SciELO - Scientific Electronic Library Online

 
vol.22A educação pré-escolar e a produção acadêmica: (re) construindo trajetórias de suas intelectuais (1970-1998)Universidades populares: França (XIX) e Portugal (XX) índice de autoresíndice de assuntospesquisa de artigos
Home Pagelista alfabética de periódicos  

Serviços Personalizados

Journal

Artigo

Compartilhar


Revista Brasileira de História da Educação

versão impressa ISSN 1519-5902versão On-line ISSN 2238-0094

Rev. Bras. Hist. Educ vol.22  Maringá  2022  Epub 16-Dez-2021

https://doi.org/10.4025/rbhe.v22.2022.e199 

ARTICLE ORIGINAL

Impressions de voyage d’Irene Mello Carvalho et Gildasio Amado sur l’education en France dans la decenie de 1950

Norberto Dallabrida1  * 
http://orcid.org/0000-0002-5100-2028

Laurent Gutierrez2 
http://orcid.org/0000-0002-2864-7936

1Universidade do Estado de Santa Catarina, Florianópolis SC, Brasil.

2Université Paris Nanterre, Paris, França.


Résumé:

Le but de cet article est de comprendre les impressions écrites de voyage d'Irene Mello Carvalho, directrice du Département de l'éducation de la Fundação Getúlio Vargas (FGV), et de Gildásio Amado, directeur du Colégio Pedro II - école de jour, sur la scolarité en France, en particulier l'enseignement secondaire, dans la première moitié des années 1950. Ces auteurs sont considérés comme des médiateurs culturels et leurs rapports de voyages pédagogiques sont compris comme des représentations, c'est-à-dire des présentifications et des constructions de l'absent. À partir des lieux et des intérêts institutionnels de leurs auteurs, les récits de voyage pédagogiques portent sur différents aspects de la scolarisation française. Ainsi, tandis qu'Irène a mis l'accent sur les écoles d’enseignement secondaire, Gildásio s’est concentré sur le système éducatif français.

Mots-clés : rapport de voyage pédagogique; Irene Mello Carvalho; Gildásio Amado

Resumo:

Este artigo tem por objetivo compreender as impressões escritas de viagem de Irene Mello Carvalho, diretora do Departamento de Ensino da Fundação Getúlio Vargas (FGV), e de Gildásio Amado, diretor do Externato do Colégio Pedro II, sobre a escolarização na França, especialmente o ensino secundário, na primeira metade da década de 1950. Esses autores são considerados mediadores culturais e os seus relatos de viagens pedagógicas são compreendidos como representações, ou seja, presentificações e construções do ausente. A partir dos lugares e dos interesses institucionais de seus autores, os relatos de viagens pedagógicas focalizam aspectos diferentes da escolarização francesa. Desta forma, enquanto Irene destacou colégios de ensino secundário, Gildásio colocou o foco sobre o sistema de ensino francês.

Palavras-chave: relato de viagem pedagógica; Irene Mello Carvalho; Gildásio Amado

Abstract:

This article seeks to understand the travel impressions written by Irene Mello Carvalho, director of the Teaching Department at Getúlio Vargas Foundation (FGV), and by Gildásio Amado, director of the day school at Pedro II School, about schooling in France, especially secondary education, in the first half of the 1950s. These authors are considered cultural mediators, and their reports on pedagogical trips are understood as representations, that is, presentifications and constructions of the absent. From the places and institutional interests of their authors, the reports on pedagogical trips focus on different aspects of French schooling. In this way, while Irene highlighted secondary schools, Gildásio put the focus on the French education system.

Keywords: report on pedagogical trip; Irene Mello Carvalho; Gildásio Amado

Resumen:

Este artículo busca comprender las impresiones escritas de los viajes de Irene Mello Carvalho, directora del Departamento de Educación de la Fundación Getúlio Vargas(FGV), y Gildásio Amado, director del Externado del Colégio Pedro II, sobre la escolarización en Francia, especialmente la educación secundaria, en la primera mitad de los años 1950. Estos autores son considerados mediadores culturales y sus relatos de viajes pedagógicos se entienden como representaciones, es decir, presentificaciones y construcciones del ausente. A partir de los lugares e intereses institucionales de sus autores, los informes de viajes pedagógicos se centran en diferentes aspectos de la escolarización francesa. De esta forma, mientras Irene destacó las escuelas secundarias, Gildásio se centró en el sistema educativo francés.

Palabras clave: informe de viaje pedagógico; Irene Mello Carvalho; Gildásio Amado

Introduction

Dans l'histoire de l'éducation brésilienne, des institutions sociales, en particulier religieuses, et les systèmes d'enseignement ont créé des stratégies d’abordage sur des modèles pédagogiques en circulation dans le monde. Parmi ces actions, on peut citer la traduction d'ouvrages pédagogiques et de manuels scolaires, la promotion du séjour d'éducateurs étrangers pour tenir des conférences ou donner des cours au Brésil et l'envoi d'enseignants et de personnel de l’administration à l'étranger afin d’étudier et d’observer des expériences pédagogiques, les systèmes d'enseignement et les politiques éducatives, ainsi que pour participer à des congrès. La circulation des éducateurs brésiliens dans les pays occidentaux est explorée dans la collection «Voyages pédagogiques » (Mignot & Gondra, 2007a), dont la présentation avertit que cette question est encore peu explorée par l'historiographie de l'éducation. Mignot et Gondra (2007b, p. 13) notent également que « les voyageurs sont nombreux. Nombreux aussi, sont les voyages effectués. Ce livre est, en ce sens, un projet inachevé », et ils listent les voyages des éducateurs qui ont été exclus de l’opportun livre collectif qu'ils ont organisé.

La période de redémocratisation de la société brésilienne (1945-1964) n'a pas été couverte par le recueil de Mignot et Gondra (2007a) et très peu par l'historiographie de l'éducation concernant les voyages pédagogiques des éducateurs à l'étranger - notamment dans les pays européens et aux États-Unis. Il s’agit d’un moment historique unique d'ouverture du Brésil vers le monde et de l'existence de nouvelles organisations internationales qui se sont créées juste après-guerre. Dans le domaine de l'éducation, au milieu des années 1950, le Centre brésilien de recherche en éducation (CBPE) a été créé, une initiative innovatrice créée par Anísio Teixeira en tant que directeur de l'Inep et en partenariat avec l'Unesco, qui a conduit à la circulation d'experts de cette institution internationale au Brésil et le voyage des éducateurs brésiliens à l'étranger. Si jusqu'au milieu du XXe siècle les études des voyages pédagogiques des éducateurs brésiliens se concentraient principalement sur l'enseignement primaire, à partir des années 1950, elles couvrent également l'enseignement secondaire, une étape de l'enseignement scolaire encore marquée par le traditionalisme pédagogique et avec une prédominance de l'initiative privée. - en particulier des congrégations catholiques - (Souza, 2008) et qui prenait de l'importance dans l'agenda éducatif des systèmes éducatifs dans le monde occidental.

