusion du virus, sa circulation au sein des populations, le nombre d’hospitalisations et de décès qui en résultent. Cette aggravation de la situation sanitaire s’accompagne de l’imposition d’un nombre croissant de mesures, venant contraindre les activités, les mouvements, l’agentivité et transformer les modes de vie. Le même processus de sidération est observable, durant cette période, dans les récits provenant des chercheurs situés dans les pays de l’Amérique du Sud (Aloisio Alves, 2020 ; Suarez, 2020) et du nord (Bernard, 2020 ; Pineau, 2020). Ces récits décrivent la progression plus ou moins rapide du niveau de contraintes générées par la mise en œuvre des mesures de restrictions prises par les pouvoirs publics, la transformation des régimes d’activités qui sont marqués par la réduction du périmètre des mouvements et des contacts sociaux, le confinement au chez-soi, le bouleversement des rythmes et l’irruption d’un fond d’ambiance dont la tonalité est menaçante et incertaine.

La période dite de circulation est traversée par une dynamique d’oscillation entre des phases d’accélération de la circulation du virus et d’autres dites de réduction. Les situations décrites dans les récits alternent alors entre des dynamiques d’intensification de l’incertain qui se traduisent par des perceptions d’attente, de bouleversements potentiellement irréversibles, à l’échelle locale, régionale ou mondiale, et des dynamiques de réduction du risque perçu advenant lorsque le pic pandémique est atteint, puis dépassé, et que le sentiment de la crise s’estompe. Cette dynamique d’oscillation est métaphorisée dans les discours par la notion de « vague », celle-ci convoquant les perceptions océaniques (Hulin, 1993) générées par la perte de repères avec celles associées à l’épreuve de la tempête au large. La circulation par vagues virales est donc appréhendée comme la reprise de l’épreuve dans les discours, ce qui fait émerger dans les discours des autorités des tonalités portées à promouvoir les logiques d’affrontement, de traversée et de franchissement, face aux risques de débordement, de submersion et d’engloutissement. Cette période est donc marquée par des phases de flux et de reflux pandémique, ces oscillations résultant de facteurs non hiérarchisés dans les discours: mesures de santé publique, cinétique des pandémies, agir prudentiel des populations… Durant cette période, l’agentivité apparaît réduite, les narrateurs semblant contraints de suivre, voire d’accepter sur le mode de la passivité des règles de conduite hétéronomes sans toujours les comprendre, sans toujours y adhérer, voire en en contestant la pertinence. À l’inverse, pour les pays tels que le Japon, par exemple, dont le niveau de contrainte édicté par les pouvoirs publics reste faible, la charge de l’incertain pèse alors sur la nécessaire prudence quant aux gestes effectués, les conséquences devant être mesurées à court et moyen terme par le sujet lui-même lorsqu’il est en situation de responsabilité (Suemoto, 2020). Cette dynamique oscillatoire transforme le régime de l’incertain au sein des populations, la compréhension des rapports de causalité/corrélation entre les mesures de santé publique, les règles de conduite et l’agir prudentiel au sein des populations restant incertaines, confuses et instables, du fait de la forte variabilité de la situation pandémique.

La période dite de résorption est caractérisée par l’atténuation de la menace, du fait de la chute de la circulation pandémique et de l’émergence de la perception d’une maîtrise du risque dans les récits. Cette perception de maîtrise peut provenir des mesures de santé publique prises, dont l’étendue varie, à partir de 2021, entre des politiques de restriction et les campagnes de vaccination, mais également de scénarios potentiels évoquant le déclin du virus Covid-19, dont la vitalité pourrait s’estomper selon des lois naturelles. La corrélation entre le développement d’une perception de maîtrise dans les discours et la réduction des perceptions d’incertitude apparaît manifeste pour ce qui concerne la pandémie Covid-19, cette réduction se traduisant par la dissolution graduelle des perceptions d’ambiance marquées par le risque et du retour à des modes d’agir semblant retrouver la tonalité de l’évidence naturelle. De ce point de vue, la réduction de l’incertain ne procède pas de l’édification d’un monde restauré mais de la dissolution du doute, de la dissipation de la tonalité menaçante se donnant comme fonds tonal de la quotidienneté. Ainsi, la résorption de la crise peut être lue dans les récits comme l’oubli du doute, la perte de la vigilance, et le retour de la possibilité de s’abandonner sans prudence à l’évidence confortable du monde de la vie trouvant à se naturaliser de nouveau.

