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Revista Práxis Educacional

versão On-line ISSN 2178-2679

Práx. Educ. vol.17 no.44 Vitória da Conquista jan./mar 2021  Epub 07-Jul-2022

https://doi.org/10.22481/praxisedu.v17i44.8013 

DOSSIÊ TEMÁTICO: Vitalidade do sujeito e poder de formação: narrativas autobiográficas em diálogo

LA NARRATION DU VÉCU À L’ÉPREUVE DU « PROBLÈME DIFFICILE » DE L’EXPÉRIENCE : ENTRE MÉMOIRE PASSIVE ET HISTORICITÉ

1Université de Tours, EA7505 - France herve.breton@univ-tours.fr


Résumé :

Zahavi, dans un article intitulé « Intentionnalité et phénoménalité : un regard phénoménologique sur le “problème difficile” » paru en 2015, interroge les rapports dialectiques à l’œuvre entre conscience, mémoire et vécu. Le problème difficile de la conscience peut être résumé ainsi : s’il est relativement simple d’appréhender les contenus de l’expérience, les effets expérientiels vécus semblent en revanche hors d’atteinte du champ attentionnel, et, par voie de conséquence, au travail narratif fondé sur la mise en mots. L’expérience se donnant à vivre sur un mode « présentationnel », elle en effet d’abord vécue et retenue de manière passive avant d’être appréhendable de manière réfléchie et saisissable en tant qu’objet de pensée. Cette différenciation entre « contenus de l’expérience » et « effets expérientiels éprouvés » constitue selon le terme proposé par Zahavi, un « fossé explicatif ». En pensant les conditions d’un dépassement de ce fossé dans le cadre d’une épistémologie du narratif, cet article examine les processus et temporalités du passage de l’expérience au langage du point de vue phénoménologique et biographique. S’interroger sur les modalités par lesquelles les pratiques narratives participent de la mise en mots des contenus de l’expérience (le thétique), mais également des effets éprouvés au contact de ces contenus (l’expérientiel), c’est examiner les possibilités d’expression des dimensions formatrices de l’expérience en les situant à l’interface de la mémoire, du corps, et du dire.

Mots clés : expérience formatrice; microphénoménologie; narration

Resumo:

Zahavi, num artigo intitulado “Intencionalidade e Fenomenalidade: um Olhar Fenomenológico sobre o ‘Problema Difícil’”, publicado em 2015, questiona as relações dialéticas existentes entre consciência, memória e experiência. O difícil problema da consciência pode ser resumido da seguinte forma: embora seja relativamente simples apreender o conteúdo da experiência, os efeitos experienciais vividos parecem, por outro lado, estar fora do alcance do campo atencional e, consequentemente, do trabalho narrativo fundado nas palavras. Uma vez que a experiência é dada para ser vivida de uma forma “apresentacional”, ela é primeiramente vivida e retida passivamente antes de ser apreendida de uma forma reflexiva e compreensível como objeto de pensamento. Esta diferenciação entre “conteúdo da experiência” e “efeitos experienciais experimentados” constitui, segundo o termo proposto por Zahavi, uma “lacuna explicativa”. Ao pensar nas condições para superar esta lacuna no quadro de uma epistemologia da narrativa, este trabalho examina os processos e as temporalidades da transição da experiência para a linguagem, do ponto de vista fenomenológico e biográfico. Questionar as modalidades pelas quais as práticas narrativas participam da expressão em palavras dos conteúdos da experiência (o teórico), mas também dos efeitos experimentados no contato com esses conteúdos (o experiencial), é examinar as possibilidades de expressão das dimensões formativas da experiência, situando-as na interface entre memória, corpo e fala.