Dans ce sens, ce travail vise à comprendre les impressions écrites de voyage d'Irene Mello Carvalho et Gildásio Amado sur l'enseignement scolaire en France, en mettant en évidence l'enseignement secondaire, dans la première décennie des années 1950. Il s’agit de deux administrateurs scolaires qui ont réalisé des voyages à l'étranger afin de chercher des subsides aux institutions d’enseignement dont ils faisaient partie. Diplômée en sciences sociales et en pédagogie, Irene Mello Carvalho a voyagé aux États-Unis en 1953, et dans les pays européens l'année suivante, alors qu'elle était directrice de la Division de l'éducation de la Fundação Getúlio Vargas (FGV) à Rio de Janeiro et qui gérait le Colégio Nova Friburgo - un établissement d'enseignement secondaire élitiste et innovateur, situé dans la ville du même nom. En 1954, lorsqu'il a voyagé en Angleterre et en France dans le but de connaître les systèmes éducatifs de ces pays, le médecin Gildásio Amado occupait le poste de directeur de l'École de jour Colégio Pedro II dans l'ancien District Fédéral (Amado, 1973). Au retour de leurs voyages pédagogiques, ces deux éducateurs ont préparé des rapports aux institutions auxquelles ils appartenaient et qui, en partie, avaient financé leurs voyages, si bien que le texte de Carvalho (1952) s'intitule « Rapport du voyage en Europe de la Directrice du département d'enseignement de la FGV en janvier et février 1952», et le rapport du directeur de l’École de jour Colégio Pedro II au ministre de l'Éducation et de la Culture est daté du 27 janvier 1954, publié dans une revue pédagogique sous le titre «Relatório do Professor Gildásio Amado sobre as reformas da educação na França e na Inglaterra - Rapport du Professeur Gildásio Amado sur les reformes de l’éducation en France et en Angleterre» (Amado, 1955). L'analyse des impressions de voyage des deux managers est donc faite à partir de ces textes.

Les impressions de voyage d’Irene Mello Cavalho et Gildásio Amado sont communiquées par des rapports écrits, considérés comme représentations de l’escolarisation en France. On prend le concept de représentation, énoncé par Chartier (2002), qui lui confère une double dimension à la mesure où elle rend présente quelque chose absente ou qui s’est déjà passée et construit cette absence ou ce fait passé. Conçue comme une pratique sociale, la représentation «met en évidence la position du sujet qui représente, prenant ici représentation dans son double acception : quelque chose qui apparaît, étant donc présente, ‘dans la place de quelque chose’ ; et quelque chose qui est absente et qui est rendue présente comme objet désigné » (Carvalho & Hansen, 1996, pp. 14-15). Ainsi, représentation est une façon de connaître indirectement les choses, les concepts, les personnes, de sorte que l’auteur de la présentification de l’absent est un agent social qui construit le réel par le récit oral, texte, image ou son. Les impressions de voyage d’Irene Carvalho et Gildásio Amado analysées dans cette étude sont des récits écrits où on cherche à comprendre les « stratégies textuelles » (Carvalho, 2007, p. 279), conçues à partir de la perspective historiographique certeaunienne. D’autre côté, des auteurs de récits de voyages pédagogiques, tels que ceux des cadres éducationnels, sont considérés des médiateurs culturels, types d’intellectuels dévoués aux pratiques de la dissémination de biens culturels par des textes écrits et enonciations, comme conférences, cours, entrevues et commentaires (Gomes & Hansen, 2016). Les médiateurs culturels sont liés à des groupes sociaux spécifiques et ont un rôle stratégique dans les institutions auxquelles ils sont reliés.

Cet article est divisé en trois parties. Dans un premier temps, des considérations sont faites sur l'importance pédagogique de la France, en mettant l'accent sur Paris, dans l'immédiat après-guerre, qui a attiré l'attention des éducateurs du monde occidental et du Brésil. Ensuite, les récits de voyages pédagogiques en France d'Irene Mello Carvalho et Gildásio Amado sont analysés en prenant comme critère l'ordre chronologique des visites.

Paris, capitale pédagogique

À l'automne 1944, alors que les troupes alliées combattaient encore les nazis, le ministre de l'éducation de la France, René Capitant a créé une commission de réforme de l'éducation, présidée par Paul Langevin - physicien prestigieux et membre du Collège de France4 - et composée de représentants de différents niveaux d'éducation. la première réunion de la Commission Langevin a eu lieu le 29 novembre 1944, dans le but de reconstruire et de moderniser le système éducatif en France. A la mort de Paul Langevin, le 19 décembre 1946, cette commission est présidée par Henri Wallon - psychologue et également membre du Collège de France -, l'un des vice-présidents de la commission. Après une série de réunions et de débats houleux, au milieu de l'année suivante, la Commission, rebaptisée Langevin-Wallon, présente au ministre de l'Éducation nationale, Marcel Naegelen, le plan homonyme, qui n'a jamais été apprécié par le législateur français, mais est devenu une référence importante pour les réformes de l'éducation en France, comme dans d'autres pays, à partir de l'après-guerre (Berrio, 1996).