Ces trois périodes permettent de modéliser le phénomène pandémique et d’en caractériser les phases, pour en penser les formes d’incertitude générées, selon une perspective dialectique, entre fragilisation du sol de la quotidienneté faisant advenir des perceptions de vulnérabilité et de perte d’agentivité, et dissipation du doute du fait de la restauration des perceptions d’évidence à partir desquelles s’édifie le monde de la vie. Cette tension entre mise en doute de la structure du devenir et mise en suspens du doute permettant la restauration des perceptions d’évidence ouvre des perspectives pour penser une éducation au risque. Savoir agir en situation de crise pandémique semble supposer de développer des modes d’agir prudentiel en situation de risque, ces modes d’agir comportant deux aspects: celui du maintien de l’agentivité malgré l’immersion durable dans des situations marquées par la dépossession d’une partie de l’agentivité, du fait de la nécessité de se conformer à des prescriptions d’ordre sanitaire afin d’endiguer le risque qui s’est actualisé de manière massive ; celui de la mise en œuvre de gestes ajustés et adaptés aux risques se donnant concrètement dans les situations singulières (caractérisées par un risque actualisé mais maîtrisable) et qui suppose un surplus d’agentivité marquée par différentes formes de prudence, à l’échelle individuelle et collective.

Réduction, contraction, expansion des régimes de l’agentivité et rapports au savoir

Outre le risque d’ordre vital associé à la contamination, l’expérience de la pandémie s’est donc concrétisée dans le vécu des chercheurs qui se sont impliqués dans le dispositif d’enquête par une réduction de l’agentivité, celle-ci se contractant ou s’étendant par mimétisme inversé avec la vitalité ou le reflux de l’épidémie Covid. Cette réduction de l’agentivité n’est cependant pas spécifique des phénomènes pandémiques. Elle advient dans le cours de la vie, sur le mode de la perte, de la rupture d’équilibre, de l’effondrement des ressources de l’agir dans différentes circonstances: irruption d’une maladie (Delory-Momberger, 2013), perte d’un emploi générant potentiellement une crise et l’entrée dans un système de dépendance (Bedard, 1983). Ces ruptures d’équilibre advenant dans le cours de la vie peuvent s’avérer cumulatives (Paugam, 2018), s’étendant par capillarité à l’ensemble des sphères de la vie adulte (famille, emploi, relation sociale, relation au corps…), avec pour conséquence de générer des processus de désaffiliation et de marge.

La périodisation formalisée dans la section précédente, destinée à caractériser le phénomène pandémique relatif à la Covid-19, a permis de mettre au jour différentes formes de temporalités, celles-ci générant des configurations influant sur les régimes d’agentivité. Trois formes de contraintes temporelles peuvent être identifiées en relation avec le phénomène pandémique. Ces contraintes temporelles apparaissent agissantes sur l’agentivité, à l’échelle individuelle et collective, par le fait qu’elles induisent des rapports aux savoirs distincts. Ce qui advient lors de la première période de la pandémie est régi par l’expérience de l’urgence, celle-ci se caractérisant par des phases de ruptures rapides, drastiques et radicales de l’agentivité: réduction du périmètre des activités, période d’attente associée à l’atténuation du risque, fond tonal menaçant imprégnant la quotidienneté… Ces ruptures se concrétisent par une transformation des équilibres entre les savoirs expérientiels qui sont développés par chaque personne lorsqu’elles sont confrontées à des problèmes concrets au cours de leur vie quotidienne et les savoirs scientifiques qui résultent d’une démarche expérimentale, méthodique, réglée et reproductible dans le cadre de protocoles validés. Cette redistribution des normes associées aux savoirs selon qu’ils sont pertinents dans des situations vécues et situées ou qu’ils sont validés au regard de protocoles scientifiques peut être examinée à partir des catégories dites des savoirs en première, deuxième et troisième personne (Breton & Rossi, 2017).

Période 1

L’expérience de l’urgence advenant au cours de la première période est induite par des discours fondés sur des savoirs en troisième personne, ceux résultant de l’expertise scientifique des médecins, des épidémiologistes, des virologues, dont la science et les modèles sur lesquels elle se déploie permettent de caractériser la menace et de prédire son déploiement. La caractéristique du risque pandémique est d’être diffus, imperceptible par les sens, les vecteurs de la contamination n’étant pas détectables par les sens. En d’autres termes, la détection et la caractérisation de ce type de risque sont dépendantes des savoirs, des méthodes et des instruments scientifiques.

