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Jornal de Políticas Educacionais

versão On-line ISSN 1981-1969

J. Pol. Educ-s vol.13  Curitiba  2019  Epub 18-Jul-2022

https://doi.org/10.5380/jpe.v13i0.71776 

Artigos

Inégalités scolaires: structures, processus et modèles de justice Le débat en France au cours des cinquante dernières années

1Sociólogo, professor, coordenador e orientador de pesquisas na Université Bordeaux II e na École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) de Paris, França. Pesquisador do Centre d’Analyse et d’Intervention Sociologiques (CADIS/ EHESS)


Résumé

Depuis la création de l’école républicaine française à la fin du xixe siècle, le mode de production des inégalités scolaires s’est profondément transformé. Alors que les inégalités scolaires étaient la conséquence directe des inégalités sociales, dans l’école démocratique de masse, elles sont aujourd’hui une production continue et un effet d’agrégation de petites inégalités. Au cours du siècle passé, la conception de la justice scolaire s’est aussi profondément transformée sous l’influence du modèle de l’égalité des chances. Aujourd’hui, les contradictions de ce modèle de justice organisent les débats scolaires français.

Mots-clés: éducation; égalité; des chances; inégalités scolaires; inégalités sociales; sociologie de l’école.

Resumo

Desde a criação da escola republicana francesa no fim do século XIX, o modo de produção das desigualdades educacionais foi profundamente transformado. Enquanto, na escola democrática de massas, as desigualdades educacionais eram consequência direta das desigualdades sociais, hoje elas são resultantes de uma produção contínua e de um efeito de agregação de pequenas desigualdades. Ao longo do século passado, a concepção de justiça escolar também foi profundamente transformada sob a influência do modelo de igualdade de oportunidades. Hoje, as contradições desse modelo de justiça conduzem os debates educacionais franceses.

Palavras-chave: educação; igualdade de oportunidades; desigualdades educacionais; desigualdades sociais; sociologia dos sistemas educacionais.

Abstract

Since the creation of the French Republican school at the end of the nineteenth century, the mode of production of educational inequalities has changed profoundly. While educational inequalities were at first a direct consequence of social inequalities, in the mass democratic school system they are continuously produced by an aggregation effect of small inequalities. Over the last century, the conception of educational justice has also been profoundly transformed under the influence of the equal opportunities model. Nowadays, the contradictions of this model of justice structure French debates on education.

Keywords: education; educational inequalities; equality of opportunities; social inequalities; sociology of the school system

Pour la plupart des sociologues, les inégalités scolaires désignent moins les inégalités de résultats et de parcours entre les élèves, les inégalités inter-individuelles, que le fait que ces inégalités-là sont très fortement déterminées par l’origine sociale et culturelle des élèves. Cette « loi » de la détermination plus ou moins rigide des inégalités scolaires par les inégalités sociales est confirmée par les statistiques dont nous disposons (SHAVIT ET BLOSSFELD, 1993). Pourtant, on ne peut pas dire que rien n’a changé. La plupart des pays ayant connu plusieurs décennies d’ouverture des systèmes scolaires et de massification, le mode de production des inégalités scolaires s’est profondément transformé. De nombreux pays ont développé une « démocratisation absolue » : avec l’allongement des études et l’accroissement considérable du nombre des diplômés et des étudiants, un très grand nombre de jeunes accèdent à des biens scolaires dont leurs aînés étaient privés. Mais l’ouverture de l’école est aussi caractérisée par une « démocratisation ségrégative » définie comme le maintien des inégalités scolaires à l’intérieur même du système : inégalités entre les filières et les établissements, inégalités d’apprentissage et de parcours des élèves en fonction des origines sociales. Il importe donc de comprendre comment se produisent ces inégalités alors même que la plupart des systèmes scolaires, et l’école française plus encore, ne cessent d’affirmer leur attachement et l’égalité et à la justice sociale.

L’objectif de cet article n’est pas d’instruire, une fois de plus, le procès des inégalités scolaires en apportant de nouveaux chiffres. Il vise plutôt à mettre en évidence les diverses manières d’expliquer ces inégalités en combinant un raisonnement historique et un raisonnement sociologique. En effet, la sociologie des inégalités scolaires s’est déployée dans des conjonctures scolaires particulières au cours de ce qui s’apparente à une histoire des systèmes scolaires et des problèmes publics associés aux inégalités. Ainsi, la sociologie des inégalités scolaires a vu se succéder des paradigmes qui sont moins des théories concurrentes que des manières de répondre aux problèmes scolaires qui s’imposent au cours des mutations des systèmes scolaires. Par exemple, aux explications exogènes attribuant la cause essentielle des inégalités scolaires aux seules inégalités sociales, se sont substituées des explications plus endogènes essayant d’expliquer les inégalités par le fonctionnement même de l’école. Certains thèmes, comme celui des discriminations entre les filles et les garçons ou entre les minorités et les majorités, ont été quasiment invisibles en France durant une longue période et finissent par s’imposer comme un problème sensible.

Les inflexions de la sociologie des inégalités scolaires ne sont pas seulement corrélées à l’histoire de l’institution scolaire et de ses problèmes, elles sont aussi fortement associées à diverses conceptions de la justice scolaire. Il va de soi que l’analyse des inégalités scolaires repose sur des postulats normatifs si évidents qu’ils n’ont même pas besoin d’être formulés et selon lesquels ces inégalités sont injustes. Or l’injustice des inégalités scolaires peut être définie de plusieurs manières suivant les transformations de l’école. De plus, les principes de justice qui fondent la critique des inégalités scolaires ne sont pas seulement les supports de l’indignation et de la critique, ils ont aussi une dimension cognitive et pratique car ils placent le projecteur sur certaines inégalités et en laissent d’autres de côté. On ne « voit » pas et on ne mesure pas les mêmes inégalités selon que l’on se place du point de vue de l’égalité des chances ou du point de vue de l’égalité des résultats et, en fonction de ces conceptions de la justice, on ne propose pas les mêmes solutions et les mêmes politiques. Cette dimension est d’autant plus décisive que les théories implicites de la justice scolaire engagent la responsabilité des chercheurs qui ne peuvent ignorer les effets sociaux de leurs analyses s’ils ne veulent pas en rester aux seuls délices de la dénonciation.