Le premier principe qui a guidé le Plan Langevin-Wallon est celui de la justice sociale, qui doit inclure à la fois l'égalité et la diversité, c'est-à-dire la défense de la démocratisation de l'enseignement et le respect de l'individualité de chacun. Non moins important était le principe d'orientation, qui voulait que l'école dispense d'abord une culture générale, puis assure une orientation professionnelle. Parmi les mesures indiquées par ce projet de reconstruction de l'éducation en France, on souligne l'extension de l'enseignement obligatoire, la restructuration de l'enseignement secondaire, le renforcement de l'enseignement technique, la gratuité de l'accès à l'enseignement supérieur pour les élèves nécessiteux et la valorisation des enseignants. Cependant, l'enseignement secondaire est devenu le centre de l'agenda du Plan Langevin-Wallon, car à ce niveau d'enseignement, en raison des destructions causées par la Seconde Guerre mondiale, il y avait un manque de place dans les écoles publiques, et, menant à une croissance importante des écoles privées. Dans cette proposition pédagogique, les deux cycles de l'enseignement secondaire ont été repensés, de sorte que le premier cycle - le collège - aurait deux années d'observation et, dans les deux autres, la possibilité de choix par l'élève ; et le deuxième cycle - le lycée - comporterait trois parcours de formation : théorique, professionnel et pratique. Cependant, seul le premier d'entre eux certifiait l'élève pour passer l'examen de fin d'enseignement secondaire, ce qui le qualifiait pour l'enseignement supérieur, indiquant une limite claire de mobilité scolaire (Gutierrez & Kahn, 2016).

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le ministère de l'Éducation de la France nomme Gustave Monod au poste de directeur de l'Enseignement Secondaire. Ancien enseignant à l'École des Roches - première et paradigmatique expérience de la Nouvelle École en France -, Monod a participé à la réforme de l'enseignement secondaire dans les années 1930, mise en œuvre par le ministre de l'Éducation, Jean Zay, en tant que partie intégrante du gouvernement du Front populaire, et a agi dans la résistance française (Canguilhem et al., 1981). À la tête de la Direction de l'Enseignement Secondaire, rattachée au ministère de l'Éducation nationale, Monod s'est attaché à mettre en place, à la rentrée française, en octobre 1945, les classes nouvelles, expérience innovatrice de l'enseignement secondaire français traditionnel et élitiste, élargissant les initiatives ponctuelles lancées par le ministre Zay dans la période 1936-1939 (Prost, 1981). Ce nouveau format de scolarisation devrait être mis en œuvre dans le premier cycle de l'enseignement secondaire français5, en commençant par la première année - la sixième - et en progressant au fur et a mesure dans les autres années. Les classes nouvelles visaient à personnaliser la scolarité et, pour cela, selon Araújo et Dallabrida (2017, p. 480), leurs principaux traits didactico-pédagogiques étaient les suivants:

limitation de 25 élèves par classe, nombre réduit d'enseignants par classe, utilisation de fiches d'observation détaillées de la personnalité et du comportement de chaque élève, méthodes actives personnalisées et coopératives, visites de différents lieux pour observer et étudier l'environnement, étude dirigée, réduction de la dichotomie entre travail manuel et travail intellectuel, cycle d'orientation et d'observation, conseil de classe, accent mis sur le dialogue entre enseignants et parents et enseignement optionnel du latin, indiquant une préférence pour les langues vivantes.

Considérant l'importance cruciale de la formation des enseignants pour l'établissement des classes nouvelles, Gustave Monod s'efforce de créer, également en 1945, le Centre International d'Études Pédagogiques (CIEP), situé à Sèvres, commune limitrophe de Paris, sur la base d'un partenariat entre le ministère de l'Éducation nationale et le ministère des Affaires Etrangères de la France, avec le soutien de l'UNESCO. L'objectif du CIEP était d'effectuer des stages pour les professeurs de français désireux de s'impliquer dans la mise en œuvre du renouveau de l'enseignement secondaire français, et, dans ce sens, le premier stage s’est donné en septembre 1945 dans le but de préparer les professeurs des premières classes nouvelles, qui seraient mises en pratique le mois suivant, à la rentrée. Cependant, dès ses débuts, le CIEP avait une dimension internationale, de sorte qu'il attirait des éducateurs de diverses parties du monde, y compris des brésiliens, qui cherchaient des innovations pédagogiques ne se limitant pas à l'expérience des classes nouvelles, puisqu'il diffusait plusieurs matrices de Nouvelle éducation. Pour dynamiser encore plus la diffusion d’idées nouvelles et d’expériences pédagogiques, le CIEP a produit des revues telles que Dossiers pédagogiques pour l’enseignement du second degré et Les Cahiers pour l’enseignement du second degré. Avec la fin des classes nouvelles, en 1952, le CIEP a maintenu les classes dites pilotes, qui ont poursuivi en grande partie le renouveau pédagogique de l'enseignement secondaire français (Vieira, 2020).

En outre, le monde qui a émergé des décombres de la Seconde Guerre mondiale a créé de nouvelles organisations internationales dans le but de concevoir des mécanismes pour construire et assurer la sécurité et la paix entre les nations. Il s'agit de l'Organisation des Nations unies (ONU), créée le 24 octobre 1945 et dont le siège est situé à New York, et de l'Organisation des Nations unies pour l'Education, la science et la culture (Unesco), créée le 16 novembre de la même année et basée à Paris. Étant donné que l'UNESCO a pour vocation de contribuer à la sécurité et à la paix dans le monde par la diffusion des connaissances scientifiques, l'éducation et l'information, la capitale de la France renforce sa position de ville intellectuelle dans le monde.

Ainsi, l'existence du Plan Langevin-Wallon, du CIEP et du modèle pédagogique des classes nouvelles et le fait qu'il abritait l'UNESCO ont transformé Paris en un centre de pèlerinage pédagogique dans l'après-guerre. En raison de ces initiatives, le présent travail a choisi la France comme centre d'analyse des rapports de voyage écrits d'Irene Mello Carvalho et Gildásio Amado dans les pays européens.

Notes critiques d'Irene Mello Carvalho

Le rapport du voyage pédagogique en Europe de l'enseignante Irene Mello Carvalho commence par annoncer l'objectif de cette action qui est : « visiter des écoles sécondaires, de préférence des internats masculins, en France et en Angleterre. Éventuellement, visiter d'autres établissements d'enseignement et réussir à avoir des entrevues avec les directeurs des organismes responsables des activités d'enseignement » (Carvalho, 1952, p. 1). Cette visite a été stimulée par la Fundação Getúlio Vargas dans le but de rassembler des idées et des expériences dans les pays européens pour structurer l'établissement d'enseignement secondaire qu'elle dirigeait, Ginásio Nova Friburgo - internat situé dans la ville homonyme et fondé en 1950. Le rapport présente également quelques notes sur le financement du voyage pédagogique, précisant qu'à la demande du Direction exécutive de la FGV à Rio de Janeiro, le délégué du Brésil auprès de l'UNESCO a obtenu une aide financière de l'organisme des relations culturelles de la France et du British Council, qui a pris en charge les billets d'avion et accordé une aide au séjour du voyageur brésilien en France et en Angleterre. De cette manière, FGV ne parrainait que des indemnités journalières au chef de son département de l'éducation, indiquant une excellente articulation diplomatique de cette institution pour assurer la mobilité de ses directeurs d’école au niveau international.