Les présomptions causales se soustraient par définition à la perception. [...] C’est aussi en ce sens qu’il faut comprendre le caractère invisible des risques. La causalité supposée reste toujours plus ou moins incertaine et transitoire. À cet égard, lorsque l’on prend conscience au quotidien de l’existence des risques, c’est d’une conscience théorique et par là même scientificisée qu’il s’agit (Beck, 2001: 50-51).

Ce qui est généré au cours de cette première période pandémique ne résulte donc pas d’une perception directe du risque dans les récits, sauf pour les récits italiens provenant de Milan (Galimberti, 2020) et de Brescia (Cadei, 2020). Dans la plupart des récits, de manière paradoxale, la perception d’urgence est associée à une perception de menace, qui est d’abord substantielle en tant que contenue dans des discours, des instructions et des démonstrations scientifiques. C’est l’impossibilité d’une appréhension expérientielle de la menace et du risque qui crée la nécessité de se conformer aux prescriptions relevant du domaine scientifique. La rupture d’agentivité qui en résulte relève donc avant tout du domaine de la redistribution des dynamiques tensionnelles dans l’espace social entre les savoirs expérientiels, dont la pertinence est contingente et située, et les savoirs scientifiques, dont la validité est modélisée et modelée selon le design des protocoles.

En clair, face à l’urgence constatée sur des bases scientifiques, fondées sur des modèles théoriques, d’ordre statistique et épidémiologique, les vies individuelles sont mises sous tutelle, cette protection forcée ayant pour conséquence de créer différentes formes de dépendance aux savoirs scientifiques qui font une irruption tout aussi fracassante dans la quotidienneté que le virus lui-même. Durant cette période, il est ainsi demandé au sujet, aux personnes, aux collectifs, de se plier à des règles et d’adopter des comportements dont la pertinence ne se délibère pas ou, plus exactement, pas en amont de leur mise en œuvre. Il en résulte pour les personnes une entrée collective, à l’échelle quasi planétaire, dans un régime du pâtir (Ricœur, 1992/2013), voire du subir, se traduisant par des expériences d’attente et réglées selon des temps hétéronomes, associées à des consignes de prescriptions strictes à mettre en œuvre, selon un régime d’application faisant l’économie de l’apprendre et du comprendre. Dans les récits qui sous-tendent l’enquête réalisée pour cette recherche, ce régime de prescription apparaît massif dans les pays pris au dépourvu par la crise, la vitesse de propagation, ou la prise de conscience tardive de la menace. C’est le cas dans un grand nombre de pays: Hong Kong (Coupe, 2020), Inde (Landy, 2020), Italie (Galimberti, 2020), Espagne (Monteagudo, 2020), Québec (Bernard, 2020).

Période 2

Durant la deuxième période, cette priorisation d’un rapport au savoir fondé sur les modèles théoriques de la science aux dépens de la mobilisation des capacités du sujet à examiner à partir du proche, soit des expériences situées toujours plus complexes et nuancées que les modélisations génériques, est progressivement atténuée. Les effets de contenance générés par l’édiction de règles sanitaires strictes ont durant la première période du phénomène pandémique atteint leur objectif: celui de la décroissance de la circulation pandémique et de l’endiguement des flux d’arrivée de patients dans les hôpitaux. C’est alors que les interrogations éthiques deviennent vives, celles-ci pouvant porter sur les effets désapprenants de la logique de prescription (Matos de Souza, 2020), sur les effets résultant des fausses croyances (Medina-Bernard, 2020), sur les effets catastrophiques des ruptures de dialogue durant la pandémie entre les sphères citoyenne, scientifique et politique (Clementino de Souza, 2020). Durant cette deuxième période, une logique d’hybridation est recherchée, faisant droit à la mobilisation des savoirs concrets des personnes et des catégories de populations qui vivent de manière différenciée la pandémie selon leurs situations respectives (Rusch, 2020). Le desserrement des cadres temporels associé à la reconnaissance de la pertinence d’hybridation des formes de rapport au savoir, entre première, deuxième et troisième personne (Marinker, 1975), permet la mise en œuvre de stratégies plus qualitatives et plus participatives, celles-ci étant de nouveau, au gré du reflux ou de l’afflux pandémique, sujettes à des oscillations se traduisant par la responsabilisation des personnes lorsque les cadres prescriptifs se desserrent ou, à l’inverse, lorsqu’ils se contractent de nouveau, au retour de décisions descendantes prenant la forme de l’injonction.