1. L’ÉCOLE DE CLASSE ET L’ÉLITISME RÉPUBLICAIN

1.1. À CHACUN SELON SON ÉCOLE

Si l’on considère, au prix de bien des simplifications, que la Troisième République a posé les bases de l’école républicaine, il faut revenir à ce moment fondateur tant il pèse sur la mémoire et l’imaginaire scolaires français ; pour beaucoup de citoyens et pour de nombreux intellectuels, cette école incarne toujours un idéal et une sorte d’âge d’or. « L’école de Jules Ferry » affirme le droit à l’éducation de tous par la scolarité obligatoire, et le droit à la même école par des programmes nationaux et une pédagogie « nationale » mise en oeuvre par des instituteurs formés dans les mêmes Écoles normales. Cette école est soudée par un ensemble de valeurs et de principes visant à produire des citoyens éclairés, compétents et partageant le même imaginaire national, les mêmes conceptions de la culture, de la science et du progrès.

Mais en même temps que cette école est portée par un projet universel, elle reste profondément divisée en fonction des sexes et des classes sociales. Il suffit de lire Durkheim pour s’en rendre compte : non seulement la question des inégalités est à peine évoquée dans son oeuvre mais qui plus est Durkheim se méfie des « ambitions excessives » qu’elles pourraient entraîner chez les enfants du peuple (DURKHEIM, 2012 [1925]). À côté de l’école du peuple, l’école de la République, se maintient l’école des élites sociales et scolaires, celles des petits lycées préparant aux études longues et celles des collèges alors relativement élitistes. La bourgeoisie forme les futures élites dans des écoles distinctes et pour reprendre, là encore, les analyses de Durkheim, il convient de bien distinguer l’école primaire, les lycées et les écoles « spéciales », c’est-à-dire les écoles professionnelles. Au fond, le projet universaliste de l’école républicaine se coule dans une société des classes dont elle épouse les clivages sociaux. Elle adhère aussi aux clivages de sexes en séparant les filles et les garçons. Les pères fondateurs de l’école républicaine ne parlent guère d’égalité sociale et moins encore d’égalité des chances.

1.2. L’ÉLITISME RÉPUBLICAIN

Cette représentation est cependant trop rigide car l’école de la République ne veut pas seulement instruire le peuple et former des citoyens, elle a aussi pour objectif de sélectionner les « sous-officiers » de la République, les employés, les fonctionnaires et les professionnels dont l’État et l’économie ont besoin. Avec l’élitisme républicain, le maître doit distinguer les enfants du peuple les plus vertueux, les plus doués et les plus travailleurs, afin qu’ils accèdent à l’École normale et au collège où, grâce au brevet élémentaire, ils deviendront les fonctionnaires de la République. L’élitisme républicain n’est donc pas l’égalité des chances, il repose sur la sélection précoce des élèves qui accèderont aux fonctions intermédiaires dont la nation a besoin. Même si quelques-uns finiront pas rejoindre l’élite de l’élite, il reste que « l’ascenseur social » montait d’autant plus que bien peu d’élèves l’empruntaient. Cependant, les instituteurs étant souvent issus de ce parcours, la croyance dans un large élitisme républicain est devenue une évidence de l’imaginaire scolaire.

Si ce mode de production des inégalités scolaires hante tant la mémoire de l’école française, c’est évidemment à cause de l’idéal universaliste et émancipateur de cette école, mais c’est aussi parce que cette école semblait juste. L’école obligatoire imposait le principe d’une égalité d’accès qui n’avait jamais été aussi pleinement réalisée. Mais, au sein de cet accès commun, les inégalités n’étaient guère contestées parce que la société de classe imposait aux individus l’image des destins sociaux auxquels ils étaient voués par la rigidité de la structure sociale et par la croyance dans les dons. Ainsi, seuls les élèves paraissant exceptionnellement doués pouvaient échapper à leur destin et l’on sait que les instituteurs ont eu parfois du mal à convaincre les parents de la nécessité de « pousser » certains de leurs enfants vers des études longues. Cette représentation de la vie sociale explique pourquoi les syndicats ouvriers ont aussi peu critiqué l’école républicaine et pourquoi ils ont placé leurs espoirs de justice dans les transformations de la structure sociale plus que dans celles de l’école. Quant à la séparation des filles et des garçons, elle était dans l’ordre des choses.

À terme, la représentation de la justice scolaire en termes d’égalité d’accès mesurée par les taux de scolarisation élémentaire et par les taux d’alphabétisation, paraissait parfaitement compatible avec une société de classes séparée par des barrières, à condition d’ouvrir un espace de mobilité auquel pouvaient accéder les meilleurs au nom de l’élitisme républicain (PROST, 1968). Ajoutons que la faible emprise des diplômes sur la majorité des parcours professionnels des individus dans une société où l’on devenait ouvrier, paysan ou « ménagère » sans passer par la réussite scolaire, confortait cette combinaison entre l’école de tous, l’école des élites, et l’école des sous-officiers de la République, celle des boursiers.

2. L’ÉCOLE DE MASSE MÉRITOCRATIQUE

2.1. LA MASSIFICATION SCOLAIRE

Dès les années 1960, en France et dans la plupart des pays industriels et démocratiques, le modèle scolaire se transforme avec l’ouverture du collège et du lycée secondaire et la levée progressive des obstacles économiques aux études longues. C’est à ce moment que la sociologie de l’éducation devient, pour l’essentiel, une sociologie des inégalités de la mobilité sociale (CUIN, 1993). La massification progressive de l’enseignement secondaire, du collège, puis du lycée et de l’enseignement supérieur, change la nature du système scolaire. À l’ancien système scolaire juxtaposant plusieurs écoles selon les origines sociales et le niveau scolaire des élèves, se substitue progressivement une école homogène, ou plus ou moins homogène, dans laquelle le tri des élèves ne se s’opère plus en amont de l’école. Bien sûr, la mise en place de ce système a été relativement longue : amorcée en France en 1958 avec le desserrement du concours d’entrée en sixième, il s’est achevé avec la mise en place du collège unique en 1975. Le nombre des élèves qui poursuivent leurs études ne cesse de croître comme l’indique le taux des bacheliers dans une classe d’âge : autour de 2 % en 1900, il est de l’ordre de 5 % en 1945, de 20 % en 1968, de 35 % en 1985 et s’approche des 80 % aujourd’hui. Contrairement à une idée reçue, cette massification n’a pas répondu à une forte demande sociale ; en la matière, c’est plutôt l’offre scolaire qui a précédé la demande (PROST, 1986) dans une période de croissance économique où la théorie du capital humain (BECKER, 1964) paraissait s’imposer avant que d’être relayée par les politiques européennes de la « société de la connaissance » fondant la croissance sur le niveau de qualification de la population.