L'itinéraire de voyage est précis et détaillé, il indique les jours ouvrés, les moments de déplacement sur le territoire européen et les lieux de visites touristiques les week-ends et jours fériés. Le premier séjour d'Irene Mello Carvalho a lieu à Madrid (Espagne) du 13 au 16 janvier 1952, lorsqu'elle a visité deux écoles et la Cité universitaire. En France, le séjour de la directrice du Département de l'Education de la FGV a duré plus longtemps, du 17 janvier au 7 février, période durant laquelle elle a visité l'UNESCO, le Ministère de l'Education, le Centre International d'Études Pédagogiques, le Musée Pédagogique, l'École Expérimentale de Montgeron et l'École des Roches. Elle a mené des entretiens avec plusieurs autorités éducatives et effectué un stage à l'école du CIEP. En Angleterre, le professeur Irene a séjourné du 12 au 22 février et a effectué des visites dans divers collèges et à l'Université de Cambridge, ainsi que des entretiens avec des autorités éducatives. Avant de rentrer au Brésil, le 28 février, elle a passé quelques jours à Lisbonne et a interviewé un directeur de l'éducation sur l'organisation de l'enseignement secondaire au Portugal. Ainsi, l'enseignante Irene a profité de ses vacances d'été au Brésil pour effectuer sa visite pédagogique dans des pays européens qui, à partir de la deuxième semaine de janvier, ont eu des activités scolaires régulières.

Concernant la France, le professeur Irène fait des notes minutieuses sur sa visite pédagogique à l'École de Sèvres, rattachée au Centre International d'Études Pédagogiques. Dans un premier temps, elle cite les titres des conférences pédagogiques et leurs intervenants respectifs qu'elle a accompagnés au CIEP, à savoir : « Les nouveaux objectifs de l’école secondaire » (G. Monod, ancien directeur de l'Enseignement Secondaire en France) ; « Matériel didactique pour l'enseignement de l'histoire » (M. Brulet), président de l'Association des Professeurs d'Histoire ; « L'enseignement de l'Histoire selon les objectifs de l'UNESCO » (M. Aubert) ; « L'enseignement du dessin en corrélation avec les autres matières du secondaire » (Mme Hatingais, directrice de l'École de Sèvres) ; « La culture au cours de la vie » (M. Morfaux, professeur agrégé6 de philosophie) ; et « Travaux en équipe » (Mlle Roby). A propos de ce cycle de conférences, elle conclut : « Ces conférences, qui constituaient le stage pédagogique des candidats au concours d'agrégation, étaient, en règle générale, brillantes du point de vue de la forme, mais leur contenu était faible, car elles présentaient peu de systématisation des idées et peu de données objectives » (Carvalho, 1952, p. 5). Il apparaît donc que, malgré l'éloge de la fluidité verbale des conférenciers, l'appréciation du visiteur brésilien présente un ton critique par rapport au contenu des expositions.

Les notes du professeur Irène sont encore plus dures par rapport à la pratique pédagogique du collège CIEP puisqu'elle commence par affirmer ceci : « Quant aux cours et séminaires que j'ai suivis à l'École de Sèvres, je n'ai rien observé de nouveau » (Carvalho, 1952, p. 5). Elle vérifie que, du fait du nombre réduit d'élèves par classe, autour d'une dizaine, leur participation a été bonne et que la discipline n'a pas posé de problèmes. Cependant, elle note que « les enseignants préfèrent la motivation négative à la motivation positive, ce qui représente une grave erreur pédagogique » (Carvalho, 1952, p. 5), ce qui est surprenant pour une école modèle des Classes Nouvelles. D'autre part, elle fait des réflexions sur la discipline Étude de l'environnement, qui proposait aux étudiants, dans l'après-midi, une visite au musée du Louvre pour observer des vases grecs - certainement de la période antique. À propos de cette activité, le visiteur brésilien a noté qu'elle n'était pas adéquate, car elle ne contribuait pas à l'objectif de cette discipline, qui devrait fournir la connexion de l'étudiant au temps présent. Cette critique est brutale, car l'étude de l'environnement naturel et humain était la principale stratégie curriculaire des classes nouvelles et devait intégrer plusieurs disciplines - généralement acclamée par les visiteurs brésiliens. En revanche, le professeur Irène ne rapporte pas comment les vases grecs ont été travaillés par les élèves ni son approche du milieu culturel français.

Deuxièmement, le rapport d'Irene Mello Carvalho traite de sa visite au Musée pédagogique, une institution gardienne du patrimoine culturel de l'école française, en particulier de l'enseignement primaire, qui visait à contribuer à la modernisation de l'enseignement scolaire. Le rapport commence par dire que « la visite du Musée pédagogique m'a également déçu. La Bibliothèque contient peu d'ouvrages étrangers, les expositions organisées sont de peu d'actualité et la recherche en cours se limite à des sujets non-pertinents » (Carvalho, 1952, p. 6). Il s’agit d’un bilan très négatif des matériaux et des investigations d'une institution française qui matérialisait l'éducation nationale républicaine et jouissait de prestige auprès des éducateurs et des directeurs. D'autre part, le professeur Irène a fait l'éloge du matériel illustratif que le Musée pédagogique a envoyé aux écoles, mais a désapprouvé certaines tables d'histoire qui n'étaient pas bien adaptées aux élèves du secondaire. Elle estimait que ce manque de tact didactico-pédagogique était dû au fait que ces peintures étaient réalisées par des historiens de la Sorbonne et du Collège de France, institutions qui réunissaient les meilleurs intellectuels de France, mais qui n'étaient pas forcément formés à préparer des matériel didactique pour les élèves du secondaire.