Palavras chave: experiência formativa; microfenomenologia; narrativa

Abstract:

Zahavi, in an article entitled "Intentionality and Phenomenality: A Phenomenological Look at the 'Difficult Problem'" published in 2015, questions the dialectical relationships at work between consciousness, memory and experience. The "hard problem" of consciousness can be summarized as follows: while it is relatively simple to apprehend the contents of experience, the experiential effects

experienced seem, on the other hand, to be beyond the reach of the attentional field and, consequently, of narrative work based on putting things into words. Althought this differentiation between "content of experience" and "experienced experiential effects" constitutes, according to the term proposed by Zahavi, an " explicative gap ". By thinking about the conditions for overcoming this gap within the framework of an epistemology of narrative, this paper examines the processes and temporalities of the transition from experience to language from a phenomenological and biographical point of view. The paper examines the processes and temporalities of the transition from experience to language from a phenomenological and biographical point of view. To question the modalities by which narrative practices participate in the putting into words of the contents of experience (the thetical), but also of the effects experienced in contact with these contents (the experiential), is to examine the possibilities of expression of the formative dimensions of experience by situating them at the interface of memory, the body, and speech.

Keywords: learning experience; microphenomenology; narration

Resumen:

Zahavi, en un artículo titulado "Intencionalidad y fenomenalidad: una mirada fenomenológica al 'difícil problema'" publicado en 2015, cuestiona las relaciones dialécticas que funcionan entre la conciencia, la memoria y la experiencia. El difícil problema de la conciencia puede resumirse de la siguiente manera: mientras que es relativamente sencillo captar el contenido de la experiencia, los efectos experienciales experimentados parecen estar más allá del alcance del campo de atención y, por consiguiente, del trabajo narrativo basado en la puesta en palabras. Dado que la experiencia se vive de manera "presentacional", primero se vive y se retiene de manera pasiva antes de ser aprehendida de manera reflexiva y comprensible como un objeto de pensamiento. Esta diferenciación entre "contenido de la experiencia" y "efectos experimentales experimentados" constituye, según el término propuesto por Zahavi, una "laguna explicativa". Pensando en las condiciones para superar esta brecha en el marco de una epistemología narrativa, en este trabajo se examinan los procesos y temporalidades de la transición de la experiencia al lenguaje desde un punto de vista fenomenológico y biográfico. Cuestionar las modalidades por las que las prácticas narrativas participan en la puesta en palabras de los contenidos de la experiencia (lo teórico), pero también de los efectos experimentados en contacto con esos contenidos (lo vivencial), es examinar las posibilidades de expresión de las dimensiones formativas de la experiencia situándolas en la interfaz de la memoria, el cuerpo y el habla.

Palabras clave: experiencia formativa; microfenomenología; narración

Zahavi, dans un article paru en 2015 et intitulé « Intentionnalité et phénoménalité : un regard phénoménologique sur le “problème difficile” », réinterroge la distinction opérée par Chalmers (1995) pour penser la conscience et, par extension, le rapport entretenu avec le sujet avec son expérience. Le problème difficile de la conscience peut être résumé ainsi : s’il est relativement simple d’appréhender les contenus de l’expérience, les effets vécus au contact de cette expérience sont en revanche « transparents » pour le sujet. L’expérience se donne à vivre sur un mode « présentationnel ». Elle est d’abord vécue avant d’être appréhendée par la pensée, saisie par la réflexion, caractérisée dans ses composantes. Resitué dans une réflexion sur les conditions nécessaires à l’édification d’une épistémologie du narratif, cette différenciation entre « contenus de l’expérience » et « effets éprouvés au cours de l’expérience » constitue un « fossé explicatif » (ZAHAVI, 2015, p. 80). Ainsi, la différenciation produite par Dilthey (1910/1988) entre « l’expliquer » et « le comprendre » se trouve interrogée d’une manière singulière : « D’un côté, nous avons affaire à des fonctions cognitives, lesquelles peuvent apparemment être expliquées de façon réductive, tandis que, d’un autre côté, nous avons affaire à un ensemble de qualités expérientielles qui semblent résister à cette explication réductive » (ZAHAVI, 2015, p. 80). La prise en compte du fossé explicatif dans le domaine de la narration du vécu conduit à s’interroger sur les régimes et procédés narratifs qui permettent d’explorer les contenus de l’expérience (actions, pensée, réflexion) mais également les effets vécus au contact de ces contenus (impression, sensation, perception) ainsi que le retentissement de ces effets dans le cours de la vie du sujet (propagation des effets dans le temps, à l’échelle biographique).