La massification de l’enseignement secondaire est aussi portée par une promesse implicite de justice scolaire et sociale. En France, dès la Libération, le Plan Langevin-Wallon souhaitait que tous les élèves accèdent au collège et que le lycée et l’enseignement professionnel soient plus largement ouverts. En levant les obstacles économiques aux études longues dans une période où le travail des jeunes était moins indispensable et en desserrant la sélection à l’entrée au collège, au lycée et à l’université, la massification a été associée à une promesse de justice puisque des biens scolaires réservés jusqu’alors aux héritiers et à quelques boursiers semblaient désormais plus largement accessibles. Cette promesse de justice était d’autant plus crédible que, durant les années de forte croissance, les diplômes ne se sont pas dévalués en se multipliant en raison de la forte demande de main-d’oeuvre qualifiée (BAUDELOT ET ESTABLET, 2000).

2.2. LES MÉCANISMES DE LA REPRODUCTION DES INÉGALITÉS

C’est dans ce contexte que la sociologie de l’éducation devient, pour l’essentiel, une sociologie des inégalités scolaires et une sociologie critique car elle révèle que si la massification scolaire a démocratisé l’accès aux biens scolaires, elle n’a pas réduit l’impact de l’origine sociale et culturelle des élèves sur leurs performances et leurs carrières scolaires. Plus encore, cette sociologie met en évidence un mécanisme social plus profond, à savoir que ce n’est pas seulement « l’argent » qui fait la différence, mais plus encore les ressources culturelles des familles et leurs investissements dans l’éducation scolaire.

La sociologie de l’éducation des années 1960 montre que la massification scolaire engendre une démocratisation « absolue » puisque les taux de scolarisation secondaire et supérieure s’élèvent, mais elle démontre surtout que les inégalités sociales déterminent les carrières scolaires au sein-même de l’école de masse (GIRARD ET BASTIDE, 1963). Non seulement le niveau scolaire des élèves semble déterminé par leurs origines socio-professionnelles, mais le type se scolarité poursuivie et le rapport des élèves à leurs études sont eux aussi fortement corrélés aux inégalités sociales initiales. En France, les travaux de Pierre Bourdieu et Jean‑Claude Passeron (1964), ceux de Raymond Boudon (1973), aux Etats‑Unis, ceux de James Coleman (1966) et de Christopher Jencks (1972), en Grande Bretagne, ceux de Basil Bernstein (1975), aboutissent aux mêmes constats tout en s’appuyant sur des paradigmes différents.

En France, Les Héritiers a été perçu comme un livre fondateur dans la mesure où il met en évidence la fonction inégalitaire des ressources et des orientations culturelles des familles. Alors que les héritiers bénéficient d’une proximité et d’une sorte de complicité culturelle avec le monde scolaire, les boursiers doivent surmonter la distance entre le monde social et familial le monde scolaire. Aussi les boursiers n’atteignent pas les mêmes niveaux scolaires, ne font pas les mêmes études et n’étudient pas de la manière que les héritiers qui maintiennent leurs « privilèges » et leurs accès aux positions scolaires les plus prestigieuses et les plus « rentables ». À terme, les inégalités scolaires reproduisent les inégalités sociales et, surtout, elles légitiment les inégalités issues de la compétition scolaire puisque dans une école de masse ouverte à tous, l’école est a priori la même pour tous. Inscrite dans une théorie générale de l’habitus, du capital culturel et du champ, la théorie de la reproduction a fini par s’imposer dans le monde académique français et aucun étudiant en sociologie ne peut l’ignorer près de 60 ans après la publication des Héritiers. Il faut aussi souligner que ces analyses critiques ont été assez bien acceptées par le monde enseignant car, en insistant sur le rôle déterminant des inégalités sociales, elles « dédouanaient » l’école elle-même de la responsabilité des inégalités.

Les théories de Bernstein centrée sur le rôle des codes linguistiques dans la réussite scolaire sont proches de celles de Bourdieu. Les travaux de Coleman, puis de Jencks, qui ont eu un poids décisif aux États-Unis, soulignent de la même manière, le rôle déterminant de l’origine sociale des élèves et des orientations culturelles des familles. Coleman affirmait alors que la manière la plus sûre de réduire des scolaires restait la réduction des inégalités économiques et sociales en amont de l’école. Toutefois, dans les années 1960, ces sociologues insistent plus que ne le font Bourdieu et Passeron sur le rôle décisif de la concentration des élèves dans des écoles socialement et « racialement » homogènes.

Nous avons pris l’habitude d’opposer frontalement les analyses de Boudon, à celles de Bourdieu. Il est vrai que les deux sociologues s’appuient sur des conceptions de l’action, voire sur des anthropologies, profondément différentes : le premier affirme que les acteurs font des choix rationnels, le second, qu’ils sont « programmés » par leur socialisation et leurs orientations culturelles. Cependant, par des chemins différents, les deux familles théoriques expliquent les mêmes faits puisque l’acteur rationnel de Boudon investit moins dans les études parce qu’il a moins de ressources, les études ayant un coût immédiat et un gain différé, et puisque les bénéfices escomptés des études sont indexés sur la position sociale initiale. Ainsi, pour maintenir leur position ou pour l’accroître, les plus favorisés doivent investir plus que ne doivent le faire les moins favorisés.

Les plus favorisés ont intérêt à investir plus dans les études et à creuser les écarts dit Boudon, mais dans la mesure ou l’habitus est aussi la cristallisation culturelle des intérêts, une manière de dénier les intérêts en les réalisant, il n’est pas certain que la théorie de Bourdieu s’oppose aussi frontalement à celle de Boudon que le suppose quelques décennies de rhétorique sociologique. Dans les deux cas, les inégalités socio-économiques jouent un rôle essentiel et les sociologues démontrent que la massification scolaire n’est pas le triomphe de l’égalité.