Enfin, le rapport de la directrice du département Education de la FGV en France présente un bilan positif de deux écoles de référence dans la clé de l'innovation scolaire dans l'Hexagone qu'elle a connues, à savoir : l'École expérimentale de Montgeron et l'École des Roches. Concernant le Lycée de Montgeron, il y a des petits éloges sur le travail manuel et l'élaboration d'artefacts didactiques par les élèves, ainsi que les peintures murales affichées dans les salles de classe pour le processus d'apprentissage. Inspirée des écoles anglaises innovatrices et créée en 1889 en Normandie comme internat pour des garçons adolescents bourgeois, l'École des Roches a inauguré l'ère de l'Éducation nouvelle en France et conserve, dans les années 1950, une aura symbolique de prestige (Gutierrez, 2006). À ce sujet, Carvalho (1952, p. 6) rapporte ce qui suit:

A l'école des Roches, en plus de retrouver les valeurs que je viens de souligner par rapport à Montgeron, j'ai constaté que le système d'organisation de la vie scolaire en internat à la campagne est très bon. La vérité est qu'ils sont confrontés à des problèmes identiques à ceux du G.N.F. [Ginásio Nova Friburgo], car il y a des élèves difficiles et des enseignants qui ne s'adaptent pas, tout cela aggravé par le manque de ressources pour reconstruire ce qui a été détruit par la guerre. Il y a donc de nombreux défauts, mais il y a aussi un gros effort pour les surmonter.

Cet extrait est important, car il révèle des affinités institutionnelles entre l'École des Roches et le Ginásio Nova Friburgo, géré par la FGV et assisté pédagogiquement par le professeur Irène, fonctionnant également comme internat pour adolescents masculins, généralement issus de la classe aisée. En ce sens, Irene Mello Carvalho fait des commentaires comparatifs entre les deux écoles, affirmant qu'en raison des différences culturelles entre Brésiliens et Français, on ne peut pas exiger le même niveau de travail des enseignants au Brésil. Elle remarque également que l'École des Roches comptait, en 1952, 350 élèves qui recevaient peu de confort et son coût était inférieur à celui des internes du Ginásio Nova Friburgo. Enfin, à l'internat de Normandie, Irène Mello Carvalho a trouvé des soutiens pédagogiques pour améliorer le Ginásio Nova Friburgo, en cours de consolidation. Cependant, elle ne prête pas attention au caractère de classe et à la perspective masculiniste des deux écoles, de sorte que ces marqueurs sociaux n'ont pas été pris en compte, car son rapport s'est concentré sur l'organisation de la vie scolaire.

Le rapport d'Irene Mello Carvalho fait des considérations contradictoires sur les écoles et les établissements d'enseignement qu'elle a visités en France. D'une part, il témoigne d'une déception vis-à-vis de l'école d'application du CIEP de Sèvres et des matériaux et recherches du Musée pédagogique de la rue d'Ulm à Paris. De ces deux établissements d'enseignement, elle a apporté peu de contributions au renouveau de l'enseignement secondaire brésilien. En revanche, elle a salué les expériences pédagogiques au Lycée de Montgeron et, surtout, à l'École des Roches, où elle a identifié des aspects suggestifs de l'organisation de la vie scolaire qui pourraient aider le Ginásio Nova Friburgo.

Le rapport encourageant du professeur Gildásio Amado

Le rapport du voyage pédagogique de Gildásio Amado en Europe, présenté au ministre de l'Éducation et de la Culture en janvier 1954 et publié à la fin de l'année suivante (Amado, 1955), commence par communiquer son objectif, qui est : « présenter à Votre Excellence le compte rendu des observations que j'ai faites sur les réformes de l'éducation qui, après la dernière guerre, sont à l'étude ou déjà mises en œuvre en France et en Angleterre » (Amado, 1955, p. 159). Pour cela, Il a mené des entretiens avec les autorités éducatives, les directeurs et les enseignants, visité des écoles et consulté des publications officielles sur les systèmes éducatifs de ces deux pays. En France, Gildásio Amado a pris contact avec M. J. Voisin, directeur par intérim de l'Enseignement Secondaire ; M. E. Gros, directeur du Centre de Documentation Pédagogique ; Joseph Maiault, directeur du Musée Pédagogique ; et Madame Hatingais, directrice du Centre International d'Etudes Pédagogiques de Sèvres. Et il a noté qu'en France, il a eu un soutien important de l'Office commercial du Brésil, en particulier du fonctionnaire Dirceu di Pasca, considéré comme un cadre qui fait l'éloge de la fonction publique brésilienne. Ainsi, la trajectoire de l'éducateur brésilien en France s'est déroulée dans les sphères administratives et dans les établissements publics d'enseignement.

Pour Gildásio Amado, ce qui a pris une place centrale dans le champ scolaire français juste après-guerre, c'est le Plan Langevin-Wallon, affirmant qu' « il guide, dans une certaine mesure, les projets et surtout nombre des réalisations pédagogiques actuelles. Mais c’est considérée, par une grande partie de l'opinion, comme utopique, irréalisable » (Amado, 1955, p. 160). Il considère que cette proposition pédagogique s'inscrit dans la tradition de réforme du système éducatif français qui avait été fondée par le mouvement des Compagnons de l'Université Nouvelle, en gestation dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, et, en partie, mise en mouvement, de 1936 à 1939, par les initiatives du ministre de l'Éducation du gouvernement du Front populaire, Jean Zay. Bien qu'il considère que le Plan Langevin-Wallon est bien connu au Brésil, Amado (1955) juge opportun d'en commenter ses principales caractéristiques, notant, dans un premier temps, que « la scolarité obligatoire jusqu'à l'âge de 18 ans est son thème fondamental, fondé sur le principe de l'égalité de tous face à l'éducation » (Amado, 1955, p. 160). A ce moment historique, la scolarité obligatoire en France s'étendait jusqu'à l'âge de 14 ans, qui était en pratique représenté par l'enseignement primaire et les cours complémentaires, le plus souvent à caractère technique, de sorte que l'enseignement secondaire long était encore très élitiste. En défendant l'extension de la scolarité obligatoire, le Plan Langevin-Wallon poursuit la démocratisation du système éducatif en France qui assurera l'éducation scolaire de tous les citoyens jusqu'à la fin de l'enseignement secondaire. C'était une position définitivement audacieuse pour le système scolaire français - et occidental.