Le « problème facile » de l’expérience au cours de la narration

Narrer l’expérience déjà vécue à partir de ses contenus sollicite la « mémoire réfléchie » du sujet. Cette dynamique de remémoration permet la mise en mots de domaines de l’expérience qui relèvent de la vie intentionnelle du sujet (en l’occurrence, le narrateur). En effet, l’expérience sédimentée en souvenir pouvant être appréhendée et saisie de manière directe est associée à la vie intentionnelle. Selon cette perspective, les contenus de l’expérience constituent « l’ensemble des données de l’expérience retenues par le sujet dans le présent vivant et pouvant être saisies par la pensée dans l’après-coup ». Ces souvenirs sédimentés sont ainsi disponibles pour un travail de réflexion, d’examen ou d’analyse sans nécessité d’évocation ou d’éveil du souvenir. L’accès à ces contenus de l’expérience lors de l’activité narrative ne présente pas de difficulté importante pour les raisons suivantes : les éléments retenus et gardés en mémoire sont associés à la sphère de la vie intentionnelle. Ainsi, ce qui est retenu peut être associé à une trame explicative qui entretient des rapports de causalité déjà constitués. Ce régime explicatif de la narration est en quelque sorte disponible pour le discours. Le narrateur sélectionne ainsi au cours de la mise en mots les contenus du vécu qui s’agencent à un schéma causaliste, contribuant à situer le récit entre le descriptif et l’explicatif. Ainsi, pour ce type de narration, les contenus de l’expérience saisis pour le récit sont des éléments qui ont été remarqués et retenus dans le présent vivant, notamment parce qu’ils interféraient avec les visées et l’intentionnalité du sujet : éléments porteurs ou faisant obstacle, données associées aux horizons d’attente…

Interroger cette sphère de la vie intentionnelle lors de l’activité narrative oriente la mise en mots vers un régime particulier : celui de la mise en mots de la dimension réfléchie de l’expérience, cela aux dépens des dimensions préréfléchies (PETITMENGIN, 2010) ou inaperçues du vécu (FONTAINE, 2010). Selon cette perspective, les dynamiques structurantes de l’activité narrative sont régies par les schèmes explicatifs qui procèdent de la mise en mots des rapports de causalité tenus pour vrais. Ce type de narration émane d’un travail de configuration visant à tenir ensemble différents éléments perçus dans le cours de l’expérience par le fait qu’ils participaient ou au contraire contraignaient la dynamique intentionnelle du sujet. Cette centration de la perception sur la sphère de l’intentionnalité résulte de la tendance décrite par Bégout de l’habituation : « Lorsque l’habitude commence à se mettre en place, la puissance directrice de l’instauration originaire délimite le cadre dans lequel les expériences répétées acquièrent un caractère typique et bien connu » (BEGOUT, 2005, p. 356). Ainsi, la vie intentionnelle a pour effet de discipliner le monde pour le « quotidianiser » : « Le mystère de la quotidianisation réside donc tout entier dans ce mécanisme obscur de l’habitude qui minore l’inconnu et majore le déjà-vu » (BEGOUT, 2005, p. 353). Ce travail incessant de domestication a pour effet de configurer les modes de perception, d’en définir un centre et des horizons qui en caractérisent les contours, de préfigurer la mise en mots et de configurer les structures narratives du récit de soi (DELORY-MOMBERGER, 2010).

Du point de vue narratif, le « problème facile » de l’expérience se caractérise donc par des processus de réduction par lesquels la saisie du vécu en vue du travail de mise en mots et du passage au récit de soi reste contenue aux dimensions attendues, remarquées et ainsi perçues de l’expérience éprouvée. D’un point de vue narratif, ces processus de réduction peuvent apparaître comme nécessaires. Face à la complexité des phénomènes expérientiels qui se donnent à vivre au sujet dans le cours du présent vivant, la mise en mots doit procéder par des formes de « réduction » (VERMERSCH, 2003). La mise en mots du vécu à partir de la sphère de l’intentionnalité procède alors d’une forme de ces formes de réduction. Elle verse cependant dans ce que Bachelard nomme l’« approche substantialiste » :

L’obstacle substantialiste, comme tous les obstacles épistémologiques, est polymorphe. Il est fait de l’assemblage des intuitions les plus dispersées et même les plus opposées. Par une tendance quasi naturelle, l’esprit préscientifique bloque sur un objet toutes les connaissances où cet objet a un rôle, sans s’occuper de la hiérarchie des rôles empiriques. Il unit directement à la substance les qualités diverses, aussi bien une qualité superficielle qu’une qualité profonde, aussi bien une qualité manifeste qu’une qualité occulte. (BACHELARD, 1938/2004, p. 97).