Si les sociologues s’accordent généralement sur la nature des mécanismes de production des inégalités scolaires, leurs analyses du rôle de l’école différent sensiblement. Deux grandes conceptions de l’école se sont opposées, en France notamment. Tout un courant s’est efforcé de montrer que la reproduction des inégalités sociales par le biais des inégalités scolaires devait être comprise comme une « fonction cachée » de l’école, comme sa nature profonde. C’est la thèse centrale de La Reproduction (BOURDIEU ET PASSERON, 1970) affirmant que la culture et la forme scolaire entretiennent une complicité cachée avec la culture et les intérêts des classes dominantes, et que la neutralité scolaire, celle des enseignants et des modes d’évaluation, ne serait que le masque de ce lien profond permettant à l’institution de reproduire les inégalités tout en développant l’illusion de son autonomie, voire en développant une critique des inégalités sociales. Dans ce cas, l’école démocratique de masse ne serait pas la « victime » des inégalités sociales puisque tout son fonctionnement concourt à les reproduire et à les légitimer.

Au début des années 1970, Christian Baudelot et Roger Establet (1971) développent une analyse voisine en reprenant le concept althussérien « d’appareil idéologique d’État » : le fonctionnement de l’école, ses curricula, ses pédagogies et ses évaluations organisent la reproduction et à la légitimation de la domination de classe. Inspiré par Coleman, Jencks et la sociologie américaine de la mobilité sociale (SMELSER ET LIPSET, 1966) Boudon considère que l’école fonctionne « comme un marché » dans lequel les acteurs cherchent à optimiser leurs investissements et les utilités. Cette conception n’attribue aucune finalité ou aucune fonction cachée à l’école et Boudon met en lumière deux phénomènes essentiels. Le premier est que la massification provoque une transformation continue de la structure des inégalités scolaires, une fuite vers le haut guidée par la recherche de la rareté et de l’utilité des diplômes, et comme la production des diplômes n’est pas directement corrélée à celle des emplois, la mobilité scolaire n’engendre pas nécessairement une mobilité sociale. Le second mécanisme est celui de l’agrégation des petites inégalités: même faibles, des inégalités constantes se reproduisant à chaque étape sélective des parcours scolaires produisent de grandes inégalités en fin de parcours. Fonction cachée de l’école ou marché scolaire, analyse téléologique de l’institution ou effets pervers de la massification scolaire, les deux paradigmes ont longtemps paru irréductiblement opposés et des générations d’étudiants ont eu à commenter cette opposition.

2.3. CONFIANCE DANS LA MASSIFICATION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

En dépit des perspectives critiques, les années 1960 et pour une part 1970 restent celles d’une confiance dans la massification scolaire. Cette confiance dans l’école est d’autant plus forte que la demande d’emplois qualifiés excède encore la production de diplômés. Baudelot et Establet (2000) rappellent que, dans les années 1960, l’utilité sociale des diplômes s’accroît et que les nouvelles générations de lycéens et d’étudiants entrent dans la vie professionnelle dans des conditions particulièrement favorables. Mobilité scolaire et mobilité sociale structurelle paraissent associées. Autrement dit, plus de jeunes empruntent à la fois l’ascenseur scolaire et l’ascenseur social. Cette première vague de massification scolaire participe d’une période de croissance et d’un moment d’optimisme qui pourra laisser penser à beaucoup que massification et démocratisation scolaires sont nécessairement associées. Pour l’essentiel, si la sociologie de l’école critique les inégalités scolaires, elle soutient le mouvement de massification qui s’accentuera dans les décennies suivantes.

La formation d’une école de masse s’efforçant de sélectionner les élèves en fonction de leur mérite et non plus de leur naissance, comme c’était le cas dans la période précédente où l’élitisme républicain était réservé à une minorité, installe le principe de l’égalité des chances méritocratique comme la principale, puis l’unique, norme de justice scolaire. L’analyse et la dénonciation des inégalités scolaires sont fondées sur un modèle idéal selon lequel l’école devant neutraliser l’influence des inégalités sociales sur les inégalités scolaires, la distribution des performances et des parcours scolaires devrait être « aléatoire » au niveau des individus et représentative de la structure des inégalités sociales au niveau collectif. Dans l’école de l’égalité des chances méritocratiques, la part des élèves favorisés et des élèves défavorisés aux divers niveaux du système scolaire devrait reproduire la part de ces groupes dans la société. Les inégalités scolaires sont alors définies comme l’écart à cette norme : il n’y pas « assez » d’élèves et d’étudiants d’origine peu favorisée dans les meilleures filières et les formations les plus prestigieuses ; il sont « trop » nombreux dans les formations courtes et les formations professionnelles. L’adoption implicite du principe de l’égalité des chances méritocratique interroge moins l’organisation des systèmes scolaires qu’elle ne tient pour acquise le système des hiérarchies scolaires et ses conceptions de l’excellence. En ce sens, les sociologues, y compris les plus critiques, adoptent implicitement la promesse de justice attachée à la massification scolaire.

3. LES MODES DE PRODUCTION DES INÉGALITÉS

Au prix d’une certaine simplification, on peut considérer que la sociologie des inégalités scolaires des années 1960-1970 a été dominée par le thème de la détermination des inégalités scolaires par les inégalités sociales. Qu’elle raisonne en termes de fonction latente de l’école ou de marché scolaire, cette sociologie s’est relativement peu intéressée au fonctionnement même de l’école, à son organisation et à ses interactions. Mais, progressivement, la sociologie des inégalités scolaires entre à l’intérieur de l’institution afin de mettre à jour les mécanismes et les processus de production des inégalités. La sociologie déplace son regard en allant des inégalités de « la demande » - les inégalités socio-économiques -, vers les inégalités de « l’offre », l’organisation et les interactions scolaires. Le modèle de l’égalité des chances se déplace insensiblement vers celui de l’équité scolaire.

3.1. LA SOCIOLOGIE DES « EFFETS »

À partir des années 1980, et notamment de la « nouvelle sociologie » de l’éducation anglaise, les recherches mettent en lumière une série « d’effets » micro et méso qui contribuent à produire des inégalités. Au niveau micro, de nombreuses recherches révèlent le rôle des curricula « cachés », c’est à dire des dimensions sociales et culturelles des enseignements, des implicites qui favorisent les élèves culturellement favorisés et qui défavorisent les autres (FORQUIN, 2008). Ces recherches confirment ainsi l’intuition de Bourdieu, Passeron et de Bernstein sur la « complicité » de la culture scolaire et de la culture des classes dominantes. Au niveau des interactions, les recherches de Robert Rosenthal et Leonore Jacobson (1972) ont initié toute une série de recherche sur « l’effet Pygmalion » à l’école. Ils s’efforcent de démontrer que les attentes implicites des enseignants pèsent sur les performances de leurs élèves : la croyance dans les fortes potentialités des élèves favorise leur progression. Parce qu’ils pensent que les élèves des classes moyennes et des classes favorisées doivent mieux réussir à l’école, les enseignants développent des attitudes exigeantes, confiantes et optimistes qui favorisent la réussite de ces élèves, alors que leur pessimisme à l’égard des élèves défavorisés est défavorable à leur réussite.