Selon le professeur Gildásio, le principe de justice sociale, qui établissait le Plan Langevin-Wallon, impliquait le prolongement de la scolarité obligatoire jusqu'à 18 ans, mais il devait aussi être complété par le principe d'orientation scolaire dans l'enseignement secondaire. Amado (1955, p. 161) résume ce fondement en déclarant que « pour que l'éducation puisse être appliquée avec la plus complète justice, elle doit être fondée sur la connaissance de la psychologie de l'enfant, sur l'étude objective de chaque individualité. Dans le respect de leur personnalité, il visera à découvrir et à développer les aptitudes individuelles ». Le principe directeur défendait la proposition pédagogique selon laquelle l'éducation scolaire, à côté de sa dimension intellectuelle traditionnelle, devrait également inclure des aspects sociaux, moraux, manuels, artistiques et émotionnels, qui intégraient la perspective de l'éducation intégrale qui a guidé le mouvement de l'éducation nouvelle (Vidal & Rabelo , 2020). Ainsi, le Plan Langevin-Wallon signalait l'existence de deux nouveaux cycles de l'enseignement secondaire français, comme le résume Amado (1955, p. 162):

I) le premier, de 11 à 15 ans, serait une période d'orientation, qui, assurant un complément indispensable de culture générale, serait consacrée à l'observation méthodique des enfants pour révéler leurs aptitudes et permettre leur orientation.

II) le deuxième cycle serait la période de détermination. Les étudiants éligibles à l'enseignement universitaire y recevraient une formation théorique adéquate. Pour d'autres, la culture générale se poursuivrait par rapport à une culture spécialisée ou professionnalisante, afin que des adolescents désignés par leurs aptitudes à exercer un métier puissent, à l'issue de ce cycle, entrer dans la vie professionnelle.

Dans cette proposition pédagogique, malgré le fait que le cours primaire continue d'être commun à tous les enfants, sa nouvelle conception impliquait un changement dans son caractère propédeutique, de sorte qu'il pouvait adopter "[...] un vaste programme de centres d'intérêt, liés à la découverte et à l'observation du milieu naturel et humain, par l'application de méthodes plus globales et plus vivantes » (Amado, 1955, p. 163). En France comme au Brésil, ainsi que dans les pays occidentaux, le passage de l'enseignement primaire à l'enseignement secondaire était marqué par une épreuve de connaissances intellectuelles - appelée au Brésil examen d'admission. Dans cette configuration, l'enseignement primaire devrait offrir aux élèves un programme encyclopédique qui les prépare à l’examen d'entrée au secondaire. Le Plan Langevin-Wallon a brisé l'épine dorsale du système éducatif français en ce qu'il a supprimé ce test d'entrée dans l'enseignement secondaire, ainsi que les barrières à l'accès au deuxième cycle de ce niveau d'enseignement. À propos de cette resignification de l'enseignement secondaire, Amado (1955, p. 163) soutient que « le passage du 1er à la 2e cycle est considéré avec la plus grande attention par les réformateurs français précisément parce qu'il marque le moment où se pose l'important problème de l'orientation scolaire », qui est l'une des plus grandes préoccupations de l'éducation moderne » (Amado, 1955, p. 163). Le premier cycle de l'enseignement secondaire serait marqué par une orientation scolaire dans laquelle les élèves seraient systématiquement observés afin de comprendre les aptitudes et dispositions individuelles. Ainsi, tant dans les lycées techniques que dans ceux de l'enseignement secondaire, une solide culture générale serait dispensée, avec plus d'emphase, et une formation professionnelle.

Le Plan Langevin-Wallon a également repensé le deuxième cycle de l'enseignement secondaire, qui aurait les ramifications formatives suivantes : a) la section pratique regroupant des élèves plus manuels, qui seraient envoyés dans des « écoles d'apprentissage technique » ; b) la section professionnelle destinée aux élèves ayant démontré des aptitudes pour l'exécution, qui étaient dirigées vers les « écoles commerciales, industrielles, agricoles, artistiques » ; c) la section théorique pour ceux qui font preuve d'aptitudes intellectuelles, qui doivent préparer l'examen final de l'enseignement secondaire en vue d'accéder à l'enseignement supérieur - le baccalauréat -, en étant bifurqué en sciences humaines (classiques ou modernes) et en sciences (pures et techniques) (Amado, 1955, p. 167). La flexibilité du deuxième cycle de l'enseignement secondaire a été pensée comme un approfondissement du cycle d'orientation prévu au premier cycle de ce niveau d'enseignement, guidée par le diagnostic lent et l'orientation des dispositions et aptitudes individuelles basées sur des connaissances psychopédagogiques. Ainsi, les choix des élèves tout au long de l'enseignement secondaire n'étaient pas encore conçus comme des mécanismes de reproduction sociale tels qu'ils seraient analysés au prisme des sociologies marxistes ou bourdieusiennes - notamment à partir des années 1960.

Le Plan Langevin-Wallon a été acheminé par le ministre de l'Éducation nationale, en 1949, au Conseil Supérieur de l'Éducation Nationale, mais n'a jamais été effectivement mis en pratique. Selon Amado (1955), elle a provoqué des manifestations de la Direction de l'Enseignement Secondaire, de la Direction de l'Enseignement Technique et du Conseil de l'Enseignement Supérieur, ainsi que des critiques de la part des syndicats d'enseignants et de la Société des Agrégés. La difficulté à mettre en œuvre cette proposition pédagogique tenait surtout à la complexité du système éducatif français, résumée par Amado (1955, pp. 196-70) comme suit : « l'organisation de l'enseignement, en France, dominée par une centralisation pédagogique et administrative excessive, est complexe, multiple, avec un grand nombre d'organismes, de directions, de conseils, d'associations, auxquels sont attribués des droits et des responsabilités en matière d'enseignement et à la pédagogie ». Il conclut en disant que la base juridique de l'enseignement du français reste la même qu'avant la Seconde Guerre mondiale, mais il y avait une innovation pédagogique mise en pratique par les enseignants et les directeurs par l'introduction de méthodes actives.

Dans son rapport, le professeur Gildásio commente la principale expérience pédagogique innovatrice de l'enseignement secondaire français d'après-guerre, constituée par les nouvelles classes. Instituées par un acte audacieux du Direction de l'Enseignement Secondaire pour le premier cycle de l'enseignement secondaire, ces classes avaient, selon Amado (1955, p. 170) deux buts : « satisfaire, de manière la plus parfaite, la fonction d'orientation scolaire » , et d'offrir aux enseignants de meilleures conditions de travail leur permettant d'accomplir leur tâche d'une manière plus adaptée aux exigences de la vie et de la culture modernes ». Selon Amado (1955), pour se différencier de l'enseignement secondaire ordinaire, les classes nouvelles ont été moulées par les principes suivants : classes de 25 élèves pour permettre une prise en charge individualisée ; réduction du nombre d'enseignants dans les deux premières années ; réalisation du conseil de classe pendant le temps de l'enseignant pour évaluation et replanification ; élargissement de la culture générale offerte aux étudiants ; articulation des activités scolaires ; introduction à l'étude du milieu naturel et humain ; institution de travail dirigé dans le but de donner un rôle principal à l'étudiant ; mise en place de travaux libres ou adaptés visant à individualiser l'enseignement ; encourager le travail d'équipe ; une action éducative articulée entre managers, enseignants et parents ; et l'observation psychopédagogique systématique dans le but d'assurer l'orientation scolaire et professionnelle des élèves.