Période 3

Durant la troisième période, qui s’amorce au début de l’année 2021, le desserrement des cadres prescriptifs est amplifié du fait du déploiement de la campagne de vaccination dans les pays européens, mais également au Brésil, en Amérique du Nord, en Inde, ou en Asie. Des disparités apparaissent selon les régions du globe, ces disparités pouvant être mesurées en fonction du taux de vaccination dans la population générale d’un État, ou du type de vaccin déployé. La baisse de la circulation pandémique s’accompagne d’une transformation du rapport au temps, d’abord pour les autorités sanitaires, qui peuvent constater un reflux des admissions dans les hôpitaux pour cause Covid. Priorité est alors donnée, dans les États ayant usé de la contrainte sur les comportements, à la promotion de politiques fondées sur la responsabilisation, l’apprentissage de gestes prudentiels, et la compréhension de la nature du phénomène pandémique. Cette politique de sensibilisation au risque peut alors se déployer sur un fond d’acquis expérientiels, les populations faisant alors l’épreuve de l’incertitude associée au flux et reflux de la pandémie depuis près d’une année. L’équilibre dans la distribution des logiques tensionnelles entre savoirs scientifiques et savoirs expérientiels, entre savoirs des savants et savoirs de sujets, apparaît modulable selon les États du globe, au gré des évolutions de la situation pandémique.

En effet, la veille conduite à la suite du séminaire de juin 2020 et à la collecte des récits a permis de suivre, selon les zones géographiques, les stratégies de gestion de la crise par les autorités sanitaires respectives des États (Breton & Lafitte, 2022, à paraître). Cette dynamique d’équilibration est à examiner à l’échelle de chaque État, différents paramètres venant influer sur les réglages entre les logiques de prescription provenant des autorités politiques et sanitaires, et les dynamiques d’accompagnement visant l’éducation au risque et le développement des capacités d’action intégrant des logiques prudentielles. Le développement d’une culture du risque au sein des populations apparaît régi par des facteurs d’ordre biographique, historique, sociétal, écologique.

L’épreuve pandémique et les régimes de l’autoformation

Une première synthèse des tensions dialectiques entre les formes du rapport au savoir en relation avec les régimes d’agentivité pour chacune des périodes de la pandémie Covid est présentée dans le tableau ci-dessous. (Tableau 3).

Tableau 3 Rapports au savoir et régimes d’agentivité en situation de menace sanitaire 

Rapports au savoir Régimes d’agentivité
Période 1
Urgence temporelle
(janvier-juin 2020)
Primat d’un savoir en troisième personne, fondé sur les modèles scientifiques: mathématique, statistique, épidémiologique Réduction de l’agir au principe de conformité
Application de règles hétéronomes
Période 2
Desserrement des cadres temporels
(juillet 2020-juillet 2021)
Croisement des savoirs scientifiques relevant de la santé publique et des savoirs expérientiels acquis en situations situées Apprentissage d’un agir prudentiel en situation de menace sanitaire
Intégration des connaissances scientifiques dans l’agir quotidien
Période 3
Réappropriation de son temps
(juillet-décembre 2021)
Construction de stratégies d’intervention alliant le biomédical aux programmes à visée éducative Apprentissage du maintien d’une vigilance prudente dans la durée
Formalisation des savoirs expérientiels pour une participation aux mesures de santé publique

La source: l’auteur (2022).

À partir de ces éléments, l’épreuve vécue du fait de l’irruption de la pandémie Covid relève moins, dans les récits, d’une mise en péril du fait de l’irruption d’une maladie nouvelle que du bouleversement des temps, des ambiances et des régimes d’agentivité. En d’autres termes, ce qui se constitue en épreuve dans le cours de la vie durant ces trois périodes, c’est l’entrée dans un monde devenu problématique, du fait de l’incertitude qui pèse dorénavant sur le quotidien, à court, moyen et long terme. L’entrée dans cette ère que Citton et Ramsi (2020) associent à un effondrement devenu certain est celle de la collapsologie. De nombreuses perspectives de recherches sont dorénavant ouvertes qui croisent l’interdisciplinaire et l’international (Breton & Lafitte, 2022). Pour la présente étude, les croisements opérés entre temporalités, agentivité et rapports au savoir permettent de caractériser des régimes de formation et des pratiques d’éducation au risque en situation pandémique.