Le « problème facile de l’expérience » peut donc être interrogé selon deux plans : celui des processus de réduction qui procèdent par des formes tacites de sélection quant aux contenus de l’expérience ; la relative cécité quant aux phénomènes qui dérogent aux horizons d’attente de la vie intentionnelle. Ces dimensions problématiques de l’expérience sont de nature à interroger les théories et dispositifs qui cherchent à appréhender et/ou à comprendre l’activité du sujet à partir de la mise en mots de l’expérience, que ces démarches relèvent de la narration biographique, de l’explicitation de l’expérience (VERMERSCH, 2000), de l’analyse de pratiques. Un espace de dialogue et de recherche intéressant est ainsi ouvert pour penser les formes d’enquête qui sollicite l’expérience dans les domaines de la formation d’adultes (LAINE, 2004), de l’analyse du travail (THIEVENAZ, 2019), de l’analyse de l’activité (BARBIER, 2017; BARBIER et DURANT, 2017), de la didactique professionnelle et des théories portant sur les processus de conceptualisation dans l’action (PASTRE, 1999). En effet, le dépassement du « fossé explicatif » suppose de s’intéresser aux dimensions de l’agir intentionnel qui se donnent selon une modalité perceptive diffuse à l’échelle de la vie sensible. La question posée par la prise en compte du « problème difficile » de l’expérience concerne le périmètre des dimensions prises en compte pour l’expression et la narration de l’activité, une tension dialectique pouvant être établie entre le type de données saisies pour l’activité narrative et les formes de connaissances pouvant en résulter, que ces connaissances soient en première, deuxième ou troisième personne.

Le « hard problem » de l’expérience : faire passer au langage les sphères sensibles du vécu

Le problème difficile de l’expérience commence, dans le cadre de la narration, lorsque le narrataire cherche à dépasser, au cours de la mise en mots, la description des « contenus de l’expérience » associés à la vie intentionnelle pour intégrer dans cette narration les dimensions relevant de la vie sensible qui se donnent à vivre sans que cela relève du volontaire (RICŒUR, 1950/2009). Ces dimensions sont en quelque sorte collatérales à la vie intentionnelle dans le présent vivant, et primordiales par le fait qu’elles constituent le sol à partir duquel le sujet habite le monde et vit les situations. Concrètement, nous désignons ici les ambiances vécues dans les lieux, au sein des collectifs, au cours des relations et échanges interpersonnels… Sont également appréhendées ici les formes de donation qui imprègnent le vécu de manière diffuse, telles que les perceptions de confiance, les sentiments de familiarité (ou d’étrangeté), qui ne sont ni décidés, ni choisis. Ces dimensions sont reçues et éprouvées, parfois subies, quelquefois remarquées, telle une donnée « météorologique » : tout comme l’on constate le matin que la météo est clémente ou non, que l’air est frais, sec ou humide, de même, les données sensibles se constatent sur le même mode : l’ambiance est porteuse ou stressante, la situation est complexe ou propice, je suis confiant ou incertain…