En ce qui concerne le processus de mise en place de classes innovatrices dans le premier cycle de l'enseignement secondaire français, Amado (1955, p. 172) précise qu' « à partir de 1946, en 1re année, les "classes nouvelles" se sont progressivement étendues à la quatrième année ». L'éducateur brésilien s'est trompé sur le début des classes nouvelles, qui n'ont pas eu lieu en 1946, mais en octobre de l'année précédente, c'est-à-dire à la rentrée française 1945 - 1946 (Levallois, 1991). En évoquant une série par ordre croissant, le professeur Gildásio faisait l'équivalence du premier cycle de l'enseignement secondaire français - qui, en réalité, se composait de quatre séries par ordre décroissant - avec le premier cycle de l'enseignement secondaire brésilien, le collège, formé par les première, deuxième, troisième et quatrième séries annuelles. Quant à la formation des enseignants de ces classes, Amado (1955, p. 172) précise que « les enseignants des 'classes nouvelles' sont formés dans le cadre de stages nationaux ou régionaux. Des conseillers pédagogiques spéciaux les guident dans leurs efforts et dans l'échange de visites et d'expériences ». En ce qui concerne la flexibilité du programme, le professeur Gildásio dit que parfois les classes sont divisées en deux groupes ; et, dans les deux dernières années, en plus du tronc commun, les étudiants peuvent choisir des disciplines. Il relève également que, dans les classes nouvelles de la période matinale, les matières du programme officiel étaient enseignées et que les élèves recevaient des activités pratiques et artistiques, d'éducation physique et sportive, ainsi que des activités personnalisées l'après-midi, selon le service d'orientation scolaire.

Le professeur Gildásio rapporte aussi, de manière concise, sa visite pédagogique au Centre International d'études Pédagogiques de Sèvres, où il a suivi quelques cours et pris contact avec des professeurs et des conseillers pédagogiques. Il souligne que le CIEP a été créé en 1945 pour regrouper des enseignants volontaires qui souhaitaient mettre en place des classes nouvelles, ainsi que des directeurs et des enseignants acceptant de rendre compte et de discuter sur leurs expériences avec cette pédagogie innovatrice. Et il rappelle la dimension internationale de cet établissement d'enseignement, affirmant que « Sèvres a aussi ouvert ses portes à des éducateurs étrangers, dont certains Brésiliens » (Amado, 1955, p. 173). En outre, l'éducateur brésilien fait quelques commentaires sur le Centre National de Documentation Pédagogiquea, qu'il a visité et qu'il considère comme un organe stratégique du ministère de l'Éducation en France, soulignant ses objectifs:

a) la prise en charge de la recherche pédagogique et le perfectionnement des méthodes d'enseignement, facilitant la confrontation d’expériences, la diffusion d'informations sur l’activité pédagogique française et étrangère, l'expérimentation des nouvelles techniques et moyens d'enseignement et d'éducation ;

b) l’assistance des professeurs dans leurs études (préparation aux examens et concours qui donnent accès aux fonctions universitaires, dans leur enseignement et préparation des cours, cours, conférences post-scolaires), dans leurs recherches et activités visant au perfectionnement de leur culture, tout cela en leur fournissant des moyens de travail, des livres, des disques, des films, etc., en organisant l'échange d'informations ou en favorisant la coopération intellectuelle et culturelle des enseignants.

c) l’information aux enseignants et aux parents sur les écoles et les carrières, afin de mieux assurer l'orientation scolaire des jeunes. (Amado, 1955, p. 172)

Cette précision des finalités du Centre National de Documentation Pédagogique avait certainement pour but de diffuser une expérience didactico-pédagogique qui pourrait être modèle auprès du public brésilien.

Dans le récit de son voyage pédagogique en France, Gildásio Amado met en lumière le Plan Langevin-Wallon et les classes nouvelles, les deux principales initiatives de renouveau de l'enseignement secondaire qui ont émergé vers la fin de la Seconde Guerre mondiale. Dans son texte, il consacre plus de paragraphes à la proposition de la Commission Langevin-Wallon qu'à l'essai pédagogique des classes nouvelles, révélant un intérêt particulier pour la réorganisation du système éducatif français. D'autre part, Amado analyse les impasses de l'enseignement secondaire français et les grandes lignes des classes nouvelles, un modèle pédagogique qui a circulé dans le monde entier et était déjà en cours d'appropriation au Brésil par d'anciens stagiaires du CIEP.

Considérations finales

Dans l'immédiat après-guerre, du fait de l'existence du Plan Langevin-Wallon et de l'expérience des Classes Nouvelles, ainsi que du fait qu'elle a accueilli l'UNESCO, Paris est devenue une ville qui a attiré des éducateurs du monde entier, dont plusieurs Brésiliens - en particulier à partir des années 1950. C'est dans cette atmosphère pédagogique que les enseignants et administrateurs Irene Mello Carvalho et Gildásio Amado entreprennent leurs voyages pédagogiques en France et rapportent leurs observations pédagogiques à des autorités de l’éducation brésiliennes. Irene Mello Carvalho prend contact avec les autorités éducatives du secteur public et visite le CIEP et ses classes nouvelles et le Lycée de Montgeron, mais elle est enchantée par l'École des Roches, où elle récolte des contributions pédagogiques pour améliorer le Ginásio Nova Friburgo de la FGV à Rio de Janeiro, dont elle était directrice du département d'éducation. Dans son récit de voyage en France, elle se concentre sur les visites pédagogiques d'établissements scolaires, cherchant à observer des pratiques scolaires innovantes, et, en ce sens, ses notes ont un caractère didactico-pédagogique. De plus, le professeur Irène fait des analyses critiques du système éducatif français qui sont peu communes dans les récits et dans les mémoires des éducateurs brésiliens, peut-être en grande partie en raison de sa sympathie pour les expériences nord-américaines, en particulier le plan Morrison.