La force de l’épreuve générée par le phénomène pandémique dépasse le caractère ordinaire des problèmes inhérents à la gestion de la vie quotidienne. Ce qui apparaît en effet dans les récits, c’est le fait que la totalité des sphères de la vie se trouvent saisies et impactées par la crise sanitaire. Plus que d’un problème conjoncturel dont peut faire l’expérience l’adulte contemporain au cours de sa vie (Rosanvallon, 2021), associé à l’événement résultant de l’irruption du Sars-CoV-2, l’épreuve vécue au cours de la pandémie présente plusieurs particularités: elle prend la forme d’une menace pouvant, dans ses formes extrêmes, provoquer une mise en péril ou une atténuation des forces vitales ; elle se manifeste selon une temporalité et une durée dont l’empan n’est pas donné a priori, voire ne trouvera pas de résolution définitive dans le temps ; elle comporte une dimension collective qui s’impose de manière synchrone à l’ensemble de la planète ; elle génère des formes de réduction de l’agentivité qui présentent, par leur sévérité, par l’isolement social en résultant, voire par les phases d’enfermement rendues nécessaires, un caractère inédit et par certains aspects impensable. Ce sont ces éléments qui, en se donnant selon un processus cumulatif au cours d’une durée longue, sont de nature à rendre le cours de la vie problématique. La forme d’épreuve qui en résulte, du fait de la force, de l’intensité et de la durée du phénomène, est propre à générer des dynamiques de formation d’ordre initiatique. La périodisation en trois phases précédemment exposée n’est en effet pas sans rappeler les trois temps formalisés par Van Gennep (1909/2011) pour classer les rites de passage dans les parcours initiatiques des sociétés traditionnelles, ces trois temps étant les suivants: la séparation, l’épreuve, l’agrégation.

La séparation: pour Van Gennep, tous rites de passage s’amorcent par la prise d’écart avec le groupe d’appartenance, ce qui rend possible le franchissement d’un seuil conduisant le futur initié à vivre en marge de son groupe d’origine. C’est ce qui s’opère durant la première période de la pandémie Covid-19, l’urgence face à la menace conduisant les pouvoirs publics dans la quasi-totalité des pays du globe à interrompre les cours de vie, à inciter ou contraindre à la réclusion chez soi, créant ainsi une rupture et un isolement, un changement de condition de vie marquée par le schème de la séparation d’avec les milieux d’appartenance professionnels et sociaux. De plus, il convient de noter le caractère mondial de l’épreuve, celle-ci étant vécue de manière synchrone à l’échelle du globe. Ce dernier point présente un caractère extraordinaire. Il est propre à créer un comitatus mondial (Turner, 1990), du fait de l’entrée collective et planétaire dans une ère hautement incertaine croisant les enjeux sanitaires et écologiques.

L’épreuve: la traversée de l’épreuve, que Turner (1990) nomme l’« expérience liminaire », est caractérisée par une forme de mise en suspens du cours de la vie et des formes d’appartenance avec les mondes connus. Cette période est celle d’un vécu hors du monde, un vécu de marge.

Elle fait entrer le futur initié dans une société marquée par la marge, le groupe des sujets traversant l’épreuve ensemble - le comitatus, selon Turner (1990) -, ce vécu commun de l’épreuve générant des solidarités entre compagnons de route, ce vécu étant partagé avec les compagnons avec qui l’épreuve est endurée et si possible traversée. Dans les récits collectés, le vécu de marge résulte de la variété des formes d’isolement et de la multitude des problèmes générés par la réduction drastique des modes de circulation et de participation à la vie sociale. Il résulte de cette expérience de la marge des formes de réapprentissage et de l’affirmation de valeurs communes au sein des cercles les plus proches, notamment familiaux (Leal da Costa, 2020), l’invention de nouvelles manières d’exercer le métier et les ingénieries de formation dans l’enseignement supérieur (Papadopoulou, 2020), l’émergence de nouveaux rapports au monde et à la manière de s’y inscrire (Suarez, 2020 ; Pineau, 2020).

L’agrégation correspond dans le modèle des rites de passage de Van Gennep à la sortie de l’épreuve et au changement de statut des sujets initiés qui, l’épreuve accomplie, accèdent à un nouvel état, qui peut être social, ou se concrétiser dans des capacités et des pouvoirs nouveaux. Dans le cadre de la pandémie Covid-19, cette phase est celle qui semble tarder à advenir dans les récits, le décompte des vagues signalant un processus incessant de reprise de l’épreuve, celle-ci se donnant à vivre sur le mode de la répétition, sans que la clôture permette d’atteindre le point d’accomplissement permettant le changement d’état. De ce point de vue, la temporalité de l’épreuve ne trouvant pas son point d’acmé, il semble que ce soient les sociétés humaines qui doivent reconstruire des rituels permettant de redéfinir les balises de ce qui constitue le sol commun et de ce qui caractérise, dans cette ère nouvelle semblant vouée aux catastrophes à répétition, la phase de l’épreuve.