Le fait, par exemple, que je me sente à l’aise et enthousiaste en entrant dans une salle au Brésil devant cinquante étudiantes dans un building au douzième étage alors que je ne connais quasiment personne ne résulte pas d’un choix, d’une intention particulière, d’une volonté construite. Ainsi, à propos de cet exemple, il n’est pas exact de dire que j’ai décidé d’être enthousiaste et confiant pour donner mon cours. Une manière plus juste de décrire ce phénomène éprouvé est la suivante : « Je suis agi par la situation qui se donne à vivre teintée d’enthousiasme et qui me fait éprouver des perceptions de confiance. » L’écart a priori infime entre ces deux formulations : « J’agis avec confiance » (1) et « Je suis agi par la situation qui me fait vivre des perceptions de confiance » (2), est pourtant « continental ». En effet, un déplacement massif s’opère entre le fait de mettre en mots le vécu à partir de l’intentionnalité et la volonté du sujet et celui de s’intéresser au couplage sujet-situation et ainsi de chercher à décrire et narrer des processus d’énaction (VARELA, 1976-2001/2017) et d’affordance (GIBSON, 1979). C’est ce déplacement qui, précisément, fait entrer dans le « problème difficile de l’expérience » : il est théoriquement difficile pour le sujet de décrire et de narrer des phénomènes dont il est l’agent passif et qui se donnent à lui selon des modalités qui peuvent être intenses ou diffuses, irruptives ou silencieuses. La mise en mots de ces phénomènes éprouvés suppose une ou des méthodes dont nous faisons état dans la section suivante.

Phénoménologie expérientielle et modes de donation du vécu sensible

Si l’appréhension de l’expérience à partir de ses contenus constitue ce qui a été nommé le « problème facile », c’est par comparaison avec la difficulté que constitue le travail d’accès aux dimensions de l’expérience qui sont d’abord reçues et perçues sans être notées. Comment en effet faire passer au langage des dimensions de l’expérience qui sont vécues sans être remarquées, et qui relèvent alors de la « vie passive » plus que de la « vie intentionnelle » ? Les enjeux relatifs à cette question sont conséquents. En effet, le travail de différenciation entre les dimensions passive et intentionnelle de l’existence est rendu nécessaire pour la clarté de notre propos. Ces deux dimensions dans en réalité sont enchevêtrées. La thèse soutenue par Bégout sur la « généalogie de la logique » conduit plutôt à considérer que la vie passive et les dimensions sensibles qui la constituent le sol à partir duquel s’édifie la vie intentionnelle et ses processus de raisonnements logiques. Ainsi, de ce point de vue, l’accès au sensible et son appréhension par le langage en vue d’un travail de description phénoménologique et/ou de narration biographique apparaît comme un moyen d’élargissement des terrains de l’enquête sur le vécu. Ces visées de connaissance et de compréhension de l’expérience dans ses dimensions phénoménales et expérientielles rencontrent cependant rapidement des obstacles d’ordre méthodologique et pratique.

L’un d’entre eux est le suivant : la sphère du vécu non régie par l’intentionnalité ne se constituant pas en « contenus de l’expérience » du point de vue du sujet, l’activité narrative semble dans l’incapacité de l’intégrer dans un texte ou un discours. Il devient nécessaire, pour examiner le vécu sur un plan expérientiel, de se doter d’un « appareillage méthodologique », ouvrant droit à sa description puis sa narration, en première ou deuxième personne. C’est ici que les travaux de la phénoménologie husserlienne, et plus précisément une des branches actuelles de la phénoménologie dite « pratique » ou expérientielle (DEPRAZ, 2012) ouvrent des perspectives d’exploration qui intéressent notre étude. Quel en est l’enjeu ? Celui de structurer des approches permettant l’examen de dimensions expérientielles de l’activité perceptive restant non thématisées par le sujet, du fait de sa centration « naturelle » sur les objets perçus en relation avec les horizons d’attente et les structures d’anticipation qui régissent la vie intentionnelle. Nous voyons ici se dessiner un champ de recherche singulier : celui de la possibilité de saisir par le langage les modes de donation de l’expérience et les effets vécus, selon différents aspects : ce à quoi « je » suis sensible (processus affectif), ce à quoi « je » suis attentif (dynamique attentionnelle) ; ce que je me dis lorsque je perçois, délibère, décide (processus cognitifs et langagiers) ; ce que j’attends et anticipe (dynamique temporelle) … Et via la phénoménologie descriptive (DEPRAZ, 2014), s’ouvrent des perspectives de recherche en vue d’une « science de l’expérience vécue » (PETITMENGIN et al., 2015). Ce travail de description peut alors porter sur les procédés d’action, l’activité de perception, les modes de donation de la situation, les impressions et ressentis éprouvés… Il suppose des formes de « conversion du regard » permettant l’accès aux sphères du vécu relevant de la vie sensible : « Les mouvements de la conscience peuvent être analysés suivant plusieurs dimensions : visée et changement de direction ; degré de focalisation/défocalisation ; mode de saisie/maintien/lâcher-prise » (VERMERSCH, 2012, p. 223). Ces procédés caractéristiques de la description micro-phénoménologique supposent de « scruter » l’expérience en saisissant des vécus singuliers de courte durée pour permettre la mise en mots détaillée2 de ces aspects.