De la même manière, des études récentes montrent que les anticipations de performances différent entre envers les filles et les garçons : généralement, on attend des filles qu’elles soient de meilleures élèves, mais on attend des garçons qu’ils soient meilleurs en mathématiques et en sciences (CHABANON ET STEINMETZ, 2018 ; DURU-BELLAT, 1990). Les travaux de Pierre Merle (2018) sur l’évaluation des élèves montrent qu’il existe des biais sociaux dans la manière d’évaluer les élèves et que ceux-ci sont favorables aux élèves culturellement proches des enseignants. De la même manière, à compétences égales, l’orientation scolaire est plus favorable aux élèves déjà favorisés, parce que leurs projets sont plus ambitieux, parce que les enseignants sont plus optimistes sur leur avenir scolaire, parce qu’ils pensent que les parents les soutiendront plus efficacement (DURU-BELLAT, 2002).

Parmi les « effets », les modes de regroupement des élèves semblent jouer un rôle essentiel (DURU-BELLAT, MINGUAT, 1997). Le regroupement des élèves selon leur niveau scolaire dans les mêmes établissements, les mêmes filières et les mêmes classes accentue les écarts de performances et de progressions. Quand ils sont ensemble, les meilleurs des élèves progressent un peu plus que lorsqu’ils sont mélangés avec d’autres : le climat de travail et l’émulation sont favorables aux progressions, les effets Pygmalion sont plus positifs et le niveau d’exigence est plus élevé. Si le regroupement des meilleurs élèves leur est favorable, le regroupement des plus faibles leur est nettement plus défavorable ; ils y perdent beaucoup plus que ne gagnent les meilleurs regroupés dans les mêmes classes. Dans les établissements, les filières et les classes rassemblant les élèves faibles, le temps consacré aux apprentissages est plus court, les exigences et l’optimisme des enseignants sont plus faibles, les résistances des élèves à la culture scolaire se renforcent, etc. Autrement dit, l’école ne fait pas que reproduire les inégalités initiales, elle les accentue ou les réduit par son mode d’organisation.

Plus les sociologues choisissent de « petits objets » et s’éloignent des données statistiques agrégées aux niveau des systèmes scolaires et des sociétés nationales, plus les données statistiques s’affinent aussi, plus la recherche s’intéresse aux distributions et pas seulement aux moyennes. En effet si, « en moyenne », les enfants de cadres réussissent mieux que les enfants d’ouvriers, chaque enfant de cadre ne réussit pas mieux que chaque enfant d’ouvrier et il n’est pas rare que les uns échouent plus qu’ils ne devraient et que les autres réussissent plus qu’ils ne devraient selon les moyennes. Comme on ne peut traiter de ces cas en affirmant que ces exceptions ne sont là pour confirmer les règles, des chercheurs se sont intéressés à ces parcours « déviants » mais pas totalement rares (ZEROULOU, 1988 ; LAHIRE, 1995). Leurs travaux montrent que les attitudes éducatives des familles peuvent s’éloigner de la « moyenne » de leur groupe social, que des circonstances peuvent jouer un rôle décisif et que l’école elle-même peut se mobiliser en faveur d’élèves d’origine modeste mais dont les résultats s’éloignent de la norme attendue.

Il faut comprendre qu’aucun de ces effets n’explique à lui seul les inégalités scolaires. Mais il est raisonnable de penser que l’accumulation de ces petits effets finisse par avoir de grandes conséquences quand ils jouent tous dans le même sens et qu’ils se répètent au fil des années. Non seulement un élève d’origine peu favorisée souffre d’un « handicap » social et culture et d’investissements familiaux dans les études, mais ce « handicap » est accentué par un jeu complexe d’interactions scolaires : cet élève a moins de chances de bénéficier d’un effet Pygmalion positif, il est évalué et orienté de manière moins favorable, il accède moins spontanément aux codes scolaires implicites, il a plus de chances d’être dans des établissements et de classes où tous ces handicaps s’accumulent. Chacun de ces effets renforce les inégalités initiales. La mesure des « effets » ne se réduit pas à une simple évolution des techniques et des objets de la recherche car au modèle de la détermination directe et un peu mécanique des inégalités scolaires par les inégalités sociales dans une école qui n’en peut mais, elle substitue l’idée que les pratiques scolaires elles-mêmes acceptent ou accentuent ces inégalités. Alors que l’égalité des chances méritocratique supposerait une école neutre et objective, ces divers effets montrent que nous sommes loin du compte.

3.2. LES LEÇONS DES COMPARAISONS

En même temps que la sociologie des inégalités scolaires s’est tournée vers l’étude des effets micro, elle s’est progressivement élargie vers les comparaisons internationales. Bien sûr, ces comparaisons existent depuis quelques décennies, mais elles nous sont maintenant familières grâce aux enquêtes PISA. Comparant les acquis des jeunes âgés de 15 ans, elles mesurent le niveau d’efficacité des systèmes en termes d’apprentissage, l’ampleur des inégalités scolaires et la qualité du climat scolaire des différents pays. Si, partout les inégalités socioéconomiques déterminent les inégalités scolaires, le rapport entre les deux types d’inégalités n’est pas mécanique. Ainsi, certains systèmes scolaires sont moins inégalitaires que ce que supposerait l’ampleur des inégalités sociales, alors que d’autres sont plus inégalitaires qu’ils ne « devraient » l’être. Comme la France est dans ce dernier cas, il importe d’expliquer cette distorsion, fort éloignée de l’idéal égalitaire auquel l’école française est attachée.