Dans son rapport au ministre de l'Education et de la Culture, Gildásio Amado met l'accent sur les propositions et l'organisation du système d'enseignement public en France. Non sans raison, il débute par une analyse fine du Plan Langevin-Wallon, qui a marqué les débats et les configurations de l'enseignement scolaire en France et, dans une large mesure, dans le monde occidental. Dans la vision de Gildásio, le plan conçu par un groupe restreint de rénovateurs de l'éducation en France a problématisé l'ensemble du système éducatif de leur pays, en particulier l'enseignement secondaire. Il s'agissait de la défense de l'allongement de la scolarité jusqu'à 18 ans, provoquant la démocratisation de l'enseignement, et du principe d'orientation à la lumière d'une perspective psychopédagogique recherchant le respect des compétences et des tendances individuelles. D'autre part, dans son rapport écrit, le professeur Gildásio a mis en évidence les classes nouvelles, qui pourraient inspirer le renouveau de l'enseignement secondaire public au Brésil, plâtré par la centralisation et l'accent mis sur les humanités prescrites dans la Loi Organique de l'Enseignement Secondaire. Même succinctement, il fait des commentaires sur le CIEP et le Centre national de documentation pédagogique, qui sont aussi des établissements publics. En tant que directeur du Colégio Pedro II - école de jour, Gildásio Amado a été guidé par la perspective de restructuration du système public, qu'il considérait en décalage avec la société qui émergeait avec la redémocratisation du Brésil. Il profite en grande partie des subisides pédagogiques qu'il a recueilli en France pour prendre des initiatives en faveur de La flexibilisation de l'enseignement secondaire brésilien, notamment la mise en place de classes secondaires expérimentales.

Referências

Amado, G. (1973). Educação média e fundamental. Rio de Janeiro, RJ: Livraria José Olympio Editora. [ Links ]

Amado, G. (1955). Relatório do professor Gildásio Amado sobre as reformas da educação na França e na Inglaterra. Revista Brasileira de Estudos Pedagógicos, 60(24), 159-197. [ Links ]

Araújo, E. M., & Dallabrida, N. (2017). Gustav Monod e a renovação do ensino secundário francês. Acta Scientiarum. Education, 39(suppl.), 475-481. [ Links ]

Berrio, J. R. (1996). Proyecto de Reforma de la Enseñanza Langevin-Wallon. In J. R. Berrio (Ed.), La educación en los tiempos modernos (p. 328-333). Madrid, ES: Actas. [ Links ]

Canguilhem, G., Cros, L., Delannoy, J., François, L., Goblot, F., Petit, G., ... Renard, P. (1981). Un pionnier en éducation : Gustave Monod: un hommage collectif rendu à Gustave Monod. Paris, FR: Comité Universitaire d’Information Pédagogique. [ Links ]

Carvalho, I. M. (1952). Relatório da viagem à Europa da Diretora do Departamento de Ensino da F.G.V. em janeiro e fevereiro de 1952. Rio de Janeiro, RJ: Fundação Getúlio Vargas. [ Links ]

Carvalho, M. M. C. (2007). A bordo do navio, lendo notícias do Brasil: o relato de viagem de Adolphe Ferrière. In A. C. V. Mignot, & J. G. Gondra (Ed.), Viagens pedagógicas (p. 277-293). São Paulo: Cortez. [ Links ]

Carvalho, M. M. C., & Hansen, J. A. (1996). Modelos culturais e representação: uma leitura de Roger Chartier. Vária História, 16, 7-24. [ Links ]

Catani, A. M., & Martinez, P. (Orgs.). (1999). Sete ensaios sobre o Collège de France. São Paulo, SP: Cortez. [ Links ]

Chartier, R. (2002). À beira da falésia: a história entre incertezas e inquietudes. Porto Alegre, RS: UFRGS. [ Links ]

Gomes, A. C., & Hansen, P. S. (Ed.). (2016). Intelectuais mediadores: práticas culturais e ação política. Rio de Janeiro, RJ: Civilização Brasileira. [ Links ]

Gutierrez, L. (2006). Les limites de la visibilité pédagogique des premières écoles nouvelles (1889-1932). Les Sciences de l’Éducation, 39(4), 31-44. [ Links ]

Gutierrez, L., & Kahn, P. (2016). Enjeux et défis d’une réforme de l’enseignement à la Libération. In L. Gutierrez, & P. Kahn (Ed.), Le Plan Langevin-Wallon: histoire et actualité d’une réforme de l’enseignement (p. 7-24). Nancy, FR: Presses Universitaires de Nancy. [ Links ]

Levallois, A. (1991). Rentrée des classes - octobre 1945. In J. Guignard (Ed.), Lycée de Sèvres 1921-1991 (p. 30-32). Sèvres, FR: Éditions Les amis de Sèvres. [ Links ]

Mignot, A. C. V., & Gondra, J. G. (Ed.). (2007a). Viagens pedagógicas. São Paulo, SP: Cortez. [ Links ]

Mignot, A. C. V., & Gondra, J. G. (2007b). Viagens de educadores e circulação de modelos pedagógicos. In A. C. V. Mignot, & J. G. Gondra (Ed.), Viagens pedagógicas (p. 7-14). São Paulo, SP: Cortez. [ Links ]

Nogueira, M. A., & Nogueira, C. M. M. (2006). Bourdieu & educação. Belo Horizonte, MG: Autêntica. [ Links ]

Prost, A. (1981). Histoire de l’enseignement et de l’éducation: l’école et la famille dans une société en mutation (depuis 1930). Paris, FR: Éditions Perrin. [ Links ]

Souza, R. F. (2008). História da organização do trabalho escolar e do currículo no século XX: (ensino primário e secundário no Brasil). São Paulo, SP: Cortez. [ Links ]

Vidal, D. G., & Rabelo, R. S. (Ed.). (2020). Movimento internacional da educação nova. Belo Horizonte, MG: Fino Traço. [ Links ]

Vieira, L. (2020). Classes experimentais secundárias de instituições públicas de ensino no esta do de São Paulo: um estudo sobre formas de circulação e apropriação de práticas pedagógicas (1951-1962) (Tese de Doutorado). Universidade de São Paulo, São Paulo. [ Links ]

Received: March 07, 2021; Accepted: June 22, 2021; Published: December 16, 2021

Creative Commons License Este é um artigo publicado em acesso aberto sob uma licença Creative Commons