L’appréhension des dimensions formatrices résultant de l’épreuve pandémique reste difficile à caractériser dans les récits. La formation expérientielle (Pineau, 1991) pense la formation comme un processus métamorphique durant lequel le sujet devient autre, lorsque le rite initiatique s’accomplit. Ce processus, admirablement décrit par Conrad (2015) dans son ouvrage La Ligne d’ombre, est vécu par le sujet avant d’être réalisé. À l’image du voyageur qui se découvre transformé lorsqu’il redécouvre le chez-soi au retour (Schütz, 2003) du fait des perceptions d’étrangeté se donnant à vivre au contact d’un milieu initialement régi par l’ambiance de familiarité, le franchissement des épreuves initie le sujet sans que celui-ci ne puisse noter ce qui le transforme et les processus à partir desquels il se transforme. Cette appréhension d’un basculement dans une ère nouvelle reste latente dans les récits collectés pour cette recherche.

Ce qui est manifesté avec force, c’est plus la stupéfaction du caractère soudain du basculement que la lente acclimatation à une vie transformée par les pratiques prudentielles visant à vivre avec un nouveau virus semblant s’être établi dans la biosphère. Cependant, aux côtés des apprentissages relevant d’une éducation aux risques, des signes témoignent d’une prise de conscience concrète de la crise de fond, d’ordre écologique, qui traverse l’ère contemporaine: celle du milieu écologique et de l’anthropocène (Wallenhorst & Pierron, 2019). De ce point de vue, le signal est mondial et permet de rappeler à la collectivité humaine empruntant la voie d’une mondification extrême (Breton, 2022b) la prévalence de rapports au monde orientés vers les logiques de prédation.

En synthèse

La pandémie Covid-19 a généré, durant les vingt-quatre derniers mois, des ruptures d’agentivité conduisant à conjuguer des formes d’apprentissage rendant possible le maintien de l’agentivité avec des processus de formation d’ordre anthropologique, conduisant à conscientiser les modes d’existence et leur impact sur les milieux habités et vécus. Il est cependant possible de considérer qu’elle a surtout révélé à l’humanité que celle-ci était entrée dans une phase marquée tendanciellement par une intensification graduelle du principe d’incertitude, du fait des ruptures d’équilibre advenant en cascade dont les moteurs sont à situer en relation avec la dégradation du milieu écologique (Keck, 2020). Face à ce type de crise, une éducation au risque semble nécessaire, associée à une éducation à l’environnement (Lafitte & Berryman, 2021), ouvrant droit à une transformation relationnelle des modes d’habiter le monde (Berque, 2014).

Sur le plan d’une éducation aux risques, il est possible de considérer que la pandémie aura permis de constituer des connaissances expérientielles précieuses pour le développement de savoirs prudentiels. Le seul rapport au savoir fondé sur la science a montré ses limites durant la première période de la pandémie, en Europe (Dominicé, 2020), mais également en Inde, au Japon, ou au Brésil (Sumathi & Selladurai, 2020 ; Dai, 2020 ; Matos de Souza, 2020). Les questions soulevées par l’application rigide de mesures sanitaires relèvent à la fois de l’éthique et de la pertinence. Le développement d’ingénieries de l’éducation aux risques fondées sur la mise en dialogue des savoirs en première, deuxième et troisième personne semble nécessaire afin de forger différentes formes d’expertise pouvant œuvrer ensemble dans le cadre de cellules de veille et de réseaux sentinelles et de postures d’expertise d’ordre pratique, expérientiel et scientifique. Il s’agit, rien de moins, de reconnaître la pluralité des modes d’acquisition des savoirs, et la parité de valeurs et de pertinence entre les approches situées et les approches expérimentales, entre les savoirs expérientiels et les savoirs scientifiques, afin de constituer du commun durant cette crise, dont l’un des effets est d’initier le monde à la prudence, à la reconnaissance mutuelle, au dialogue avec le milieu écologique.

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Received: August 01, 2022; Accepted: August 30, 2022; Published: September 14, 2022

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