Les comparaisons ont conduit à mettre en évidence tout un ensemble de caractéristiques susceptibles d’expliquer les écarts d’inégalités scolaires entre les pays, une fois « neutralisé » le rôle des seules inégalités sociales. Nathalie Mons (2007) et la plupart des experts internationaux semblent s’accorder sur un certains nombre de caractéristiques favorables à l’égalité : l’existence d’une scolarité commune jusqu’à seize ans, un système piloté par le centre mais donnant une certaine autonomie aux équipes éducatives, une formation professionnelle des enseignants efficace, un faible taux de redoublement, une faible ségrégation sociale et scolaire entre les établissements, etc. Comme le démontrent Baudelot et Establet (2009), il n’y a pas de contradiction entre l’efficacité et l’égalité. Autrement dit l’opinion selon laquelle la fin des classes de niveau et celle de l’orientation précoce feraient baisser le niveau, n’est pas confirmée par les comparaisons internationales. Ajoutons que les déséquilibres du financement de l’école accentuent les inégalités. Ainsi, l’école française financerait « trop » le lycée et pas assez l’école élémentaire par comparaison avec les pays de l’OCDE comparables et on sait que les politiques de soutien aux établissements les plus « difficiles » sont loin de compenser les avantages des établissements les plus « chics » (MERLE, 2012). On donne généralement plus à ceux qui ont déjà plus.

L’école française est « trop » inégalitaire pour des raisons historiques et culturelles. Il importe de rappeler le poids d’une tradition révolutionnaire et surtout impériale confiant à l’école le devoir de sélectionner les élites de la culture et de l’intelligence qui devaient se substituer aux anciennes aristocraties de la naissance. Ce fut là le rôle des « Grandes Écoles », des classes préparatoires et des concours. S’il va de soi que tous les systèmes scolaires visent à dégager une élite, l’école française se distingue par le fait que la production de l’élite détermine tout le système : programmes ambitieux, notation de 0 à 20 qui classe plus qu’elle n’évalue, juxtaposition des Grandes Écoles et des universités, passions pour les concours, orientation négative vers l’enseignement professionnel, etc.

Paradoxalement, chacun ayant le droit d’accéder à l’élite, le modèle de l’élite s’impose à tous comme une norme centrale (DUBET, 1991 ; CAHUC ET AL., 2011). À cette caractéristique, il convient d’ajouter la forte emprise des diplômes sur l’accès à l’emploi et les niveaux de rémunération (DUBET, DURU ET VERETOUT, 2010). Or, plus les diplômes jouent un rôle décisif dans le destin professionnel des individus, plus ceux-ci ont intérêt à rechercher les diplômes les plus rares et les plus sélectifs. Même quand la compétition scolaire semble plus juste que la compétition économique, plus l’emprise des diplômes est élevée, plus la concurrence scolaire s’accroît et plus les inégalités scolaires sont fortes.

3.3. LES CHOIX INÉGALITAIRES

Dans la conception traditionnelle de la reproduction scolaire, les acteurs se laissent porter par leur capital culturel et leur habitus qui suffiront à faire les différences. Mais avec la massification et l’accroissement de la concurrence qu’elle implique pour l’obtention des diplômes les plus prestigieux et les plus rentables, il ne suffit plus, pour les favorisés, de faire uniquement confiance à sa naissance et au fonctionnement « normal » de l’école, il faut agir et se mobiliser pour accroître les chances de succès des enfants. De ce point de vue, la « demande » scolaire d’une partie des familles est inégalitaire et elle l’est d’autant plus que la massification a accentué la concurrence dans l’école.

Les choix scolaires des familles françaises sont assez bien connus. Non seulement la carte scolaire recouvre assez largement les inégalités sociales mais les choix résidentiels des familles tiennent souvent compte de la « qualité » supposée des établissements du secteur. Depuis les années 1980 (BALLION, 1982 ; OBERTI, 2007 ; VAN ZANTEN, 2009 ; VISIER ET ZOÏA, 2009), de nombreuses recherches observent les choix et les stratégies des familles. Quand l’établissement du secteur ne convient pas, les parents essaient d’aller dans un autre établissement public par le jeu des filières « rares » et des dérogations, parfois grâce à des adresses de complaisance, ou bien ils se tournent vers l’enseignement privé socialement plus privilégié que l’enseignement public (MERLE, 2012). Alors qu’environ 20 % des élèves sont scolarisés dans le privé à partir du collège, 40 % des élèves passent par le privé. Les familles qui le peuvent circulent donc entre le public et le privé et sein de l’enseignement public.

Les choix de famille relatifs à la qualité des établissements repose moins sur des indicateurs objectifs de « qualité » des établissements fournis par l’institution que sur des éléments de réputation : filières « rares » mais, surtout, origines sociales des élèves, nombres d’immigrés, etc. La réputation tient aussi à « l’effet établissement » réel ou supposé : dynamisme et stabilité de l’équipe éducative, moindre incivilités, etc. Mais dans la plupart des cas, la volonté de s’éloigner des établissements les moins favorisés compte plus que le désir de s’approcher de l’excellence. D’ailleurs, dans les grandes villes françaises, les familles de classes moyennes et supérieures qui acceptent de vivre dans les quartiers populaires auxquels ils trouvent un certain charme, répugnent cependant à la mixité scolaire qui compromettrait à leurs yeux l’avenir scolaire de leurs enfants.

Au bout du compte, les choix des familles accentuent les inégalités scolaires puisque les meilleurs des établissements attirent les meilleurs des élèves, qui sont aussi souvent les plus favorisés, ce qui a pour conséquence de concentrer les élèves les plus faibles et les plus défavorisés dans les établissements les plus fragiles. Mais dans la mesure où la carte scolaire ne garantit pas l’égalité et où elle peut être perçue comme une injustice supplémentaire par les familles populaires qui s’en sentent prisonnières, il est difficile de résister à une demande inégalitaire. Les établissements privés n’y résistent guère, mais il n’est pas rare que les établissements publics cherchent aussi à attirer les meilleurs élèves par le jeu des options rares et sélectives.

Il semble que cette demande inégalitaire ne cesse de s’étendre. Elle n’est plus le monopole des classes sociales les mieux placées et des « initiés » qui s’orientent aisément dans les dédales de l’école. Plus cette demande s’élargit, plus les groupes sociaux « prisonniers » du système voient leur position scolaire se dégrader de manière relative (VAN ZANTEN, 2001). Les politiques scolaires égalitaristes semblent alors se heurter à la sourde opposition de ceux à qui bénéficient le système des inégalités et qui menacent de choisir l’exit vers l’école privée et des écoles alternatives explicitement élitistes selon un mécanisme que Richard Breen et John H. Goldthorpe (1997) avaient anticipé comme une conséquence « perverse » de la démocratisation scolaire.