Retentissement des effets vécus, mémoire passive et narration biographique

Le « problème difficile » de l’expérience concerne, selon notre proposition, l’ensemble des dimensions du vécu qui se donnent à vivre dans le cours de l’expérience sous la forme d’une donation expérientielle venant constituer la « mémoire passive » (HUSSERL, 1926/1998). La prise en compte de ces dimensions relevant de l’expérientiel et du phénoménal est de nature à transformer l’activité narrative en permettant le réfléchissement et la mise en mots de dimensions préréfléchies et non thématisées de l’expérience par le narrateur. Ce point est de nature à préciser l’acception et la place donnée au terme « expérientiel » dans le domaine de la narration dans le champ des sciences de l’éducation et de la formation. Différents travaux ont en effet développé une approche critique de cette notion et son emploi jugé extensif (LOCHARD, 2007). La notion est en effet mobilisée pour caractériser différents aspects ou processus : les « apprentissages expérientiels » (BALLEUX, 2000), les « acquis et savoirs expérientiels » (JOUET et al., 2010; BRETON, 2017), la « formation expérientielle » (PINEAU, 1991).

Intégrer l’« expérientiel » au cours de la narration dans une visée de formation de soi, de mise en commun du vécu au sein des collectifs de formation d’adulte, dans les équipes et collectifs au travail peut procéder d’une description des aspects de ce qui se donne à vivre au cours de moments spécifiés. C’est alors l’un des objets de la phénoménologie expérientielle que d’accompagner la mise en mots de l’expérience à partir des dimensions sensibles : vécus du corps, processus inférentiels, éveil attentionnel… La description de sphères du vécu permet alors de comprendre à l’échelle granulaire et micro-processuelle les processus qui concourent aux synthèses qui produisent les effets d’ambiance, les sentiments de familiarité ou sentiments d’appartenance, les dimensions graduelles du sentiment de confiance… Ces éléments peuvent également être historicisés à partir d’une mise en perspective de leur perdurance et de leur retentissement dans la durée de l’histoire de vie. Ainsi, le passage de l’examen détaillé du vécu à partir de moments spécifiés - ce qui caractérise le régime de la description phénoménologique - à celui de l’appréhension des phénomènes dans la durée - qui caractérise le régime de la narration biographique - rend possible l’examen et la compréhension des processus de retentissement des effets relatifs aux transformations des modes d’être dans les lieux, du sentiment d’intégration dans une équipe, d’une confiance réciproque avec des collègues ou au sein de la cellule conjugale et familiale.

Ainsi, l’appréhension des processus de formation par l’expérience ou, plus précisément, de formation expérientielle suppose de s’intéresser à la fois à ce qui est vécu dans le présent vivant (soit à l’agentivité du sujet et aux effets éprouvés sur le mode de l’immédiateté), mais également au retentissement de ces effets vécus dans le temps long de la durée. Cette dynamique de déploiement des effets vécus est soulignée dès 1991 par Pineau lorsqu’il définit la formation expérientielle comme un processus durant lequel l’expérience vécue produit des effets de transformation des modes d’existence qui s’amorcent par une évolution des manières de voir et qui s’accomplit via la narration : « une formation par contact direct mais réfléchi » (1991, p. 29). Selon cette proposition, la formation expérientielle s’amorce à partir de moments marquants et saillants du parcours, les effets vécus au cours de ces moments restant agissants dans le temps et produisant des effets sur les modes d’être, manières d’agir, modes de penser ou de narrer son parcours. L’appréhension de l’influence de vécus saillants sur le parcours de vie suppose alors de mettre en mots la dynamique de retentissement de ces moments sur les modes d’être, manière de dire et manière de faire (DE CERTEAU, 1990). C’est en effet par la narration que le déploiement d’un effet peut être appréhendé dans ses rythmes, à partir des processus de répétition, de saturation, ou d’accumulation.