Avec la sociologie des processus, la norme générale de l’égalité des chances conduit à interroger l’équité des pratiques et des modes d’organisation scolaires. Ce glissement pousse la position critique à se rapprocher de l’expertise suggérant de transformer les fonctionnements scolaires. On s’interroge sur l’équité des procédures d’orientations, sur les biais sociaux des pédagogies et des modes d’évaluation, sur les modes de regroupement des élèves, bref sur un ensemble de pratiques sur lesquelles il serait possible d’agir alors que les analyses structurelles des années 1960 et 1970 surplombaient trop la vie scolaire elle-même pour que la sociologie puisse jouer le rôle de conseiller du prince. La sociologie des effets et des processus participe d’autant plus des débats et de la construction des politiques scolaires que, à la suite des « chocs Pisa », ces politiques se réclament de la science, de l’évaluation et des mesures quantitatives. L’équité n’est plus seulement un critère de justice, elle devient un ensemble de dispositifs.

4. INÉGALITÉS ET DISCRIMINATIONS

Dans quelle mesure les inégalités scolaires sont-elles le produit de discriminations? Plus nous adhérons à l’égalité des chances, plus cette question s’impose à nous (DUBET, 2010). Cependant, la définition des discriminations n’est pas aussi simple qu’il y paraît car il importe de les distinguer des seules inégalités. Les inégalités sociales procèdent des ressources et des conditions de vie des individus, les discrimination s’enracinent dans les identités réelles ou supposées des individus, même quand ils sont socialement égaux par ailleurs. Les discriminations reposent sur un traitement a priori inégalitaire des individus en fonction de caractéristiques identitaires tenues pour « naturelles », notamment le sexe et la culture, sur ce que la sociologie américaine définissait comme une ascription. Évidemment, il est assez difficile de distinguer empiriquement les inégalités sociales et les discriminations car un grand nombre d’individus sont à la fois socialement inégaux et discriminés. Cependant, on peut essayer de savoir ce qu’il en est des discriminations à l’école en examinant le cas des filles et celui des enfants issus de l’immigration. Sont-ils, à l’école, victimes de stéréotypes négatifs engendrant des inégalités spécifiques ?

4.1. LA SITUATION PARADOXALE DES FILLES

Au cours du long processus de massification scolaire, les filles ont gagné plus que les garçons (BAUDELOT ET ESTABLET, 1992 ; DURU-BELLAT, 1990). Les filles font des études plus longues que les garçons, elles accèdent aux formations où elles étaient minoritaires et parfois, comme en médecine et en droit, elles y sont désormais majoritaires. De manière générale, elles ont de meilleurs résultats scolaires que les garçons, à l’exception des matières scientifiques (Éducation et Formation, 2018). Les filles semblent aussi mieux accueillies à l’école que les garçons ; elles sont moins souvent punies et elles décrochent moins que les garçons. Durant le demisiècle passé, grâce à l’école, le taux de femmes salariées s’est élevé, notamment dans les emplois qualifiés et souvent dans des secteurs jusque là réservés aux garçons. A priori, les filles ne semblent donc pas être discriminées à l’école, les classes sont mixtes et le corps enseignant est très largement féminisé.

Cependant, la question des discriminations se pose car, comme l’écrivent Baudelot et Establet (2009), l’école se caractérise par « la supériorité des filles et la domination des garçons ». L’analyse des parcours et des orientations montre que si les filles sont égales aux garçons, voire « plus égales », les deux sexes ne choisissent pas les mêmes formations dans l’enseignement professionnel, au lycée et dans l’enseignement supérieur. En ce sens, l’égalité des sexes n’empêche pas le maintien des clivages de genre entre les formations. Tout se passe comme s’il y avait toujours des formations et des parcours féminins et masculins. De manière générale, les formations féminines conduisent vers des emplois moins bien rémunérés, orientés vers les personnes et les services, que ne le sont les emplois masculins, orientés vers les sciences et les techniques. Même avec des performances scolaires supérieures, les filles choisissent des formations moins « rentables » que celles des garçons.

Toute la question est de savoir quel rôle joue l’école dans les choix des filles et des garçons. On peut penser que ces choix sont commandés par l’image que les élèves ont des activités professionnelles auxquelles ils se destinent : métiers de femmes et métiers d’homme. Rappelons que seulement 20 % des activités professionnelles peuvent être tenues pour mixtes, c’est-à-dire occupées par des taux de 40 % à 60 % de femmes ou d’hommes. Les métiers de femmes paraissant plus compatibles avec les responsabilités familiales qui les attendent, puisqu’elles savent bien que le soin de l’éducation des enfants pèsera plus sur elles que sur les hommes (MOLLER OKIN, 2008 [1989]). Dans ce cas, les discriminations scolaires pèsent moins que les anticipations des inégalités des rôles familiaux intégrés par les individus. On peut cependant se demander si l’école elle-même ne participe pas à cette discrimination latente en entérinant les clivages et les stéréotypes de genre. Bien des recherches mettent en évidence la force de ces représentations : choix des jeux, anticipations contrastées des performances selon les disciplines et les sexes, conseils d’orientation distincts, etc. De nombreux dispositifs sont mis en oeuvre pour lutter contre ces stéréotypes, mais il reste que dans les pays qui font le plus en ce domaine, les clivages de genre qui structurent le monde du travail et l’organisation de la vie familiale paraissent peser plus lourdement que les discriminations scolaires proprement dites.

4.2. LE CAS DES MINORITÉS

Quand il existe de fortes concentrations d’enfants issus de l’immigration et des diverses minorités dans les établissements, les discriminations sont vécues comme une évidence par de nombreux élèves. Souvent rassemblés dans les mêmes établissements, les mêmes filières et les mêmes classes, ils pensent qu’ils sont discriminés de manière intentionnelle par une école d’autant plus « raciste » à leurs yeux que leurs enseignants ne vivent pas dans les mêmes quartiers et n’ont pas les mêmes origines qu’eux (DUBET ET AL., 2013 ; GALLAND ET MUXEL, 2018)

Dans les établissements regroupant les élèves issus des minorités et des quartiers « difficiles », et connaissant souvent de lourdes tensions entre les élèves et l’école, le thème des discriminations s’est imposé comme une évidence. Que ces élèves subissent une ségrégation ne fait pas de doute, mais toute la question est de savoir si cette situation procède d’une discrimination intentionnelle, ce que les élèves vivent comme du racisme, ou si elle découle de l’agrégation de processus inégalitaires. Ces mécanismes inégalitaires expliquent très largement la concentration des élèves de mêmes origines. En premier lieu, ils sont déjà sur-représentés dans les mêmes quartiers et donc dans les mêmes écoles. À ceci s’ajoute le fait que les élèves qui le peuvent fuient ces écoles, ce qui accentue encore la concentration des élèves les plus défavorisés, en sorte que les écoles sont davantage ségréguées que les quartiers où elles sont implantées (FELOUZIS, LIOT ET PERROTON, 2005).

Ensuite, ces élèves ayant, pour des raisons socio-économiques et parfois pour des raisons tenant aux difficultés inhérentes aux parcours migratoires, plus de difficultés scolaires, ils se retrouvent dans les classes et les formations réservées aux élèves les plus faibles. Or nous savons que ces classes accentuent la faiblesse du niveau et les attitudes anti-scolaires. La ségrégation résulte donc d’un processus de « distillation fractionnée ». Notons a contrario que les origines étrangères ne jouent pas un rôle décisif quand les élèves bénéficient de bonnes conditions de vie et sont scolarisés dans les établissements de classes moyennes (VALLET ET CAILLE, 1996).

Cependant, à ces mécanismes inégalitaires « classiques » s’ajoutent des facteurs que l’on peut sans doute attribuer aux discriminations proprement dites (DHUME, 2011). Il n’est pas exclu qu’un effet Pygmalion négatif joue contre les enfants des minorités dont on anticipe les difficultés scolaires. De la même manière, comme pour les filles, les élèves peuvent être orientés vers des formations ouvrant vers des professions réputées plus adaptées aux enfants des minorités qui n’ignorent pas qu’ils se heurteront à de fortes discriminations à l’emploi, comme le montrent à la fois les statistiques du chômage et les enquêtes de testing. On sait aussi que les élèves issus de l’immigration et des minorités ont de grandes difficultés à obtenir des stages et des contrats d’apprentissage et qu’ils peuvent anticiper ces obstacles en s’orientant vers les professions, souvent peu qualifiées, qui leur sont plus ouvertes. Associées aux mécanismes ségrégatifs, ces attitudes expliquent aisément la force du sentiment de discrimination manifesté par les élèves : quand nous nous retrouvons tous ensemble dans les mêmes établissements et dans les mêmes formations, on imagine aisément qu’une « volonté » de discrimination explique cette situation.

CONCLUSION

La production des inégalités scolaires peut être décrite comme l’emboîtement de deux grandes logiques. La première est un effet de structure selon lequel les inégalités scolaires reproduisent plus ou moins exactement les inégalités socio-économiques. Ce mécanisme structurel se décline selon deux grandes perspectives, celle des capitaux culturels et celle de stratégies des acteurs ; perspectives moins antagoniques qu’on ne le croit souvent. La seconde logique est celle des effets scolaires, c’est-à-dire la manière dont l’organisation et les interactions scolaires produisent les inégalités. Ici, la sociologie entre dans les établissements, dans les classes et dans les relations scolaires. Dans tous les cas, la sociologie des inégalités scolaires est construite autour de la norme de l’égalité des chances méritocratique qui apparaît comme un principe de justice incontestable dans les sociétés postulant l’égalité fondamentale des individus.

Cependant, les déceptions associées au long mouvement de massification scolaire devraient nous conduire à interroger ce principe de justice, non pour en contester les fondements, mais pour en souligner les paradoxes et les difficultés. Il importe d’abord de rappeler que l’égalité des chances méritocratique vise moins l’égalité scolaire que l’établissement d’inégalités justes, d’inégalités incontestables car fondées sur le seul mérite. Or ce principe de justice exige de l’école une vertu dont elle est incapable, ne serait-ce que parce qu’elle est dans la société et parce que les acteurs « préfèrent » les inégalités. Ce principe est aussi « cruel » dans la mesure où, s’il légitime le succès des vainqueurs de la compétition scolaire, il justifie aussi l’échec des vaincus qui sont perçus et se perçoivent souvent comme les responsables de leurs échecs. Ceci n’est pas sans effets sur l’estime de soi des élèves concernés et parfois sur leur hostilité à l’encontre d’une école qui, à leurs yeux, les intègre pour les invalider. Enfin, l’égalité des chances méritocratique est toujours guidée par un tropisme élitiste : puisque chacun a le droit, voire l’obligation, de prétendre accéder à l’élite, on est toujours tenté de mesurer les inégalités par le taux d’accès des plus défavorisés aux formations élitistes, quitte à oublier la concentration de ces élèves dans les formations les moins rentables et les moins prestigieuses.

Au terme d’un demi-siècle de massification scolaire portée par l’idéal de l’égalité des chances, la sociologie devrait être sensible à d’autres principes de justice. Le premier est celui de l’égalité des résultats considérant que l’école juste est aussi celle qui donne à tous les élèves des compétences et des connaissances communes (DUBET, 2004). Il ne s’agit pas seulement d’un point de vue, mais aussi d’une orientation politique conduisant à consacrer plus de ressources à l’école commune qu’à celle qui distingue et qui sépare. Le second principe, dérivé de la théorie des sphères de justice de Michaël Walzer, appelle l’égalité des utilités. En effet, par le prisme de l’égalité des chances, on est tenté de considérer que les inégalités sociales issues d’inégalités scolaires tenues pour justes seraient justes à leur tour. Or, rien n’est moins sûr, dès lors que certains diplômes fonctionnent comme des rentes, quand d’autres ne sont guère utiles (BEAUD, 2002 ; DELES, 2018 ; DURU-BELLAT, 2008). Si la justice consiste à séparer les sphères d’activités afin que les inégalités ne s’agrègent pas, il ne faut pas s’interroger seulement sur les effets scolaires des inégalités sociales, mais il faut aussi analyser les conséquences sociales des inégalités scolaires, ce que les économistes font aujourd’hui plus volontiers que les sociologues.

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Received: November 2019; Accepted: November 2019; Published: December 2019

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François Dubet, «Inégalités scolaires: structures, processus et modèles de justice», Revue européenne des sciences sociales [En ligne], 57-2 | 2019, mis en ligne le 01 janvier 2020, consulté le 06 janvier 2020. URL: http://journals.openedition.org/ress/5736;DOI:10.4000/ress.5736

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