C’est l’objet des approches narratives qui sollicitent l’expression du vécu dans la durée, à l’échelle des périodes de vie (PINEAU et LEGRAND, 2019), voire de l’étendue de l’existence que de chercher à comprendre ces processus de retentissement de l’expérience vécue lors de moments spécifiés, mais également à partir des dimensions processives qui évoluent dans le temps, de manière silencieuse, jusqu’à ce que l’accumulation d’effets produisent les transformations et métamorphoses transformatrices du cours de la vie (ALHADEFF-JONES, 2020). Ces recherches peuvent être conduites en première personne, dans le cadre de dispositifs de formation (LAINE, 2004) accueillant des adultes qui entrent en enquête sur leur histoire pour en penser les processus de formation et d’autoformation (PINEAU et MARIE-MICHELE, 1984). Elles peuvent également viser à caractériser les processus narratifs à l’œuvre au cours du travail biographique (BAUDOUIN, 2010) ou les processus de biographisation d’un point de vue scientifique et sociétal (DELORY-MOMBERGER, 2005). Ces différents courants ont en commun de penser le travail de narration biographique à partir d’un passage : celui de l’expérience au langage. Cela suppose d’appréhender l’expérience en prenant en compte à la fois l’agentivité du sujet et la sphère de passivité qui caractérise les dimensions réceptives du vécu et d’appréhender ces phénomènes dans la durée (DEMAZIERE, 2007), de manière dynamique, en pensant les interactions entre les sphères de la vie adulte (KOHLI, 1989).

En synthèse

En différenciant la dimension réfléchie de l’expérience que nous avons associée au domaine de la vie attentionnelle (et que nous avons nommé le « problème facile » de l’expérience), puis en caractérisant les dimensions réceptives et passives du vécu que nous avons associées à la vie passive (et que nous avons nommé « le problème difficile de l’expérience »), nous avons cherché à interroger le « sol expérientiel » qui fonde la mise en mots et ainsi désenliser le paradigme narratif du « fossé explicatif ». En effet, s’il est possible de considérer avec Ricœur que l’expérience humaine comporte une dimension prélangagière - « L’expérience peut être dite, elle demande à être dite. La porter au langage, ce n’est pas la changer en autre chose, mais, en l’articulant et en la développant, la faire devenir elle-même » (RICŒUR, 1986, p. 62) - son passage au langage suppose d’orienter les actes de saisie du vécu en différenciant ou en agrégeant les dimensions intentionnelles et réceptives du vécu au cours de la narration.

Ces travaux sur l’« épistémologie narrative » (BRETON, 2020) doivent permettre d’affronter avec lucidité les questions et interrogations sur ce paradigme de la « narration du vécu en sciences humaines et sociales », dont Bachelard résume l’une des critiques les plus acérées lorsqu’il dénonce « une philosophie facile qui s’appuie sur un sensualisme plus ou moins franc, plus ou moins romancé, et qui prétend recevoir ses leçons d’un donné clair, net, sûr, constant, toujours ouvert à un esprit toujours ouvert » (1938/2004, p. 23). La proposition faite pour cet article a été de défocaliser le regard des « contenus de l’expérience » (sans les perdre de vue cependant) pour faire porter l’enquête sur les modes de donation de l’expérience qui sont régis par les structures de la perception (1) et les structures narratives (2) qui préfigurent les manières de se dire et de se raconter et organiser les liens de causalité qui font émerger le caractère vraisemblable du récit de soi. Si vivre implique la narration (BRUNER, 1986) et si les récits sont à la fois les moyens et les traces de cette évolution (FRUTEAU DE LACLOS, 2016), la recherche narrative et ses régimes - oscillant entre description phénoménologique et narration biographique - contribuent alors à la compréhension des dynamiques de formation et d’édification des connaissances, que celles-ci soient en première, deuxième, ou troisième personne.

REFERENCIAS

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